tag:blogger.com,1999:blog-84642480659384833732024-03-13T15:51:44.759-04:00L'écrivain du dimancheProjet en cours: la Trilogie des goujats!Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.comBlogger536125tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-53640284785450713352020-05-08T13:03:00.002-04:002020-05-08T13:05:34.438-04:00Projet en cours: la Trilogie des goujats! Bonjour tout le monde! Comme vous le savez, j’ai créé ce blog pour publier le Nœud Gordien, le roman-feuilleton que vous avez suivi pendant dix ans et 500 épisodes (!!!). <br />
<br />
Qu'en est-il de votre écrivain du dimanche favori maintenant que ce projet est bouclé? Ces jours-ci, je suis un écrivain... Sept jours sur sept. Je travaille sur une trilogie de romans, qui explorent les écueils de la masculinité d'aujourd’hui à travers le regard de trois amis que j’appelle «mes trois tarés». <br />
<br />
J'ai déjà complété Misogyne, le premier volet, que je m'apprête à soumettre à des éditeurs. Cet été, je planche sur le deuxième : Obsédé. Si l'écriture est un plaisir plutôt solitaire, j’ai décidé de partager avec vous des bribes de mon travail <a href="https://www.facebook.com/stlouispatrice">sur ma page Facebook</a> au cours des prochaines semaines.<br />
<br />
Je vous invite à m'y retrouver!Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-30073764857491004112017-12-10T09:31:00.001-05:002017-12-10T09:49:21.499-05:00La fin d'une époque! <div style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; margin-bottom: 6px;">
Il y a plus de dix ans, l'idée d'écrire un roman-feuilleton m'a pris, des publications en petites bouchées, faciles à écrire en marge de mon doctorat, faciles à lire pour quiconque le souhaitait. À l'origine, je disais à moitié à la blague que ce serait amusant de me rendre à 500 épisodes...</div>
<div style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; margin-bottom: 6px; margin-top: 6px;">
Dix ans plus tard, j'y suis parvenu. Beau temps mauvais temps, que je sois en vacances ou dans un "rush", chaque dimanche, j'étais là pour partager le chapitre suivant. Une à trois pages <span class="text_exposed_show" style="display: inline; font-family: inherit;">dans mon document Word. Jamais une ligne de plus, jamais une ligne de moins.</span></div>
<div class="text_exposed_show" style="background-color: white; color: #1d2129; display: inline; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">
<div style="font-family: inherit; margin-bottom: 6px;">
À l'origine, j'avais quelques idées floues et distantes de destinations éventuelles pour le récit. C'est toutefois dans le feu de l'action, en me basant sur ce qui avait déjà été posé, que j'ai décidé - la plupart du temps la semaine même - ce qui suivrait. Cet été, pour la première fois, j'ai foncé en avant: je ne pouvais plus me permettre d'inventer à mesure, il fallait que je donne à l'histoire un fin à la hauteur de ce qui avait été installé. J'ai été délicieusement obsédé par tout cela pendant des semaines, mais je pense avoir livré une finale qui laissera croire à ceux qui n'ont pas lu ce paragraphe que tout était planifié depuis le jour 1.</div>
<div style="font-family: inherit; margin-bottom: 6px; margin-top: 6px;">
Ces "petites bouchées" se sont accumulées: l'histoire complète fait 435486 mots, plus de deux millions de caractères... Une bonne brique!</div>
<div style="font-family: inherit; margin-bottom: 6px; margin-top: 6px;">
La prochaine étape sera de réviser le texte afin de le faire publier. Vu que dix ans se sont écoulées entre le début et la fin, j'ai gagné en expérience, de sorte que, même si je veux garder l'histoire intacte, je sais qu'il y a place à l'amélioration, surtout pour le premier tiers... Alors si vous hésitez encore à vous lancer dans une longue lecture à l'écran, restez à l'écoute! Je m'efforcerai de conquérir la publication papier.</div>
<div style="font-family: inherit; margin-bottom: 6px; margin-top: 6px;">
Est-ce que d'autres projets suivront celui-ci? C'est absolument certain que oui. Mais les prochains ne se feront pas en mode feuilleton. <span class="_5mfr _47e3" style="font-family: inherit; line-height: 0; margin: 0px 1px; vertical-align: middle;"><img alt="" class="img" height="16" role="presentation" src="https://www.facebook.com/images/emoji.php/v9/f57/1/16/1f609.png" style="border: 0px; vertical-align: -3px;" width="16" /><span class="_7oe" style="display: inline-block; font-family: inherit; font-size: 0px; width: 0px;">😉</span></span></div>
<div style="font-family: inherit; margin-bottom: 6px; margin-top: 6px;">
L'écrivain du dimanche vous souhaite une excellente journée... La mienne s'annonce déjà bien!</div>
</div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-12298026724797252742017-12-10T00:00:00.000-05:002017-12-10T10:07:38.012-05:00Le Nœud Gordien, Épisode 500 : Le prochain chapitre<div class="MsoNormal">
On aurait pu croire que <i>La magie révélée</i> allait annoncer le
début d’une période de lumières pour l’humanité, la rencontre longtemps attendue
entre la science et le surnaturel. Malheureusement, on observa, dans un premier
temps du moins, l’effet contraire.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Sollicités de toute part,
les Maîtres de l’Agora refusèrent d’abord de partager à tout vent leur savoir
ancestral. Ils firent toutefois volte-face après avoir appris que le clan du
Terminus, qui ne partageait pas leurs scrupules, enseignait à quiconque
jurait d’obéir aux règles de leur communauté. L’application de ce critère était
facilitée par le fait que les Quatre pouvaient vérifier à même l’esprit des
candidats leur sincérité réelle… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les Seize de l’Agora
répliquèrent en publiant <i>Magie 101</i>, le
tout premier traité de magie authentique, cosigné par Édouard Gauss et
Alexandre Legrand. Même si l’accès à la magie s’avérait d’une facilité
déconcertante – surtout en comparaison avec ce que les vétérans avaient
toujours connus –, la discipline requise pour atteindre l’acuité découragea
tout de même la majeure partie des autodidactes, et une proportion importante
des novices. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Simultanément, on assista à
la montée en flèche de l’obscurantisme et du charlatanisme. La révélation de la
magie fit croire à certains, par amalgame, que tout le reste devait forcément
être vrai aussi : les OVNIs, le Yéti et les Illuminatis, autant que le
monstre du Loch Ness. On disait : <i>si
une conspiration de magiciens a pu exister pendant toutes ces années, qui sait
ce qu’on nous cache encore</i>? Les astrologues et les cartomanciens s’enrichirent
comme jamais aux dépends des plus crédules. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pire encore, de véritables
initiés choisirent éventuellement d’appliquer leurs connaissances pour assouvir
leurs bas instincts. Est-ce surprenant qu’on ait nommé les premières années
post-révélation <i>la décennie parano</i>?
Le risque de tomber sous le joug d’un magicien mal intentionné étant bien réel,
en qui pouvait-t-on avoir confiance? La question était d’autant plus pressante
que personne ne pouvait plus être entièrement certain de l’authenticité de ses
propres pensées… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le vent tourna après la
commercialisation de l’invention la plus célèbre d’Alice Gauss : le kit de
détection de la magie. Aussi facile d’usage qu’un papier tournesol, il pouvait détecter
si quelqu’un avait été l’objet d’un procédé, allant jusqu’à révéler la
signature du praticien responsable, aussi unique qu’une empreinte digitale. Commercialisé
par le géant LCA – <i>Legrand Chimie et
Alchimie</i> –, le kit contribua à dissiper la méfiance envers les magiciens. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
La transition ne se fit pas
sans heurts. C’est grâce à ce kit que l’influence envahissante des Cinq du
Terminus fut mise au jour – le cinquième étant le fils d’Aizalyasni Tam, cet
étrange enfant qui n’avait jamais développé de conscience propre, habité par
celle qu’il partageait avec ses quatre parents… Leur communauté, qu’on
qualifiait de culte depuis longtemps, s’était infiltrée partout dans la
société, jusqu’aux échelons les plus élevés du pouvoir politique, du crime organisé,
des médias… Forcés de répondre aux accusations fusant de toute part, les
fidèles des Cinq furent l’objet d’une chasse aux sorcières – la première de
l’histoire à reposer sur des assises objectives. Cette révélation ébranla
profondément le tissu social et inspira une série d’ajustement aux codes civils
et criminels. Une fois la poussière retombée, sécurisée par sa capacité à mieux
baliser l’usage de la magie, l’humanité fut fin prête à explorer son potentiel.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Depuis toujours, la
recherche théorique dans le domaine avait été limitée par le nombre d’initiés capables
d’y contribuer. La communauté grandissante des praticiens acquit vite la masse
critique pour établir la radiesthésie comme champ de recherche scientifique en
bonne et due forme. Au carrefour de la physique, de la biologie et de la
psychologie, il avait pour objet la capacité de l’esprit humain à agir sur le
monde matériel, via l’usage de connexions symboliques. La nouvelle discipline
fut consacrée lorsque Félicia Lytvyn reçut le prix Nobel de physique pour ses
travaux démontrant expérimentalement l’existence de champs, analogues à ceux
décrits par la thermodynamique quantique, réagissant à certaines formes
d’activité mentale. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="text-align: justify;">Malgré la controverse qu’ils suscitèrent – notamment en
raison des allégations, jamais démontrées, que ses recherches avaient été
financées par plus de cent millions de dollars issus de l’organisation criminelle de son père –, les
travaux de Lytvyn s’avérèrent d’une importance capitale. Ils confirmaient, hors
de tout doute, que la vie humaine était plus qu’un épiphénomène, une simple
évolution aléatoire dans un cosmos indifférent. Qu’on l’appelle esprit,
conscience ou âme, l’essence de l’humanité avait une existence réelle, au même
titre que la matière ou l’énergie</span>.<br />
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les futurologues du début
du XXI<sup>e</sup> siècle avaient annoncé l’avènement inévitable de la
singularité, le point tournant qui changerait à jamais la nature même de la race
humaine. On avait présumé qu’elle arriverait par l’entremise de l’intelligence
artificielle et de la nanotechnologie… Personne n’avait pu prévoir que la magie
allait en devenir partie prenante. En brouillant les frontières entre la vie et
la mort, entre l’humain et l’Univers, entre soi et l’autre, elle propulsa l’espèce
vers la prochaine étape de son évolution. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un mystère fascinant de
cette période-pivot ne fut toutefois jamais complètement résolu… Qu’est-ce qui
avait conduit Romuald Harré, un fils de paysan guatémaltèque, à entreprendre,
par des moyens discutables, le grand projet qui avait tout changé? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le fait que les humains
aient pu découvrir par eux-mêmes les symboles et les connexions permettant les
procédés magiques, laissait croire que le chemin vers l’Œuvre suprême se
trouvait depuis toujours caché dans la nature même du réel, attendant un initié
assez génial – ou assez fou – pour le suivre jusqu'au bout. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
C’était une hypothèse tenable;
au fond, comme se plaisait à souligner l’une des pionnières qui avait pavé la
voie à cette révolution : <i>tout est
tout</i>. <o:p></o:p><br />
<br /></div>
<div align="center" class="MsoNormal" style="tab-stops: 9.0cm 357.75pt; text-align: center;">
<span style="font-size: 24.0pt; line-height: 115%;">FIN<o:p></o:p></span></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-67636433534420275902017-12-03T07:40:00.000-05:002017-12-03T07:40:12.099-05:00Le Nœud Gordien, épisode 499 : Dénouement<div class="MsoNormal">
« Je ne suis toujours
pas certain que ce soit une bonne idée », dit Édouard à Félicia pendant
qu’elle verrouillait la porte de sa maison.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Les funérailles, ce
n’est pas seulement pour honorer la mémoire d’un disparu, rétorqua-t-elle.
C’est surtout pour permettre aux survivants de se retrouver entre eux. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Félicia… C’est ma faute.
C’est moi qui ai pressé sur la gâchette. C’est ridicule!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’était un cas de
légitime défense. Après tout, ils t’ont tué juste après. <i>Littéralement </i>tué! N’importe qui à ta place aurait fait
pareil. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il espérait que la
commission d’enquête mise sur pied par la mairesse, prévue pour la
mi-septembre, reconnaisse elle aussi cette interprétation. Il se comptait
chanceux d’avoir pour témoin Claude Sutton, dont la parole risquait de peser
encore plus que la sienne. Il soupira et embrassa la joue de Félicia. « Tu
as raison. Comme toujours. Allons-y… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le service avait lieu dans
une maison funéraire cossue de l’Ouest. Par on ne sait quel moyen, les médias
avaient eu vent que quelque chose s’y passait. Tout le monde connaissait
maintenant l’existence des initiés; l’opinion publique jugeait qu’ils incarnaient
une menace souterraine, bien pire que les changements climatiques ou
l’immigration. Même les franges plus pondérées de la population exigeaient des
réponses. Les Seize n’étaient pas naïfs : de la même manière que tirer sur
un fil peut défaire un tricot, en répondant aux questions de la populace,
d’autres questions seraient soulevées en cascade, jusqu’à mettre au jour les
crimes que certains avaient commis, et toutes ces irrégularités dont aucun
initié n’était innocent. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Tendu comme la corde d’un
arc, Édouard traversa la haie des journalistes, Félicia à son bras. Beaucoup de
visages connus, certains anciens collègues… La plupart des questions lui étaient
destinées, à propos de <i>la magie révélée</i>,
de l’irruption de Gordon, du fait de mieux en mieux établi que tous ceux qui
lui avaient obéi avaient été consommateurs d’Orgasmik. Et ils n’avaient pas
oublié que son frère Philippe était le créateur présumé de l’O, ce qui donnait
au tout des airs de conspiration… Il fit la sourde oreille : la vraie
source de sa nervosité se trouvait à l’intérieur.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pendant qu’il préparait
l’émission, il avait souvent craint les représailles de ceux qu’il devait
trahir. La révélation de son lien surnaturel avec Ozzy avait toutefois pris des
allures de peccadille, éclipsée par l’intervention spectaculaire de Gordon et
l’Œuvre de Harré. Il fut soulagé, à son entrée, de lire dans le visage des
autres qu’on l’accueillait encore comme un pair. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Félicia et Édouard
saluèrent Arie Van Haecht, dont le fauteuil roulant avait été positionné non
loin de l’entrée. Il avait repris du mieux depuis qu’on l’avait libéré de sa
compulsion pour s’occuper de ses deux frères. Ceux-ci devenaient de plus en
plus fonctionnels, mais leur mémoire demeurait désespérément embrouillée. « Nous
allons bientôt retourner à Rotterdam et aménager dans la maison de notre père,
annonça-t-il d’entrée de jeu. Avec un peu de chance, l’environnement familier
va accélérer leur récupération. À propos, j’ai reçu des nouvelles d’Adam… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ah oui?, dit Félicia,
plus par politesse que par intérêt réel.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Il dit qu’il aura
complété le Grand Œuvre d’ici Noël… Il est le premier surpris d’avoir autant
avancé… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu lui transmettras nos
félicitations », conclut Édouard. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le couple rejoignit ensuite
Olson, Stengers et Polkinghorne. Les trois hommes se trouvaient au milieu d’une
conversation animée. Olson les accueillit avec une question : « Avez-vous
vécu des manifestations synchrones depuis <i>ce
jour-là</i>? » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Ce jour-là</i>… Le jour où tout avait changé, ce moment-pivot marqueur
d’un <i>avant </i>et d’un <i>après</i> incommensurables. Ce jour où
Édouard avait péri, et était revenu à la vie; ce jour où Olson était sorti de
sa catatonie, non seulement en bonne santé, mais libéré de cet engrenage cassé
qui lui avait empoisonné l’existence. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Non, pas de manifestation,
dit Félicia. Et vous? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est ce dont nous
discutions, répondit Polkinghorne. On dirait qu’elles ont cessé. Comme si le
destin avait atteint son aboutissement. Comme si l’Univers nous avait guidés
jusqu’à <i>ce jour-là</i>. Et maintenant que
nous sommes arrivés à destination, il n’a plus besoin de nous envoyer de signaux. »
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Stengers se lança dans une
description des changements qu’il avait perçus dans sa pratique depuis <i>ce jour-là</i>. Il avait l’impression que le
monde ne résistait presque plus aux effets de ses procédés, rendant caduques
certaines complexités. « Je vous prédis que, d’ici quelques années, notre
pratique se résumera à de simples trucs. Les rituels longs et laborieux seront
bientôt une affaire du passé! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pénélope se joignit à leur
petit groupe en roulant des yeux. « Je ne sais pas quelle mouche a piqué
Avramopoulos », chuchota-t-elle en arrivant. Elle réussissait à rendre <i>glamour </i>sa robe noire, pourtant des plus
modestes. « Avant, c’est à peine s’il reconnaissait mon existence; maintenant,
il ne me lâche plus. » Elle lança un regard à la sauvette dans sa
direction. Il avait acculé Mandeville dans un coin, et, à en juger par son
expression, il s’était mis en mode charme. « Je crois que le départ de
Derek l’a affecté plus qu’il ne veut l’admettre. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Bien fait pour lui, dit
Félicia. Je n’ai jamais compris ce que Derek lui trouvait en premier
lieu. » Personne ne connaissait les détails de leur rupture. Les spéculations
allaient de bon train; Avramopoulos, fidèle à son habitude, esquivait les
questions et déniait l’existence du moindre problème. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard laissa les autres papoter
pour s’approcher du cercueil où reposait Gordon, l’air paisible, les mains
croisées sur le ventre, l’anneau de sa panoplie brillant à son doigt. Le
thanatologue avait recomposé son visage troué par le feu de Saint-Elme. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard avait côtoyé cet
homme, mais l’avait-il vraiment connu? En raison de son apparition dans le
cadre de <i>La magie révélée</i>, tout le
monde présumait qu’il s’était retrouvé sous le joug de Harré. L’opinion unanime
le dépeignait comme une victime, et non comme un collabo. Mais Édouard ne
pouvait négliger à quel point son attitude avait changé, bien avant la petite
Joute fatidique… Il ne connaîtrait sans doute jamais le fond de cette histoire.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il se recueillit en
silence. Légitime défense ou pas, Édouard se sentait profondément coupable de
sa mort. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
Le cercueil fut fermé et
amené au cimetière adjacent. Latour s’était fait inhumer à Paris, comme il
l’avait indiqué dans son testament; les frères Van Haecht parlaient quant à eux
de faire construire un monument à leur père, à défaut de pouvoir lui offrir une
sépulture. Gordon, dont on ne connaissait pas les dernières volontés, allait
être mis en terre dans sa ville d’adoption, le dernier repos d’un homme sans
racines. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
La procession funèbre se
fit sous un ciel gris qui promettait une averse. Le groupe avait décliné les
services d’un aumônier pour cette partie du cérémonial; chacun se replia sur
ses propres pensées pendant la mise en terre. Ozzy en profita pour venir se
poser l’épaule d’Édouard sans crailler, contrairement à son habitude. Avait-il
compris la solennité du moment? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le silence introspectif fut
brisé par Avramopoulos. Une fois le cercueil abaissé, il sortit une flasque de
la poche de son veston. « Gordon aimait humer l’odeur du scotch, plus
encore que le boire », dit-il en levant le contenant vers le ciel.
« À ta santé, vieux frère. » Il la vida ensuite dans la fosse. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Au même moment, une goutte
tomba sur la joue d’Édouard. Puis une autre, et une autre encore, jusqu’à ce
que le doux bruissement de l’averse sur l’herbe se fasse entendre dans toutes
les directions. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Non, non, non, dit
Félicia. Ça ne convient pas du tout. Gordon mérite mieux. » Devant le
regard interloqué des autres, elle s’accroupit et étala un peu de la terre qui
allait bientôt combler la fosse. Du bout du doigt, elle traça quatre symboles,
puis elle pointa le dernier. « Visualisez celui-là », dit-elle. Elle
retourna aux côtés d’Édouard et glissa une main un peu sablonneuse dans la
sienne. Elle prit celle de Polkinghorne, à sa gauche, qui prit celle
d’Avramopoulos, qui prit celle d’Arie… Édouard tendit à sienne à Olson, et
ainsi de suite, jusqu’à ce que le cercle soit complété. Les yeux fermés, ils se
concentrèrent sur le symbole tracé par Félicia… <o:p></o:p></div>
…jusqu’à ce qu’ils
ressentent sur leur peau la douce chaleur du soleil. Ils ouvrirent les
yeux : un arc-en-ciel décorait la grisaille de l’horizon.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-83286742927065061362017-11-26T08:30:00.000-05:002017-11-26T09:06:33.691-05:00Le Nœud Gordien, épisode 498 : Changer le monde<div class="MsoNormal">Le coup ne vint jamais. Plutôt : un frisson. Une bourrasque. Le bruit de talons hauts sur l’asphalte. Félicia rouvrit les yeux. Aizalyasni se trouvait derrière Harré. Elle fit un mouvement dans sa direction, et la lumière dont il était nimbé pâlit.<br />
Le maître fou se retourna. « Comment… » Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Martin apparut à son tour, comme s’il avait franchi d’un pas le seuil d’un portail invisible. Karl Tobin se matérialisa ensuite à côté de Félicia, et Rem à sa droite. L’aura de Harré s’atténua un peu plus à chaque nouvelle arrivée, jusqu’à disparaître complètement. Pendant un instant, ils demeurèrent tous immobiles, les traits tendus par l’effort d’un combat invisible. La panique croissante affichée par Harré fut le premier indice que les quatre prenaient le dessus. Il poussa ensuite un grognement de rage, de haine, de frustration, puis sa chair se désintégra plus vite qu’il l’avait construite. Les quatre continuèrent à se concentrer sur l’impression laissée derrière; elle devint translucide, ses lignes se brouillèrent, puis elle disparut complètement. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Les quatre baissèrent les bras en soupirant à l’unisson. Ce répit ne dura qu’un instant : chacun partit dans une direction différente. Aizalyasni se précipita vers la femme qui avait porté Hill; Martin vers Gordon; Rem – qui ne pouvait en fait qu’être Timothée ressuscité – se pencha quant à lui sur le cadavre d’Édouard. Tobin offrit d’aider Félicia à se relever. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">« On ne peut plus rien pour lui », dit Martin à propos de Gordon. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Félicia refusa la main tendue et accourut auprès d’Édouard et Tim. « Et lui? Fais quelque chose! » <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Timothée ausculta Édouard une longue minute, pendant laquelle Félicia retint son souffle. Lorsqu’il se redressa, son cœur se serra. L’avait-elle perdu pour toujours? <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Le corps d’Édouard tressaillit, puis sa bouche s’ouvrit pour happer une grande bouffée. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Félicia avait su garder une mesure de sang-froid face à la découverte de son cadavre, face à des menaces mortelles, face à la possibilité de la fin du monde. Mais voir son amoureux revenir à la vie brisa toute sa contenance. Elle fondit en larmes en l’étreignant. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Édouard avait l’air ébaubi de quelqu’un qu’on réveille au beau milieu d’un rêve. Le sentir retourner son étreinte fut pour Félicia la plus belle sensation du monde. Ozzy vint se poser à côté d’eux; l’oiseau croassa à répétition, jaloux de l’attention d’Édouard. Celui-ci l’accueillit avec un rire tendre et une caresse, puis il se releva avec la prudence d’un nonagénaire. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Il sursauta en apercevant l’homme pétrifié qui se tenait un peu plus loin sur le boulevard. Félicia l’avait à peine remarqué. « Claude! <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Pas d’inquiétude, dit Timothée. Encore quelques minutes, et il sera libre de ses mouvements. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Megan? », dit une voix féminine derrière eux. Puis : « Édouard?! » Geneviève venait de reprendre conscience. « Qu’est-ce que je fais ici? <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— C’est compliqué, répondit-il d’une voix rauque. J’en ai manqué un bout, moi aussi… <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Je veux comprendre, dit Félicia à Timothée. Que s’est-il passé avec Harré? Il a dit qu’il avait réussi… Réussi quoi? <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— L’Œuvre suprême, dit Martin. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— La fin d’un monde, dit Aizalyasni. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Le début d’un nouveau, conclut Tobin.<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Je n’y comprends rien, lança Geneviève, dépassée. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Expliquez-nous », exigea Édouard. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Timothée acquiesça. « Harré était convaincu que la magie n’avait pas toujours été aussi rare que de nos jours. Il était obsédé par l’idée de la ramener sur Terre. C’est pour y parvenir qu’il s’est mis à ouvrir des Cercles… Chacun nécessitait le sacrifice d’un initié, qui devenait en quelque sorte le conduit entre la magie et le monde. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Tu parles de sacrifices… Il les a assassinés, rappela Félicia. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Son intention était noble… <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— <i>Noble</i>? Comment peux-tu dire une chose pareille? <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Il croyait surtout qu’aucune vie humaine n’avait d’importance face à la réalisation de son Œuvre, continua Timothée posément. Pas même la sienne, en fait. Il croyait devoir mourir pour atteindre son objectif… » <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal"><i>Cela n’excuse pas ses crimes</i>, pensa Félicia. À tout le moins, cela expliquait son moment d’incrédulité. « Il s’est accroché à son filet <i>in extremis</i>, c’est ça? Et avec toute la magie dans l’air, il a pu reconstruire son corps… » Mais quelque chose clochait dans ce scénario. « En théorie, même trois Cercles ne suffiraient pas pour transformer le monde entier... Comment a-t-il fait? <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— C’est simple : il a mobilisé <i>tous </i>les Cercles… <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Voyons donc! Personne n’aurait pu supporter toute cette énergie sans être détruit! Même avec l’aide de Hill et Gordon… Sans même parler du problème de la distance… » Elle détecta un subtil changement dans l’attitude des Quatre. Jusqu’ici, elle avait présumé qu’ils avaient découvert le plan de Harré en lisant ses pensées, comme ils faisaient avec tout le monde. Se pouvait-il que… « Vous l’avez aidé!?<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Nous avons pu voir l’esprit de Harré, sans fard, sans filtre, admit Tobin. Tricane disait sans cesse : <i>apprend d’abord à te changer, à changer les autres, puis à changer le monde</i>. Au final, c’était ça, son plan… Et c’est ce que Madame aurait voulu que nous fassions.<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Quand même », intervint Édouard, qui recouvrait sa forme un peu plus à chaque seconde, « même en vous y prenant à sept plutôt qu’à trois, ça ne doit pas avoir fait une grande différence…<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Tu as raison, répondit Timothée. Mais à cent? À mille? À <i>cent mille</i>? <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Vous parlez des mouvements ordonnés par Gordon, proposa Édouard. Ce sont ces gens vous ont aidés à supporter l’énergie… <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— La plus grande oraison de l’histoire », confirma Aizalyasni. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Félicia bouillait de plus en plus. En s’alliant avec ce fou dangereux, les Quatre étaient coupables par association de la mort de Gordon. Le fait qu’ils aient ressuscité Édouard était loin de les absoudre du reste. « Si Harré était votre allié, pourquoi diable l’avoir attaqué?, demanda-t-elle.<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">« Il croyait accomplir la volonté de l’Univers, continua la jeune femme. Même s’il était préparé à y rester, il espérait secrètement que l’Univers le récompenserait à la hauteur de son service… S’il survivait, il se disait que le monde lui reviendrait de droit. Maya nous avait avertis : il fallait lui couper l’herbe sous le pied sans tarder.<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">—C’est qui, Maya? » <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Timothée poursuivit en ignorant la question de Félicia. « Notre seule chance, poursuivit-il, c’était d’y aller à quatre contre un, immédiatement après qu’il ait complété le Grand Œuvre, avant qu’il ait eu le temps d’apprivoiser son apothéose…<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Tu n’as pas tort lorsque tu le traites de fou dangereux, concéda Martin. Nous ne pouvions pas le laisser en liberté… <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Quelle grandeur d’âme, ironisa-t-elle. Ça n’aurait rien à voir avec le risque qu’il brime <i>votre </i>liberté, par hasard? »<o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Les Quatre lui servirent un sourire narquois. « Parlant de liberté, enchaîna Tobin, l’obligation de rester cachés ne tient plus à rien. À partir de maintenant, nous allons nous afficher au grand jour, peu importe ce que les Seize en disent. Je vous rappelle que nous n’avons jamais voulu la guerre… Simplement vivre en paix, en veillant au bien de notre communauté. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">— Vous avez essayé de faire de moi une marionnette! Vous avez travaillé de concert avec Harré! Si vous pensez que je vais vous croire un instant… » <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">D’un mouvement sec, Tobin désigna Édouard du menton. « Nous l’avons ramené à la vie en signe de bonne foi. Pour la dernière fois : nous ne voulons pas la guerre, mais nous ne tolérerons plus d’opposition de votre part. Le Centre-Sud, c’est chez nous. Tenez-vous-le pour dit. » <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">Les Quatre disparurent comme ils étaient arrivés, entre deux battements de paupière. <o:p></o:p></div><div class="MsoNormal">« Je dois être en train de rêver », dit Geneviève. Elle s’était éloignée de la conversation, à laquelle elle ne comprenait rien, pour examiner Claude, encore pétrifié. « Je vais me réveiller. C’est la seule explication. » <o:p></o:p></div>Les téléphones d’Édouard, de Félicia, de Geneviève, de Claude – même celui dans la poche de Gordon – se mirent à vibrer et à sonner au même moment. La panne du réseau cellulaire enfin finie, les textos et les notifications entraient en rafale. Le monde avait peut-être irrémédiablement changé, mais ces alertes donnaient l’impression d’un retour à une certaine forme de normalité.<br />
<div class="MsoNormal"><o:p></o:p></div>Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-22126571019037190882017-11-19T08:30:00.000-05:002017-11-19T08:30:00.839-05:00Le Nœud Gordien, épisode 497 : Deux temps, trois mouvements<div class="MsoNormal">
Depuis qu’elle avait
pénétré dans l’intersection des trois Cercles, une idée s’imposait sans cesse à
Félicia : <i>ici, tout est possible</i>.
La façon dont elle avait commandé au vent, dont elle communiait avec les
impressions… Elle pouvait se permettre de voir grand. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Aidez-moi</i>, répéta-t-elle. Comme une fillette devant ses bougies
d’anniversaire, elle fit un vœu. <i>Je vous
en prie. Aidez-moi. J’ai besoin de vous tous</i>. Tous, sauf Édouard. Elle ne
voulait surtout pas penser à Édouard. Elle ne <i>pouvait</i> pas penser à lui. La douleur crue menaçait d’anéantir
l’aplomb qu’elle venait à peine de reconquérir. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Et les morts répondirent à
son appel. Elle les sentit remuer, abandonner leur passivité coutumière pour se
mettre en mouvement. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, ils étaient des
dizaines, massés devant elle en demi-cercle. Parmi eux se trouvaient Espinosa,
Hoshmand, Gordon… Mais aussi Mélanie Tremblay et Éric Henriquez. Et son père,
décédé dans son quartier général du Centre, recouvert par le Cercle numéro
deux. Dans ce moment décisif, voir son père qui, de son vivant, avait plutôt brillé
par son absence, faillit faire jaillir les larmes qu’elle avait réussi à refréner
jusqu’ici. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les impressions
s’avancèrent en s’interpénétrant de plus en plus, formant autour d’elle une
bulle radiant d’une énergie distincte de celle qui saturait déjà les environs.
Instinctivement, elle leva les mains devant son cœur, à la manière des Trois.
Une étincelle apparut entre ses paumes, brillante comme le soleil, happant les
impressions dans sa blancheur éblouissante. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré était déjà l’initié
le plus puissant que le monde ait connu. À l’intersection des Cercles, il
devait frôler l’omnipotence. Pour le vaincre, Félicia devait agir, vite et décidément.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Dans un premier temps, il
fallait priver le camp ennemi de ses atouts : soustraire Hill de
l’équation, et couper Harré de sa magie – si possible, en se l’arrogeant. Dans
un deuxième temps, il fallait frapper fort – lui balancer tout ce qu’elle
avait, avant qu’il ne se ressaisisse. S’il reprenait le dessus, c’en était fait
d’elle – peut-être du monde entier. Deux temps, trois mouvements. À toute
vitesse. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Une nouvelle secousse la
fit chanceler. Un bruit de verre cassé se fit entendre au loin. Un corbeau
croassa au-dessus d’elle. En levant la tête, elle vit que trois points lumineux
croissaient dans les nuages; des rayons colorés s’étendaient dans toutes les
directions, donnant aux nuages noirs l’apparence de méduses titanesques. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle ne pouvait plus
attendre : c’était le moment ou jamais.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle sortit de sa cachette,
et poussa avec ses deux paumes l’étincelle allumée par l’essence des morts. Un
rayon blanc en sortit et trancha net le cordon rattachant Hill à sa maison. Le
halo de sa présence s’évanouit d’un coup; la femme qui l’avait portée poussa un
petit cri éraillé et tomba sur le sol, inconsciente. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Non! », cria
Harré paniqué, sa posture ployant sous un poids invisible. Il leva les mains
vers le ciel à la manière d’un Atlas supportant la voûte céleste. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Oh oui »,
répondit Félicia. Profitant du désarroi de son ennemi, elle tenta de détourner
à son profit le pilier de lumière. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle réalisa avec effroi
l’ampleur de son erreur. Sa tentative équivalait à vouloir écoper des rapides à
la louche. À endiguer une cataracte à mains nues. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré saisit à son tour
l’occasion : il arracha à Félicia son étincelle. Elle eut l’impression que
son âme se déchirait; la violence de la sensation lui fit perdre pied. Elle se
retrouva à nouveau étalée sur l’asphalte, coupée de l’acuité, impuissante. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le pilier de lumière
absorba l’étincelle. La pression que Harré avait subie après la défaite de Hill
s’évanouit d’un coup. En se redressant, il déclama : « Oui. Oui! Enfin!
L’ŒUVRE SUPRÊME! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ses pieds quittèrent le
sol, comme si le pilier n’était plus fait de lumière, mais d’un fluide au
courant capable de l’emporter. Il leva le menton, les bras en croix. Le pilier
devint incandescent; à ce moment précis, le sourire aux lèvres, Harré explosa
en une bruine rougeâtre.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Son impression demeura
toutefois, suspendue entre ciel et terre. Après un instant de surprise
manifeste, le fantôme de Harré retrouva son rictus détestable. Il fit un geste,
et sous les yeux de Félicia, il se constitua en quelques secondes un nouveau
corps de chair et d’os – cette fois, avec ses propres traits, plutôt que ceux
de Van Haecht. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un silence lourd s’était
emparé du boulevard. Le vent avait tombé; les nuages se dispersaient déjà,
laissant filtrer des pieds-de-vent. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Je suis
vivant », dit-il, la voix pleine d’incrédulité. Félicia, balayée par la
chair de poule, voulut faire surgir l’étincelle blanche à nouveau, mais rien ne
se produisit. « Je suis vivant! », répéta-t-il avant d’éclater d’un
rire à glacer le sang, les mains levées vers le ciel comme un défi lancé à
Dieu. « J’ai accompli mon devoir. Il ne me reste maintenant qu’à jouir de
ma récompense! » L’éclat sinistre de ses yeux ne disait rien qui vaille. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Jusqu’au dernier moment,
Félicia avait cru pouvoir empêcher Harré d’accomplir son dessein funeste. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Toute sa vie semblait faite
d’une longue série de causes et d’effets l’ayant conduite à ce moment précis. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Espinosa s’était d’abord allié
avec son père avant de la choisir comme apprentie. Il lui avait ordonné de
séduire Frank Batakovic, qui lui avait voué son âme jusque dans la mort…
Lorsqu’elle avait lié son essence à la cloche de verre, toutes les impressions
s’étaient tournées vers elle. En les mobilisant à sa cause, en leur empruntant
leur puissance pour contrecarrer Harré, elle avait sincèrement cru qu’elle pouvait
gagner. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré pouffa de rire en
lisant ses pensées. « Tu n’as rien compris. En fait, c’est tout le
contraire! » Sa silhouette brillait d’une aura bleutée, la même teinte que
le feu de Saint-Elme. Tout son être semblait chargé d’une énergie qui ne
demandait qu’à être déchaînée. « Oh, tu étais là où il fallait. Ta
destinée n’était toutefois pas de me vaincre, mais de paver la voie vers mon
retour. Et mon triomphe! Et maintenant que tu as joué ton rôle jusqu’au bout… »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il leva la main. La lumière qu’il exsudait de partout
s’accentua au bout de ses doigts en un point aveuglant, forçant Félicia à fermer
les yeux. <o:p></o:p></div>
Derrière ses paupières
closes, le point clignotait encore, imprimé sur sa rétine, comme un signal
annonçant le coup fatidique.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-56611891926905902252017-11-12T08:30:00.000-05:002020-03-22T19:18:11.866-04:00Le Nœud Gordien, épisode 496 : L’œuvre suprême, 4e partie<div class="MsoNormal">
La chaleur de ses tatouages
s’accentua au point de lui faire craindre qu’elle devienne intolérable. Félicia
s’arrêta le temps d’examiner celui sur son épaule gauche. Chacun des traits
brillait de la douce lumière du fer chauffé; la peau alentour était rougie et
boursouflée, comme des suites d’un violent coup de soleil.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Une série de coups de feu
la fit sursauter. Avançant à pas de loup jusqu’au coin du boulevard St-Martin, elle
risqua un coup d’œil de l’autre côté. Harré riait à gorge déployée, au beau
milieu du pilier aux mille couleurs. La scène baignait dans une bruine translucide,
un brouillard scintillant qui ressemblait aux mirages qui agitent l’air au-dessus
de l’asphalte brûlant. Cette substance arrivait du sud comme une crue éthérée,
avant d’être happée en tourbillon par le pilier incandescent, et pompée
jusqu’aux nuages. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré n’était pas seul. Une
femme l’accompagnait, sa silhouette entièrement recouverte par celle, à moitié
translucide, de Narcisse Hill. Un cordon argenté rattachait le fantôme à un
point lointain, à l’ouest – sans doute sa maison. Ce curieux amalgame tournait
autour de Harré en l’accompagnant dans ses gestes incantatoires. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Félicia fut surprise
d’apercevoir Édouard à quelques pas du pilier, les yeux rivés sur elle,
immobile, impassible. Il lui fallut une seconde pour comprendre que ce n’était
pas son amoureux qui la scrutait ainsi, mais son impression : son cadavre
gisait sur le sol, la bouche ouverte, les yeux exorbités, un pistolet tordu à
côté de sa main.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’impression de Gordon se
tenait un peu plus loin, lui aussi à côté de sa dépouille. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Félicia se sentit
défaillir. Sa main chercha la brique solide du mur derrière elle comme une
bouée, sans laquelle elle risquait de sombrer. Dès que son étourdissement le
lui permit, elle tourna les talons et s’enfuit aussi vite qu’elle le put. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle n’eut pas eu le temps
de se rendre bien loin qu’un craquement tonitruant se fit entendre. La terre trembla;
saisie, elle fit un pas de travers et chuta. La douleur de son genou éraflé
cassa l’emprise de la panique aveugle. Il n’en fallait pas moins pour que la
voix de la raison s’insinue dans la brèche et reprenne le volant. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il <i>fallait</i> qu’elle retrouve son sang-froid. Le salut du monde en
dépendait. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle ferma les yeux et
inspira profondément en pensant à Gianfranco Espinosa, le plus stoïque des
hommes, aux côtés de qui elle avait appris à juguler ses émotions – son
impatience autant que son amour, mais surtout sa crainte de ne pas être à la
hauteur. Elle sentit sa présence bienveillante, qui perdurait au Terminus
malgré sa mort… Elle lui demanda : <i>aide-moi</i>.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle inspira à nouveau en se
concentrant sur Gordon, qui la poussait sans cesse à se dépasser, à ne jamais
être moins qu’excellente. Elle avait tant appris depuis qu’il l’avait prise
sous son aile… Elle refusait de croire qu’il avait rejoint le camp de Harré. Il
était bien plus plausible de croire que comme Van Haecht, comme la femme au
corps usurpé par l’esprit de Hill, Gordon n’était plus maître de ses actions. Une
fois de plus, elle sentit une connexion se nouer entre elle et lui. L’élève et
le maître. <i>Aide-moi</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle inspira une troisième
fois, cette fois pour elle-même. <i>Je. Me.
Moi</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Depuis qu’elle l’avait
découvert, son mantra avait le double effet de la détacher d’elle-même, tout en
affirmant ce qu’elle avait d’essentiel.<i><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
Dans l’espace creusé par
l’acuité, baignant dans le potentiel immense de la magie brute, elle perçut la
présence de tous ceux qui avaient péri dans les trois Cercles – toutes ces
impressions qui, depuis longtemps, étaient tournées vers elle, comme s’ils
attendaient un signe de sa part, ou peut-être une parole… <o:p></o:p></div>
<i>Aidez-moi</i>.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-29401604399016138672017-11-05T06:25:00.000-05:002017-11-05T07:24:15.778-05:00Le Nœud Gordien, épisode 495 : L’œuvre suprême, 3e partie<div class="MsoNormal">
<i>La fin d’un monde</i>, avait dit Hill. Ces paroles dans la bouche d’un
illuminé étaient les plus effrayantes que Félicia ait jamais entendues. Elle se
répétait qu’elles ne devaient pas être prises littéralement, qu’aucun procédé
ne pouvait avoir cette envergure, mais en levant les yeux au ciel, les nuages
qui paraissaient engloutir le soleil lui rappelaient que c’était de Harré dont
il s’agissait. Harré qui, à lui seul, avait vaincu presque tous les Maîtres de
son époque. Qui avait su tromper la mort…</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pouvait-elle l’empêcher
d’exécuter son plan? Elle en doutait. Pouvait-elle prendre le risque de ne rien
faire? Absolument pas. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle avait retenu de sa
course-poursuite avec Tobin que la plupart des accès au quartier étaient
condamnés, obstrués par des blocs de béton. Elle espérait pouvoir se faufiler
aussi près que possible du boulevard St-Martin avant de devoir laisser sa
voiture derrière. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle ressentait l’énergie
radiesthésique se concentrer à mesure qu’elle s’approchait du centre de
l’orage, une intensité qui dépassait de loin celle du Terminus, qui avait
pourtant failli lui coûter la vie. Cette fois, la sensation était différente,
moins oppressante, peut-être parce qu’elle portait maintenant son procédé encré
à même sa chair, plutôt que peint sur six plaquettes de bois. Harré avait évoqué
l’intersection de <i>trois </i>Cercles... Du
jamais-vu. Personne ne pouvait prédire comment la magie fonctionnerait dans
pareil contexte. Il lui restait à espérer que la protection offerte par ses
tatouages tienne bon.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle se retrouva dans un
cul-de-sac, confrontée à un dilemme : faire marche arrière, chercher un
chemin pénétrant plus loin dans le quartier, et perdre de précieuses minutes sans
garantie d’y parvenir; ou laisser sa voiture et avancer à pied, lentement mais
sûrement. Comme la tempête semblait tournoyer autour d’un point qui ne se
trouvait plus bien loin, elle choisit la deuxième option. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Jusque-là, les rues étaient
demeurées à peu près désertes : les gens du coin s’étaient mis à l’abri de
ce ciel qui semblait sur le point de leur tomber sur la tête. Un attroupement,
d’autant plus manifeste par contraste, bloquait cependant le chemin que Félicia
avait choisi. Ses membres se firent menaçants dès qu’ils la virent s’approcher,
certains, armés, allant jusqu’à la mettre en joue. Étaient-ils à la solde de
Harré? Étaient-ils contrôlés par Gordon, comme les auditeurs de l’émission?
Elle préféra battre en retraite sans leur poser la question. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle voulut les contourner,
mais les autres voies d’accès étaient pareillement occupées. Adossée contre la
brique d’une maison placardée, elle réfléchit à ses options. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le procédé de Hoshmand
s’imposait, mais elle n’avait pas une heure à lui consacrer. Si seulement elle
avait pu faire comme Gianfranco l’été dernier, qui l’avait rendue invisible en
quelques coups de <i>eye liner </i>sur sa
cuisse… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>L’été dernier</i>. Difficile de croire qu’une année seulement s’était
écoulée depuis la catastrophe du Hilltown. Depuis, elle avait travaillé
d’arrache-pied, gagné son bâton et son anneau. Elle avait inventé des procédés
capables d’impressionner les Seize. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Et si j’en étais maintenant capable</i>? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle entra en acuité avec
une facilité inédite. Ses tatouages se mirent à picoter, mais elle ne sentit
pas la menace d’un contrecoup. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle trouva son crayon
feutre dans son sac et traça les caractères du procédé à même son avant-bras.
Espinosa avait caché les siens sous sa robe, mais l’impératif de garder secrète
l’existence de la magie ne tenait plus à rien. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Lorsqu’elle boucla le
procédé, ses tatouages se mirent à chauffer. Elle demeura sur le qui-vive un
instant, mais la sensation s’estompa rapidement. <i>So far, so good</i>, pensa-t-elle. Elle s’approcha prudemment de l’un
des barrages en frôlant les murs, sans que quiconque ne réagisse à sa présence.
Elle se faufila de l’autre côté puis accéléra le pas. Un vent agressif, armé de
poussière et de saleté, l’accueillit dans le Centre-Sud. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’intensité radiesthésique
s’accrut encore. Elle devina qu’elle se trouvait désormais à l’intersection des
trois Cercles. Une douce chaleur l’enveloppa, concentrée sur ses tatouages, qui
pulsaient au rythme de son cœur. L’incertitude et l’effroi de la dernière heure
laissaient place à une sorte d’allégresse, au sentiment que tout était
possible. Chaque élément de son environnement suggérait qu’il se trouvait là en
vue d’une finalité, comme si elle entrevoyait pour la première fois un ordre
profond caché derrière la réalité usuelle. Elle vivait l’émoi d’une
manifestation synchrone, mais au carré : le monde entier était en phase,
et elle avec lui. <i>C’est un signe</i>,
pensa-t-elle. <i>Moi aussi, je suis là où il
faut</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle eut une pensée pour Rory
qui, durant leur aventure en Thaïlande, lui avait parlé de l’ivresse des
profondeurs. Cette altération de la chimie des gaz agissait sur la biologie des
plongeurs en causant chez eux des effets psychotropes inattendus – incluant
l’euphorie. Elle se demanda si l’énergie combinée de trois Cercles pouvaient
avoir le même effet. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Une bourrasque la força à
s’accroupir par crainte d’être emportée. Sans réfléchir, naturellement, elle
tourna son acuité vers le vent, vers l’air, vers les turbulences. Elle imposa à
l’atmosphère chaotique la tranquillité de son esprit discipliné; immédiatement,
le vent cessa ses ruades. Elle éclata de rire. Elle se sentait forte.
Puissante. Inarrêtable.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un pilier de lumière
chatoyante apparut entre ciel et terre, une lumière d’autant plus crue qu’elle
détonnait avec la pénombre. Il semblait toucher le sol deux coins de rue plus
loin. Elle y était presque… <o:p></o:p></div>
Elle se remit en marche,
plus déterminée que jamais.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-58312456091276405202017-10-29T08:49:00.001-04:002017-10-29T14:41:17.174-04:00Le Nœud Gordien, épisode 494 : L’œuvre suprême, 2e partie <div class="MsoNormal">
Claude était devenu pâle
comme un drap; Édouard, carrément livide.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré, Gordon et Geneviève
formaient un triangle, chacun à deux mètres des autres; ils déclamaient des
incantations inintelligibles au milieu du vent grondant, les bras tendus vers
le ciel, pendant qu’au-dessus de leurs têtes, les nuages noirs tourbillonnaient.
Par moments, on pouvait reconnaître dans leurs mouvements ceux qu’avaient
répétés les malheureux spectateurs du complexe Les Muses. De solides bourrasques
soulevaient la poussière et les détritus avec un hululement sinistre, ponctué
de coups de tonnerre assourdissants. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ils avaient retrouvé
Gordon. Ils avaient la confirmation qu’il avait rejoint le camp de Harré. Que
sa manœuvre durant l’émission n’était qu’un prélude à… <i>ceci</i>. Mais la surprise absolue de découvrir Geneviève mêlée à tout
cela avait scié les jambes d’Édouard. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il fallut l’appel répété de
Claude pour le sortir de son ahurissement. Son allié avait dégainé son arme,
qu’il tenait à deux mains, pointée vers le sol. « Qu’est-ce qu’ils sont en
train de fabriquer?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je ne sais pas », répondit-il.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Ça n’a pas l’air
très catholique. Il faut faire quelque chose! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Mais quoi? » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pragmatique, Claude
interpréta la question comme une invitation à prendre l’initiative. Il braqua
son arme et avança vers le trio. Édouard n’était guère convaincu qu’il s’agisse
de la meilleure approche, mais il n’avait rien de mieux à proposer. Il lui
emboîta le pas. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Police! Que personne
ne bouge! », hurla Claude à mi-chemin. Les trois ne montrèrent aucun signe
de l’avoir entendu, ou même remarqué. Il tira un coup en l’air en s’approchant
davantage. Cette fois, il réussit à attirer leur attention. « Police! Les
mains en l’air! Cessez immédiatement!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Non », dit Harré. Malgré
le vent, Édouard entendit le mot résonner comme s’il avait été prononcé dans
une cathédrale silencieuse. D’un mouvement de la tête, Harré signala à Gordon
de s’occuper des importuns. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré et Geneviève se
tendirent au même moment, comme s’ils prenaient sur leurs épaules la charge
dont Gordon devait se délester afin d’obéir à la consigne. « Statue »,
dit-il simplement. Un craquement électrique se fit entendre; une lueur rouge
les enveloppa. Claude et Édouard se retrouvèrent pétrifiés, incapables de
bouger le moindre muscle. Gordon les scruta un instant, le visage déformé par
le même rictus que Harré – et, plus inquiétant encore, Geneviève – avant de
retourner à ses incantations. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Piaffant d’impuissance dans
son cachot de chair, Édouard vit des points lumineux apparaître au cœur des
nuages. Cette lumière, tantôt jaune, angélique, apaisante, tantôt rouge,
infernale, terrifiante, donnait à la voute céleste des airs de jugement
dernier. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il ne lui restait qu’à
accepter la défaite. <i>Je suis cuit, mais
j’aurais dû m’y attendre</i>, pensa-t-il plein d’amertume. <i>Qu’est-ce que j’espérais accomplir en me mesurant aux plus grands
magiciens du monde, avec un grand total d’un procédé à mon répertoire</i>? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Un instant</i>. </div>
<div class="MsoNormal">
Un seul procédé, peut-être… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Mais qui lui avait tout de
même permis de se libérer de la censure posée par Avramopoulos. Grâce auquel il
avait déjoué les défenses du repère de Gordon. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pouvait-il espérer vaincre
cette nouvelle contrainte? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’image du procédé
émergeant apparut dans son esprit, aussi claire que jamais. Il inspira à la
recherche de l’acuité; alors que, d’ordinaire, il lui fallait de longues minutes,
cette fois, l’état second lui rentra dedans. La magie qui saturait l’air
ambiant, loin de le rendre malade, envahit chaque cellule de son corps. Il lui
suffit de la <i>faire passer </i>par le
symbole dans sa tête – une procédure indescriptible, naturelle, instinctive –
pour lui permettre de libérer un doigt, un pied… Puis, de fil en aiguille, son
corps au complet. Pendant qu’il se concentrait, les nuages avaient grandi jusqu’à
éclipser le soleil, plongeant le boulevard dans une nuit précoce.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Même libéré, il se garda
bien de bouger. Laisser croire aux magiciens qu’il demeurait hors-jeu était son
seul atout. Il ne voyait qu’une issue : prendre l’arme de Claude et tuer
Harré, en espérant que le trou de la balle soit le point final de sa sinistre
entreprise – et de son joug sur Gordon et Geneviève. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Toucher une cible à vingt
mètres aurait été difficile même si le vent n’avait pas brouillé les cartes.
Tirer dans ces conditions serait pour le moins hasardeux, compte tenu que son
ex-femme, la mère de ses enfants, se trouvait tout à côté de la cible. Il
n’aurait sans doute pas de deuxième chance; il allait saisir l’arme, courir
autant que possible, et vider son chargeur à la seconde où son assaut serait
détecté. Il avait ainsi meilleur espoir de faire mouche… Et d’éviter les balles
perdues. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il exhala et s’exécuta. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il arracha le pistolet de
la main de Claude. Geneviève le remarqua en premier. Alors qu’il s’apprêtait à
tirer, elle fit un large mouvement du revers de la main. Une force invisible le
renversa. Il perdit pied et échappa son arme. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il avait raté Harré… Mais
Gordon avait cessé ses incantations. Il regardait, incrédule, deux taches de
sang s’agrandir sur sa chemise fripée. Il voulut parler, mais il s’écroula sur
l’asphalte. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les traits crispés, le
visage luisant de sueur, Harré semblait secoué. « Débarrrasse-nous de
lui », dit-il à Geneviève sans desserrer les dents. « Je peux tenir
quelque temps, nous finirons à deux. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard tendit la main vers
le pistolet, mais d’un nouveau mouvement de la main, Geneviève chiffonna
l’arme, comme si elle avait été faite de papier plutôt que de métal.
« Imbécile », cracha-t-elle en s’approchant, le visage tordu par la
haine. « Je comprends que ta femme ait été furieuse contre toi. Elle
craignait que ton projet égoïste d’émission mette en péril la vie de vos
enfants… Elle ne pensait qu’à cela, lorsque je l’ai possédée. Ironique,
n’est-ce pas? C’est elle qui nous a montré comment Gordon pourrait s’adresser à
La Cité entière… La pièce manquante pour nous permettre de réaliser notre
Œuvre. Oh, nous aurions bien trouvé une occasion de le faire, même sans toi… Mais
tu nous l’as servie sur un plateau d’argent. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Hill! », s’exclama
Harré, confirmant à qui Édouard avait réellement affaire. « J’ai besoin de
ton aide! Presse-toi!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Nous devons
malheureusement mettre fin à notre conversation. Votre corps m’a bien servi
dans le passé; j’en reprendrai volontiers possession. Après que vous l’ayez
quitté pour toujours, bien entendu, ajouta-t-il avec un sourire rogue. Quoiqu’à
bien y penser, j’aurais intérêt à conserver celui de cette femme pour user
selon mon bon plaisir, une fois notre Œuvre complétée… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Hill!, répéta Harré,
l’urgence dans la voix. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Adieu, M. Gauss. » <o:p></o:p></div>
Hill serra le poing;
Édouard se mit à suffoquer, écrasé par la même force qui avait détruit son
arme, incapable de se détourner du spectacle atroce d’une ‘Geneviève’ amusée de
le voir périr.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-47776851854180868772017-10-22T09:35:00.001-04:002017-10-22T09:41:14.734-04:00Le Nœud Gordien, épisode 493 : L’œuvre suprême, 1re partie<div class="MsoNormal">
Dès que Gordon disparut, le
technicien qui bloquait à voie à Édouard s’en désintéressa pour se mettre à
gesticuler à son tour.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Alexandre, Claude et les
deux agents en civil accoururent. L’un d’eux, un vétéran moustachu, demanda à
Claude : « Boss… Veux-tu bien me dire qu’est-ce qui vient de se
passer, là? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je sais que ce ne sera
pas facile à croire, mais cet homme est un puissant magicien. Un vrai de vrai. »
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le moustachu jeta un regard
vers la salle chaotique. « Ouais, ok, répondit-il avec un sang-froid
étonnant. Ça explique bien des choses. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les pensées d’Édouard
défilaient à une vitesse folle. Gordon, l’un des Seize, avait fait son <i>coming out </i>occulte en direct à la télé.
D’une manière ou d’une autre, il avait réussi à hypnotiser une bonne partie de
la foule… Mais pourquoi? « Tout ça… Ce n’est pas un objectif en soi. Ce
n’est qu’un moyen.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Qu’est-ce que ça peut
être?, demanda Alex. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je ne sais pas. Mais il
avait les yeux fous de Harré. Il faut craindre le pire… Peu importe ce qu’il
tente d’accomplir, il faut l’arrêter. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Alexandre allait rétorquer,
mais Claude déclara, d’un ton sans appel : « Avant toute chose, on
sort d’ici. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’évacuation de la salle
s’était mise en branle, entravée par ceux qui continuaient d’obéir aux
instructions de Gordon. « Suivez-moi, dit Édouard. On passe par les coulisses. »
Il attrapa la cage d’Ozzy qui crailla, indigné d’encore s’y trouver, puis il
guida ses alliés jusqu’à une sortie de secours. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
La lourde porte se referma
derrière eux. À l’extérieur, ceux qui n’avaient pas été admis à l’émission
étaient en proie à la même compulsion que les autres spectateurs. « <i>What the fuck?</i>, lança Alexandre. Comment
Gordon a pu affecter tout ce monde-là en même temps?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je ne pensais pas que
c’était possible, répondit Édouard.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Alors, va falloir lui
demander, dit le moustachu. Comment on le retrouve, votre magicien? » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard avait une petite
idée. Il posa un genou par terre et libéra Ozzy. L’oiseau prit son envol et
décrivit un cercle au-dessus de leurs têtes avant de revenir se poser sur le
poing d’Édouard. « Peux-tu retrouver Gordon, mon trésor? » La
corneille croassa quatre fois et s’envola de nouveau – direction sud. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Let’s go!, dit Alexandre.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Non, pas toi, réagit
Édouard. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Hein? Pourquoi? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Parce que Gordon a menacé
ma famille. Peut-être qu’il ne travaille pas seul. Peut-être que Geneviève et
les filles sont en danger. Je ne peux pas prendre ce risque. Je veux que tu te
rendes chez elle, que tu les amènes toutes les trois dans un endroit sûr, et
que tu ne les perdes pas de vue tant que tout cela n’est pas réglé, ok? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— J’appelle des
renforts », dit l’autre agent. C’était un homme à la carrure solide, poilu
comme un ours à l’exception du crâne, lisse comme une boule de quille.
« Pas de réception. Tous les réseaux sont kaput – même les services
d’urgence.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Va falloir qu’on se
démerde seuls, dit Claude. En passant, je vous présente le lieutenant Caron et
le sergent Thibeault. » Édouard et Alex leur serrèrent la main.
« Thibeault, tu vas avec Alex. Toi, Jean-Marie, tu viens avec nous.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Bonne chance, dit Alex.
Faites attention à vous. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Toi aussi. » Édouard
et ses deux alliés s’engagèrent sur la piste qu’Ozzy leur indiquait.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
Une grappe de gens
occupaient un carrefour plus loin sur leur chemin. « Eux autres, ils ne
sont pas là par hasard », déclara le lieutenant Caron. En effet, si les
flâneurs étaient légion dans la zone-tampon entre le Centre et le Centre-Sud,
ceux-ci montaient ostensiblement la garde, plusieurs avec une arme à la main.
Ozzy les avait déjà dépassés; il attendait patiemment son maître, perché sur un
fil électrique.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Va falloir créer une
diversion si on veut continuer. Jean-Marie, tu vas aller te positionner à
l’est. Dans cinq minutes, tu vas crier <i>Police! Jetez
vos armes!</i>, tout en gardant tes distances. Surtout, reste à couvert. Nous,
continua-t-il en s’adressant à Édouard, nous allons approcher par l’ouest. En
passant par la ruelle, là-bas, on va pouvoir ressortir derrière eux. Avec un
peu de chance, personne ne nous verra.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je vais m’assurer que
tout le monde regarde de mon mon bord », dit Caron. Il ne semblait pas fâché
de se frotter à un peu d’action. « Puis après?<br />
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Après, tu te rends au
poste le plus près et tu vas chercher des renforts. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il acquiesça, résolu. « Let’s
go. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le plan fonctionna à
merveille. Lorsque le cri se fit entendre, les soldats de fortune se
planquèrent, craignant une fusillade. Deux d’entre eux détalèrent carrément.
Édouard et Claude se faufilèrent sans être inquiétés, pendant que Caron
continuaient à leur crier des ordres d’une voix autoritaire, mais sans jamais
se montrer. À la sortie de la ruelle, ils durent prendre un détour pour éviter
de s’exposer aux vigiles. Ozzy les rejoint en croassant, comme pour leur dire
qu’ils se trompaient de chemin. Ils aperçurent au loin que d’autres carrefours
étaient barrés, mais tout indiquait qu’ils avaient traversé le blocus. Ils
redoublèrent de vigilance en continuant d’avancer. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Chaque pas qui le
rapprochait du Centre-Sud accentuait chez Édouard une sensation analogue à
celle du plongeur qui descend trop vite dans les profondeurs… La sensation lui
rappelait celle qu’il avait ressentie lorsqu’il avait fait l’erreur de méditer
dans la maison d’Avramopoulos et de Virkkunen, dans le Centre-Sud. Ce jour-là,
il avait failli y rester, démoli par l’énergie radiesthésique trop concentrée…
Cette fois était pire encore. L’air en était saturé au point qu’il la goûtait
presque sur sa langue, une viscosité écœurante qui se ressentait par l’âme
plutôt que par les sens usuels… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ozzy tourna à droite sur
une artère familière : le boulevard St-Martin. Ils suivirent l’oiseau… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
…et ils aperçurent,
deux-cent mètres plus loin, trois figures nimbées d’un halo chatoyant, au beau
milieu de la rue déserte. Édouard reconnut Harré, Gordon, et… <o:p></o:p></div>
« <i>Geneviève</i>? »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-33772118791063263662017-10-15T08:25:00.001-04:002017-10-15T08:25:10.436-04:00Le Nœud Gordien, épisode 492 : La magie révélée, 6e partie<div class="MsoNormal">
Félicia reçut deux textos
d’Édouard à dix-huit heures cinquante. Le premier disait : <i>Dans dix minutes, écoute CitéMédia</i>. Le
second ajoutait : <i>Je préfère que tu
l’apprennes de moi</i>.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Intriguée, elle s’était
installée devant la télé avec une coupe de blanc. Elle savait qu’Édouard
planchait dur sur un projet financé par la station, mais elle en ignorait la
nature précise. Avec ses propres chats à fouetter, elle ne s’était pas trop
souciée des siens. Pour tout dire, avec Harré en liberté, elle n’était pas fâchée
qu’il se soit tenu loin de l’Agora au cours des dernières semaines. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Dix-neuf heures. Une
musique mystérieuse accompagna l’apparition du titre de l’émission : <i>La magie révélée</i>. Elle avait bien vu les
publicités qui l’annonçaient ces derniers jours, affichées un peu partout dans
La Cité, sans toutefois y porter attention. La télé n’avait jamais été son
truc. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle se prêta quand même au
jeu, curieuse de découvrir ce qu’Édouard voulait qu’elle y voie. Les surprises
s’enfilèrent en crescendo, la première étant la présence de Ben parmi les
panélistes. Il eut la présence d’esprit de ne pas la nommer durant son récit de
la catastrophe du Hilltown, mais le soulagement de Félicia fut de courte durée
– jusqu’à la présentation du deuxième extrait vidéo. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Sa réaction fut
viscérale : elle se retrouva debout sur le divan, les deux mains sur la
tête, à gueuler « Non! Non, non, non, non! FUCK! » Elle venait de se
voir – et toute La Cité avec elle –, planquée derrière la voiture de Tobin,
pendant qu’il se débarrassait par des moyens clairement surnaturels du tueur à
ses trousses. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le cœur battant, elle
poursuivit son écoute sans se rasseoir. Elle comprit peu après le sens réel du
titre : <i>La magie révélée</i>… Par
Édouard Gauss et Ozzy-la-corneille. Comment avait-il pu en venir à cette idée
saugrenue? Pensait-il que les Maîtres le laisseraient faire impunément? <i>Oh, Édouard…</i> <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ces émotions n’étaient que
le prélude au vrai coup de théâtre : l’entrée en scène de Gordon. Heureuse
de le voir en vie, étonnée qu’il apparaisse dans cette émission, elle le vit
ordonner au public de répéter sa série de mouvements… Contre toute attente, le
public se prêta au jeu avec une précision et une énergie inattendues. <i>Surnaturelles</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle n’en croyait pas ses
yeux. Gordon contrevenait aux cinq principes de la façon la plus vulgaire – en
direct à la télévision! Son expression finale la renversa encore plus que tout
le reste. Elle ne put l’apercevoir qu’un instant, moins d’une seconde avant que
l’émission soit remplacée par un écran noir où flottaient les lettres <i>No signal</i>. Son regard, son sourire… Elle
ne pouvait voir que deux possibilités. Soit Gordon avait été possédé par Harré…
Soit il l’avait rejoint dans la folie. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il y avait anguille sous
roche. Une anguille monstrueuse… La trahison d’Édouard était une peccadille
comparée au coup d’éclat de Gordon. À quoi pouvaient rimer ces mouvements? Le
seul indice clair dont elle disposait, c’était le symbole qu’il avait montré à
la caméra. Il figurait parmi ceux qui avaient été mobilisés durant le grand
rituel, afin de canaliser le trop-plein d’énergie émis par le deuxième cercle.
Mais encore? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle voulut contacter ses
collègues de l’Agora, mais son téléphone ne détectait aucun réseau. À défaut de
les appeler, elle pouvait toujours se rendre à eux. Elle attrapa son sac et
sortit. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ce qu’elle vit dans le ciel
ajouta une nouvelle surprise à la séquence. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
La rue Hill offrait une vue
imprenable sur La Cité. Jusqu’ici, la journée avait été splendide, sans un
nuage d’un horizon à l’autre. Une cellule orageuse était toutefois apparue
au-dessus du centre-ville, une tache qui n’aurait pas dû noircir ce fond bleu.
Elle grandissait à vue d’œil. La manœuvre de Gordon était sans doute reliée à
ce phénomène inquiétant… Qui sait quelle en serait la conclusion? Une chose
était claire dans son esprit : elle ne pouvait pas rester là, les bras
croisés, et attendre de la découvrir.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Réfléchis, fille : tu ne peux pas te lancer tête baissée dans la
mêlée</i>. Qu’il s’agisse de Gordon ou de Harré, son adversaire avait accès à
la <i>metascharfsinn</i>. Elle ne pourrait
guère espérer faire mieux qu’Olson et Vasquez. À moins que… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Si Hill avait la solution
contre la divination, peut-être qu’il pourrait l’outiller contre la <i>metascharfsinn</i>. Elle se précipita au
grenier en se maudissant de ne pas y avoir pensé plus tôt. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
En touchant le symbole,
elle s’attendait à retourner dans le purgatoire où Hill demeurait prisonnier;
une toute autre expérience l’attendait, aussi déroutante qu’inattendue. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Elle marchait dans la rue, à la lisière du Centre-Sud. Elle voyait à
travers les yeux d’une autre personne… Celle-ci jeta un coup d’œil en direction
du ciel grondant, juste au-dessus de sa tête. « Nous y sommes »,</i> <i>dit-elle d’une voix féminine, vaguement
familière. Elle regarda ensuite une bâtisse dont Félicia reconnut la façade
décrépite. Un modeste carton collé sur la vitrine, à l’intérieur, indiquait
Centre communautaire St-Martin, surplombé par le logo de Cité Solidaire. Un
graffiti jaune et blanc recouvrait une bonne partie de la vitre grillagée. Sainte-Trinité,
priez pour nous.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Elle tourna la tête vers son compagnon. Harré. « L’intersection
des trois Cercles, dit le Maître fou. Après tout ce temps passé à attendre,
plus morts que vifs… Enfin.<o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
<i>— Il ne manque plus que Gordon… <o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
<i>— Et ce sera la fin d’un monde. Le… » Harré s’arrêta net. Il la
dévisagea. Félicia sut que c’était elle qu’il scrutait, et non pas ce corps
qu’il habitait</i>.<i> «</i> <i>Il y a une intruse dans ta tête »,
dit-il.</i><o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Félicia fut éjectée de la
vision sans autre forme de procès. Elle ouvrit les yeux, couchée sur le sol du
grenier, sonnée. Elle se releva et toucha le symbole à nouveau : rien ne
se produisit. Elle tituba jusqu’à sa voiture. <i>La fin d’un monde</i>, avait dit Harré. Il était fou, mais pourquoi
Hill – et peut-être Gordon – s’étaient-ils joints à lui, si ses visées
s’avéraient nihilistes? Quel sot pouvait vouloir scier la branche sur laquelle
il était assis? Où ils étaient <i>tous </i>assis!
<o:p></o:p></div>
Elle mit le cap vers l’est
sans se préoccuper du code de la route. Au-dessus de sa tête, les nuages noirs
s’étendaient comme une tache d’huile. <br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-77278745668931740762017-10-08T08:43:00.000-04:002017-10-08T08:43:08.848-04:00Le Nœud Gordien, épisode 491 : La magie révélée, 5e partie<div class="MsoNormal">
Le Maître sortit de sa
poche un papier qu’il déplia soigneusement. Il le tourna ensuite vers la caméra
pour révéler un symbole cabalistique. « Imprimez ce symbole dans votre
esprit. Concentrez-vous sur lui. Je vais maintenant réaliser une série de
mouvements. Vous allez les mémoriser parfaitement du premier coup. Une fois que
j’aurai complété ma routine, vous la ferez à votre tour. Vous »,
dit-il en désignant les gardes du corps et le technicien, « faites en
sorte que personne ne puisse m’interrompre.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ne l’écoutez pas! »
dit Édouard à la salle. Il voulut se lever, mais le technicien s’interposa,
menaçant. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Au contraire,
rétorqua Gordon. Assurez-vous que tout le monde puisse m’entendre. Levez le
volume de votre télévision. Dites à votre entourage de venir voir. Écoutez-moi…
Et faites ce que je vous dis. Un », dit-il en prenant une posture.
« Deux… » Il effectua ainsi une séquence rapide de neuf mouvements
complexes. À la grande surprise d’Édouard, une bonne proportion de l’auditoire
se leva dès qu’il eut fini. Tous répétaient précisément le moindre geste montré
par Gordon…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
« Ça ressemble à
l’espèce de messe que j’ai vue au Terminus… », dit Maude, abasourdie.
« Qu’est-ce qu’on fait avec ça, Jean? Jean? » Maude tourna la tête pour
voir son patron debout, lui-même en train de répéter les mouvements avec une expression
stupéfaite, comme s’il était le premier surpris par ses actions. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
Raymonde était avachie sur
son fauteuil, les jambes appuyées sur les épaules de Maurice, qui s’en donnait
à cœur joie à grands coups de langue et de doigts. Maintenant que son mari
James travaillait au Terminus, elle avait le champ libre pour recevoir son
amant à volonté… Insatiable, il se pointait trois ou quatre fois par semaine
avec une bouteille de fort et une poignée de pilules jaunes, et elle le
laissait s’amuser avec sa chair abondante. Sentant poindre un orgasme – naturel
celui-là, par-dessus l’autre, chimique, qui rayonnait encore dans son
bas-ventre –, elle ne prêtait qu’une attention distraite à la télévision
allumée un peu plus loin… Jusqu’à ce qu’une voix irrésistible lui dise <i>Écoutez-moi bien</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Maurice… Faut que
t’écoutes », dit-elle en écho aux instructions de l’homme à la télé. Mais
son amant, entièrement dévoué à sa tâche, n’entendait rien d’autre que le
frottement de ses grosses cuisses contre ses oreilles. Elle n’avait guère
l’habitude de se lever de son fauteuil sans aide, mais lorsque l’homme lui commanda
de mimer ses gestes, elle dut obéir. Elle posa un pied sur le sol, puis un
autre. Croyant peut-être qu’elle se dégourdissait, Maurice ne ralentit pas la
cadence d’un iota, se contentant d’ajuster sa position pour continuer de plus
belle. Elle se redressa en geignant, puis, au prix d’un effort dont elle ne se
croyait plus capable, elle se hissa sur ses pieds. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Que c’est qu’tu fais
là? », demanda Maurice. C’était au tour de Raymonde de l’ignorer,
concentrée sur la télévision, sur la tâche à accomplir. Chaque mouvement
effectué par l’homme était buriné dans son esprit, tout comme le symbole qu’il
avait montré à l’écran. Elle entreprit la séquence, mais le deuxième mouvement
la déséquilibra : elle bascula vers l’avant pour s’affaler sur son amant.
Elle ne s’appartenait plus; debout ou couchée, elle n’avait d’autre choix que
continuer, ignorant les poussées désespérées du pauvre Maurice coincé sous elle.
Lorsqu’elle entendit l’homme de la télé dire « Répétez la séquence.
Continuez. Coûte que coûte », elle éclata en sanglots d’impuissance. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Éventuellement, Maurice cessa
de se débattre. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
Le technicien qui barrait
le chemin d’Édouard avait une expression sans équivoque : il n’attendait
qu’un faux mouvement pour devenir violent. Il aperçut toutefois que Claude et
ses hommes s’apprêtaient à passer à l’action, leur arme déjà dégainée.
« Gordon! », cria Édouard. Le Maître se tourna vers lui. « C’est
fini. Rends-toi. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oh, au contraire, ça ne
fait que commencer… » Son expression se décomposa. Son visage s’éclaira d’un
sourire fou; ses yeux s’écarquillèrent… Ce changement, Édouard ne l’aperçut
qu’une fraction de seconde : l’instant d’après, Gordon s’était volatilisé.
<o:p></o:p></div>
Au même moment, un
bourdonnement électrique tonna dans les écouteurs, si puissant que tous ceux
qui en portaient – dans la régie et sur le plateau – durent se les arracher
d’urgence. L’éclairage clignota, puis flancha; le chaos s’empara de la salle.
Les lumières d’urgence qui prirent le relais éclairèrent un tableau chaotique,
où ceux qui tentaient de quitter leur siège étaient bloqués par d’autres qui
continuaient la boucle des mouvements de Gordon.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-70697468082717905032017-10-01T00:30:00.000-04:002017-10-01T00:30:27.497-04:00Le Nœud Gordien, Épisode 490 : La magie révélée, 4e partie<div class="MsoNormal">
Édouard se doutait que les
Maîtres allaient vite réagir… Il ne s’était toutefois pas attendu à ce que ce
soit avant même la fin de l’émission. « Je vais le prendre », dit-il
à Maude.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il décrocha le téléphone.
Sa main tremblait légèrement. Le déclic du transfert d’appel se fit entendre. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Intéressant, ton
petit projet… » C’était bien la voix de Gordon. « À propos :
j’ai ton oiseau… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Si jamais tu lui fais du
mal… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Fais ce que je te
dis, et il ne lui arrivera rien de fâcheux, répondit Gordon.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Qu’est-ce que tu
veux? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu veux révéler la magie?
Je vais t’aider, parole d’honneur. Je veux accéder au plateau de tournage. Je
veux m’adresser à la caméra. Surtout, n’alerte personne. Si je détecte la
moindre faille dans ta coopération, je tords le cou de ton animal. Puis, ce
sera le tour de tes petites filles. Compris? » La gorge serrée, le souffle
court… Même s’il avait su quoi dire, Édouard n’aurait pas pu l’articuler. Gordon
interpréta son silence comme une réponse positive. « Bien.
J’arrive… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard raccrocha,
abasourdi. <i>Il a menacé mes filles</i>.
Cela ne ressemblait en rien au Gordon qu’il avait cru connaître – même tenant
compte de la détérioration de leur relation. <i>N’alerte personne : je le saurai</i>. Il y avait de quoi être perplexe.
Gordon disposait-il d’un informateur dans son entourage? Le cas échéant,
pourquoi n’était-il pas intervenu avant? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Édouard, deux
minutes, dit Maude. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Bonne nouvelle, répondit
Édouard en feignant l’enthousiasme, Ozzy a été retrouvé… Le type est en route,
peux-tu t’assurer qu’on le laisse passer? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oh! Super! Tu peux y
aller, je m’occupe de tout! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il entra en scène la mort dans
l’âme, les tripes nouées. Le tonnerre d’applaudissement qui l’accueillit parut
irréel. Il força un sourire, fit la bise à Jasmine et prit place dans le panel,
tiraillé entre l’impératif de suivre le script comme si de rien n’était, et la
tentation de lancer l’alerte. Lorsque Jasmine posa sa première question, il
détecta la présence d’Ozzy à l’entrée du complexe Les Muses… Et, il le savait
maintenant, Gordon avec lui. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Édouard?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Pardon, j’ai été distrait
un instant. C’est un moment chargé d’émotion, pour moi, de pouvoir enfin vous
parler de mon expérience. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et nous, nous voulons
tout savoir! » Des applaudissements et quelques cris d’encouragement
s’élevèrent de la salle. « D’abord, comment as-tu rencontré ta corneille?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je l’ai recueillie alors
qu’elle était encore toute petite. Je me promenais dans la forêt; elle avait
une aile blessée. Je l’ai ramenée avec moi. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— À quel moment as-tu
découvert votre lien particulier? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Pour être honnête, j’ai
l’impression que nous avions une connexion avant même que je la trouve. J’ai
ressenti une sorte d’appel… C’est en le suivant que je me suis rendu jusqu’à
elle.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui, M. Stenbeck?, dit
Jasmine après qu’il ait levé le doigt comme un écolier. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je veux rappeler, une
fois de plus, que cet appel, ces intuitions, ce n’est pas ce qui a été testé
par la Fondation. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ouais, coupa Fillion,
agressif. T’es sceptique. On a compris. » La saillie fit rire une partie
du public. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« C’est quand même
ainsi que ça s’est passé », rétorqua Édouard. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Jasmine toucha son
oreillette. « On m’annonce d’ailleurs l’arrivée de la star du jour.
Mesdames et messieurs, une bonne main d’applaudissement pour Ozzy! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un technicien de plateau
s’avança sur scène. Il tenait une grande cage à bout de bras, un micro sur
trépied dans l’autre main. Ozzy crailla en battant des ailes dès qu’il aperçut
Édouard. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un plateau de télévision
est toujours une machine réglée au quart de tour, particulièrement durant une
émission en direct. L’apparition soudaine de Gordon, débraillé, le visage
troué, marchant à la suite du technicien vers le centre du plateau, créa un
effet de surprise totale. « Micro », dit le nouveau venu en pointant
le centre de la scène. Le technicien y déposa la cage et le trépied, activa le
micro et laissa la place à Gordon. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Jasmine, incertaine quant à
comment réagir, chercha le regard de Nico, puis d’Édouard, qui se demandait
lui-même quoi faire. Une évidence prit le dessus : si Gordon était arrêté,
il ne serait plus un danger pour quiconque. Il s’exclama : « Cet
homme est recherché par la police de La Cité! Il a menacé de tuer ma famille
pour accéder au plateau! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Trois gardes de sécurité
convergeaient déjà vers la scène pour intervenir, mais Gordon leur fit signe de
s’arrêter. « Stop. Laissez-moi vous expliquer. Sans interruption. »
Deux des trois s’arrêtèrent net; le troisième, interloqué, voulut continuer,
mais il fut retenu par les autres. S’agissait-il d’hommes à la solde de Gordon?
<o:p></o:p></div>
« Vous voulez des
preuves incontestables de l’existence de la magie, n’est-ce pas? Je vais vous
en offrir une, bien meilleure que cette vulgaire corneille. Écoutez-moi bien… »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-87695286896609389832017-09-24T11:07:00.002-04:002017-09-24T11:07:49.188-04:00Le Nœud Gordien, épisode 489 : La magie révélée, 3e partie<div align="left" class="MsoNormal" style="line-height: 107%; margin-bottom: 8pt;">
« Cela signifie
d’abord de s’entendre sur une méthode capable de tester l’affirmation du
candidat, continua Matthew. Déjà, cela pose parfois problème, vu que certaines
sont impossibles à démontrer de façon claire.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Par exemple? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oh, un candidat qui
prétendrait pouvoir porter chance aux gens qu’il touche, ou les protéger du
cancer. Il n’y a pas de façon claire de mesurer la validité de ses
affirmations.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Avez-vous des exemples de
protocoles valides?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui, bien
entendu. Dans une série de tests très médiatisés, nous avons évalué la
capacité de sourciers à trouver de l’eau grâce à leur bâton. Après avoir défini
le degré de précisions attendu… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est-à-dire?,
interrompit Jasmine.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— La distance maximale
entre le point désigné par le sourcier et la présence réelle d’eau. Évidemment,
à cinq kilomètres près, ça ne prouverait rien! Mais avec une marge d’erreur de
deux mètres, et un taux de succès de neuf sur dix, il s’agirait, à nos yeux,
d’une démonstration significative. Mais ce n’est pas tout : nous devons
éliminer toutes les sources d’interférence… Incluant nos propres attentes,
conscientes ou inconscientes. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— <i>Vos</i> attentes? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est bien connu que
les attentes d’un chercheur peuvent influencer les résultats d’une
expérimentation. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Même celles d’un
sceptique? »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Matthiew s’esclaffa. « Vous
savez, un bon sceptique doute de tout… Même de lui-même! C’est pour cela que
nous favorisons des protocoles <i>double-blind</i>…
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Double aveugle?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui. Pour reprendre
l’exemple des sourciers, les candidats ignorent où se trouve l’eau, mais les
superviseurs du test aussi. On peut donc être certains que leur attitude ne
change pas lorsque le candidat s’approche d’un point d’eau – ce qui pourrait
lui donner un indice subtil, mais réel. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et depuis la mise sur
pied du défi à un million, combien de candidatures avez-vous reçues? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Des milliers. Beaucoup se
retirent au moment de définir les détails du protocole. Au final, ce n’est
qu’une minorité qui se rend jusqu’au véritable test. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et combien l’ont réussi à
ce jour? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Avant cette année… Aucun.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ce qui nous amène au
communiqué de la Fondation, émis plus tôt cette semaine, affirmant que le défi
avait été relevé. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est juste. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Nous serions donc confrontés
à la première confirmation expérimentale de l’existence du surnaturel?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— La première que je juge
crédible, oui. D’ailleurs, à ce sujet, j’ai le devoir de souligner que le titre
de cette émission est quelque peu trompeur. Assimiler cette confirmation à de
la magie, c’est une grave erreur logique qui fait bondir le sceptique en moi…
Je ne voudrais surtout pas que les fans du site de M. Fillion y voient
nécessairement la preuve d’autre chose… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Merci, M. Stenbeck. Nous
voici donc arrivés au cœur de cette émission spéciale. Sur quoi portait le test
en question? Comment a-t-il été relevé? Nous en discutons après la
pause. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard avait à peine
cligné des yeux durant le premier segment. Jean Vallée retira son casque d’écoute
en soupirant. « <i>So far so good</i>. As-tu
des nouvelles de ta corneille? »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il sentait qu’Ozzy s’était quelque
peu rapprochée du complexe Les Muses depuis le début de l’émission, mais
quelque chose clochait… Elle aurait dû accourir en ligne droite, littéralement
à vol d’oiseau, laissant Gordon derrière lui… Pourquoi, alors, progressait-elle
si lentement? « Elle s’en vient, je le sens. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— J’espère! Tu te rends
compte que, si elle n’est pas là après le documentaire, ça va miner notre crédibilité?
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— On va quand même pouvoir
continuer les tests et les démonstrations plus tard… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Si ton but est de
convaincre le public, tu te tires dans le pied. <i>On a un oiseau magique, j’vous jure! Mais on ne peut pas vous le
montrer… Parce que. </i>C’est louche! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je t’assure que je comprends
tout ça. Ozzy est en route. Il va être là à temps. » Il aurait aimé y
croire aussi fermement qu’il l’affirmait. Il aurait dû le rappeler bien avant…
Mais il avait trop craint l’ingérence de Gordon pour le laisser sans
surveillance. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
La pause s’achevait déjà; Jean
grogna et retourna à son poste. Jasmine enchaîna une nouvelle ronde de discussions
qui pavait la voie à la diffusion du documentaire tourné pendant qu’Édouard
relevait le défi à un million. Elle invita ensuite les téléspectateurs à partager
leurs impressions et leurs réflexions en composant le numéro à l’écran. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard exhala, plus tendu
que jamais. Le chat s’apprêtait à sortir du sac. L’émotion ressemblait à ce
qu’il avait ressenti juste avant la diffusion du reportage qui allait conduire à
la déchéance du maire Lacenaire. Cette fois, l’enjeu dépassait de loin la
politique municipale : il incarnerait désormais, aux yeux du monde, la
confirmation de l’existence du surnaturel. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’équipe de tournage avait
travaillé de façon exemplaire. Édouard demeurait impressionné par ce genre tout
particulier de magie dont les artisans de la télévision se montraient capables…
Cette capacité à transformer des événements en histoire, des gens en personnages,
la vie en récit. Le travail de Stéphane fut une agréable surprise; ses manières
d’énergumène cachaient une vision artistique et une maîtrise de la caméra
qu’Édouard n’avait guère soupçonnées. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard vit pour la
première fois les détails du test qu’il avait subi. Vêtu seulement de boxers
fournis par la Fondation, les yeux bandés, dans un caisson insonorisé, chaque
fois qu’il entendait un signal sonore, il devait pointer dans la direction
d’Ozzy. Des petites caméras installées par l’équipe de Randall James avaient
saisi les images dans le caisson. En post-production, CitéMédia avait ajouté
une carte de la ville montrant la position précise d’Ozzy, toujours précisément
sur la ligne indiquée par Édouard. Il n’avait pas vu l’incrédulité croissante
de Bernard Simmons à mesure que ses succès s’accumulaient; personne ne lui
avait dit que le test où il avait (correctement) identifié qu’Ozzy se trouvait
au-dessus du caisson avait été improvisé par Simmons <i>après</i> la fin du protocole formel. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Maude avait eu raison de vanter
son interview avec Randall James. Malgré son âge avancé, il demeurait charismatique,
à l’aise devant la caméra, généreux de ses commentaires. L’intervieweuse avait
choisi de mettre l’accent sur le caractère inattendu de la démonstration
d’Édouard. James se montrait bon joueur; il présentait les sceptiques comme des
gens qui, au final, ne demandaient qu’à croire, mais incapables de se contenter
de raisons boiteuses. Après avoir admis qu’il ne s’attendait pas à ce qu’on
relève le défi de son vivant, il concluait avec une formule-choc. <i>If we consider ‘natural’ that which can be
explained, then the ‘supernatural’ can
only be a temporary state</i>. Autrement dit : la découverte d’un
phénomène inexpliqué représentait, au final, une invitation à l’étudier jusqu’à
ce qu’on l’explique… Et, conséquemment, qu’on lui trouve une place auprès des
autres phénomènes naturels. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ce serait bientôt au tour
d’Édouard d’entrer en scène… Il allait interagir quelque temps avec le panel
avant de répondre aux interventions du public. Il s’attendait à ce qu’on
débatte de la véracité de ses affirmations – peu importe que des sceptiques
aient officiellement été confondus… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Alors qu’il se levait pour
préparer son entrée en scène, Maude se retourna vers lui avec une expression
équivoque. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Qu’est-ce qui
arrive?, demanda Édouard, craignant le pire. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Katie vient de m’appeler…
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est qui, Katie? <o:p></o:p></div>
— L’opératrice de la
console pour le vox pop. Elle a sur la ligne un type qui veut te parler
immédiatement. Qui dit que c’est une question de vie ou de mort. Un certain
Gordon… Édouard? Est-ce que ça va? »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-26436334464268807902017-09-14T17:40:00.001-04:002017-09-14T23:53:24.298-04:00Le Nœud Gordien, épisode 488 : La magie révélée, 2e partie<div class="MsoNormal">
Édouard avait voulu qu’on
parle de son émission spéciale; il l’avait rendue victime de son succès. Les
spectateurs à la recherche d’une place en salle furent refoulés par centaines.
La directrice du complexe Les Muses proposa toutefois, pour pallier, de mettre
à la disposition de CitéMédia les projecteurs déjà installés tout autour du
complexe pour relayer l’émission à ceux qui étaient restés dehors.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard assistait aux
derniers instants du branle-bas de combat à partir de la régie. Afin de
maintenir le contenu de l’émission aussi confidentiel que possible, toutes les
tâches-clé avaient été prises en charge par ses alliés. Jean Vallée assurait la
réalisation; vétéran d’une vingtaine d’années à couvrir l’actualité politique,
il était rompu aux codes et aux exigences du direct. Maude Dansokho était
installée juste à côté de lui, à la coordination. Nico Ioannis n’était pas avec
eux; il se trouvait de l’autre côté, en tant que régisseur de plateau. « Trente
secondes! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le brouhaha dans la salle
se tut et le rideau se leva sur Jasmine Beausoleil. « Surnaturel, occulte,
magie. Depuis toujours, l’être humain s’interroge sur l’existence de forces
mystérieuses, cachées au commun des mortels, réservées à de rares initiés,
mages ou grands prêtres. La progression des sciences et des technologies a
permis d’atteindre une compréhension de l’univers que nos ancêtres n’auraient
même pas été capables d’imaginer… Pourtant, elle n’a pas empêché les gens de
croire en la magie. Ce soir, nous explorons l’idée de la rencontre de ces deux
mondes : la démonstration scientifique de l’existence du surnaturel. Pour
en parler, nous avons avec nous le professeur Matthew Stenbeck, vice-président
de la Fondation James Randall et sceptique professionnel; Benoît Fillion,
blogueur pour le site Paranormal.biz; et le docteur Luc Lacombe, psychologue
chercheur et clinicien, spécialiste des dimensions sociales et culturelles de
la santé mentale. » Les projecteurs s’étaient allumés pour révéler les
invités un à un, une façon de faire qu’Édouard associait à une autre époque,
mais dont l’exécution, dans ce cas, ne manquait pas de prestance. Il fut
quelque peu surpris de voir le thérapeute qu’il avait consulté presque deux ans
auparavant dans le panel… Mais compte tenu de sa spécialité, il pouvait
comprendre pourquoi Maude l’avait recruté. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Monsieur Fillion,
dit Jasmine, à la question <i>est-ce que le
surnaturel existe</i>, votre réponse est claire. Sur votre blog, vous dites que
votre vie a changé après y avoir été exposé. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— En effet. Ma femme
Isabelle et moi, nous sommes venus en vacances dans La Cité pour fêter nos dix
ans de mariage. On voulait juste s’amuser, mais finalement, ç’a été la pire
nuit de notre vie. Voyez-vous, j’ai eu la bonne idée de réserver une chambre en
haut du Hilltown… Le jour de la catastrophe. J’ai survécu de justesse. Pas
Isabelle. » Les caméras montrèrent des images de l’auditoire, consterné. L’histoire
que le blogueur raconta ensuite sonnait comme des élucubrations de conspirationnistes :
du feu bleu et visqueux rongeant le béton, une fille sortie de nulle part pour
le sauver d’une mort certaine… Mais il disait vrai : sa description
collait parfaitement au feu de Saint-Elme qui avait détruit les pieds d’Arie
Van Haecht et ravagé le visage de Gordon le jour du grand rituel. Quant à la
fille mystérieuse, pouvait-il s’agir de… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Évidemment, après
les événements, j’ai voulu comprendre ce qui s’était produit. Mais j’ai
découvert que rien des trucs bizarres que j’ai vus ne se sont retrouvés dans
les rapports… On parle de causes inconnues, on avance des hypothèses que même
les spécialistes ne trouvent pas plausibles… Et surtout, <i>personne n’a tenu compte de mon témoignage</i>.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est normal que des
enquêteurs, des ingénieurs, soient réticents à considérer des explications
aussi singulières », interrompit Matthew. Son vocabulaire était meilleur
que son fort accent anglais laissait présager. Cette intervention n’était pas
prévue; Jasmine prit la balle au bond et ramena le fil au propos principal. « C’est
ce qui vous a conduit à vous intéresser à d’autres phénomènes inexpliqués qui
se sont produits dans La Cité et les environs. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui, en effet. La
plateforme à laquelle je contribue, Parnormal.biz, rassemble des gens comme
moi, qui sont témoins de phénomènes inexpliqués, et qui veulent comprendre.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Vous avez sélectionné des
extraits vidéo qui ont beaucoup alimenté les discussions dans votre communauté…
On en regarde un premier. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’extrait avait été filmé
en hauteur, au troisième ou quatrième étage d’un immeuble. La caméra était
tournée vers la ligne dessinée par les toits de La Cité. Sur fond de ciel bleu,
on pouvait voir jaillir des couleurs chatoyantes qui s’élevaient à la manière
de feux d’artifice. L’effet était saisissant; vu qu’ils avaient lieu en plein
jour, elles donnaient l’impression que des fragments d’arc-en-ciel étaient projetés
dans les airs. Évidemment, cela ne correspondait à aucun phénomène
atmosphérique usuel. « Les médias en ont parlé le lendemain, reprit
Fillion; il y a eu enquête. Le rapport parle vaguement de fuite de gaz. J’ai
tenté de faire le suivi, mais je n’ai rien trouvé, nada, dossier clos. L’extrait
suivant est plus récent. Cette semaine, quelqu’un a partagé un nouveau vidéo
qui a fait beaucoup jaser… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le deuxième extrait avait
été filmé avec un téléphone, format portrait; deux grosses bandes noires
flanquaient chaque côté de l’image. Le caméraman amateur avait saisi d’une main
tremblante une fusillade; deux individus planqués derrière une camionnette
étaient menacés par un homme avec un pistolet-mitraillette. La qualité pitoyable
rendait les détails difficiles à discerner, mais Édouard reconnut tout de suite
Félicia et Karl Tobin. Coincé avec elle dans la souricière, à un instant d’être
fusillé, il levait la main… Et le tireur disparaissait, engouffré dans les mêmes
couleurs vues dans le vidéo précédent. Félicia lui avait raconté cette
escarmouche, mais Édouard ne s’était pas attendu à la visionner un jour. Encore
moins dans le cadre de son émission. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avant que Benoît y aille de
son commentaire, Jasmine reprit la parole. « M. Stenbeck, cette vidéo vous
fait sourire? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui, oui, c’est certain. Pour
commencer, je trouve les effets spéciaux un peu grossiers, mais ce qui m’a
amusé, c’est que, lorsqu’on médiatise des discours de témoins d’événements dits
surnaturels, étrangement, on observe presque toujours une augmentation d’observations
similaires. Qu’on pense au <i>chupacabras</i>
au Mexique et dans les régions avoisinantes, à l’hystérie autour des abus sexuels
satanistes dans les années 80 aux États-Unis, ou, mieux encore, la hausse des
cas d’enlèvement par des extra-terrestres au plus fort de la popularité des <i>X-Files</i>… Il y a aussi une tendance à la
théorie de conspiration, où les <i>believers
</i>collent ensemble des informations prises à gauche et à droite pour
supporter leur point de vue… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Plutôt que redonner la
parole à Fillion, rouge d’indignation, Jasmine se tourna vers le psychologue.
« Docteur Lacombe, on parle souvent du besoin de croire, ou de la volonté
de croire. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— En fait, on peut presque
y voir une caractéristique fondamentale de l’être humain », offrit-il en
se redressant sur son fauteuil. « Qui ne date pas d’hier, comme vous
l’avez mentionné tout-à-l’heure… Dans la préhistoire, on priait les dieux pour
qu’il pleuve; lorsque ça fonctionnait, on pouvait dire : les dieux sont
avec nous! S’il ne pleuvait pas, on disait plutôt qu’on avait fait quelque
chose de pas correct. Alors il fallait faire mieux. Plus de prières, un
meilleur sacrifice. Jusqu’à ce que ça fonctionne. Le système s’entretient
lui-même. À aucun moment donné, nous ancêtres se sont dit : <i>et s’il était impossible pour nous
d’influencer les phénomènes naturels par la foi</i>? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Sommes-nous toujours
touchés par cette tendance? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ah, les exemples ne
manquent pas… Les superstitions des sportifs – ou de leurs supporteurs –
reprennent presque mot-à-mot le culte de la nature que je viens de décrire… Mais
mon cas préféré, c’est la popularité des expressions comme <i>y’a rien qui arrive pour rien</i>, qui laisse entendre que l’univers
fonctionne selon un certain ordre, une destinée impossible à connaître, mais
positive au final. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je ne vous cacherai pas
qu’il m’arrive de le dire, moi-même. Est-ce un problème? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Pas en soi : lorsqu’on
se retrouve confronté à ce qui est vaste, complexe, apparemment distant, on
s’invente des connexions avec le présent, le connu, on projette des visages
humains, des intentions… Dans certains cas, ça peut être aussi simple que de croire
que Dieu nous aime. La foi donne la force morale de faire face à
l’incontrôlable ou à l’inconnu. Ça peut devenir un problème lorsqu’on en
vient à projeter ses insécurités dans un
système qui explique tout. C’est ce qui se trouve derrière l’idée récurrente
que le monde entier est contrôlé par un petit groupe d’individus qui tirent les
ficelles dans l’ombre – que ce soit les Illuminati, les <i>Lizard people</i> ou Pinck ChaCha, le principe est le même : on
donne des explications simples à des situations excessivement complexes. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tout cela sans autre
preuve concrète que le fait de croire que cette explication est la
bonne », renchérit Matthew. Benoît avait les bras croisés, la mine
renfrognée : il commençait à avoir l’impression d’être seul dans son camp.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« M. Stenbeck, reprit
Jasmine, c’est un peu en réaction à cette idée que Randall James a mis sur pied
son défi… <o:p></o:p></div>
— Précisément. Une idée
toute simple : tester scientifiquement les prétentions liées au
surnaturel… »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-69885450443455009962017-09-09T10:01:00.001-04:002017-09-10T21:44:22.019-04:00Le Nœud Gordien, épisode 487 : La magie révélée, 1re partie<div class="MsoNormal">
La fébrilité des plateaux
avait manqué à Édouard. À quelques heures du début de l’émission spéciale, il
observait les techniciens s’affairer autour de la grande scène du complexe Les
Muses, s’assurant que tout soit parfait pour les caméras. Comme il l’avait
supposé, annoncer l’émission spéciale le même jour que le communiqué de la
Fondation Randall James avait beaucoup fait jaser…</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Même s’il en était l’instigateur,
ses anciens collègues pilotaient ce projet. Drôle de sensation, de se retrouver
dans le rôle du sujet, de l’invité spécial… Le clou du spectacle, avec Ozzy. Il
commençait d’ailleurs à s’inquiéter pour son familier : il l’appelait à
lui depuis le réveil, et pour la toute première fois, il n’avait pas répondu
sur-le-champ. L’oiseau avait choisi le pire jour pour se découvrir une fibre
rétive… Tout le monde s’attendrait à ce qu’Édouard apparaisse avec lui durant le
dernier segment; il aurait l’air d’un con s’il devait s’en excuser. Il voulait
que la révélation du caractère surnaturel de leur lien soit fracassante, sans
équivoque, et non l’une de ces controverses sociomédiatiques comme il en
existait déjà trop. Mais le direct ne lui laissait pas de marge de manœuvre :
il fallait aller de l’avant. Il regrettait de ne pas être allé le chercher
lui-même pendant qu’il en avait encore le temps.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Comme si ce n’était pas
assez, la gardienne au pair qui vivait chez Geneviève l’avait contacté ce midi,
quelque peu affolée. Son ex-femme n’était pas rentrée à la maison la veille;
elle demeurait impossible à rejoindre. La réaction d’Édouard s’était avérée
quelque peu égoïste : <i>évidemment,
c’est le jour où elle décide de faire des frasques..</i>. Leur rapport avait
changé après qu’il lui ait révélé la nature de ses démarches. Il supposait que,
consciemment ou non, elle voulait lui faire payer. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il avait demandé d’être
tenu au courant. À en croire le réseau de fils de Gordon, elle gravitait dans
l’entourage de William Szasz, le dernier caïd de la vieille garde encore actif.
Il ne restait qu’à espérer qu’elle ne se soit pas retrouvée mêlée à quelque
affaire foireuse.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Le voilà! »,
dit une stagiaire trop enjouée en l’apercevant. « M. Gauss, vos
invités! » Claude et Alexandre la suivaient comme des canetons, avec le
regard impressionné des gens non habitués des dessous de la télévision. Elle
repartit aussi vite qu’elle était arrivée, téléphone à l’oreille.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Enfin, le grand jour
est arrivé! », dit Alex en lui tapant l’épaule. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Claude lui serra la main.
« Tout le monde en parle… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’était ça le but. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et puis tes… amis, ils
pensent quoi?, demanda Alex. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je n’en sais rien. Je me
suis assuré de rester loin de l’Agora ces derniers temps. Je ne crois pas qu’ils
sont au courant de mon implication. Je ne sais pas si c’est correct de parler
de <i>chance</i>, mais leur attention est
tournée vers un problème pas mal plus urgent. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Quel genre de
problème? », dit Claude. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ils furent interrompus par
l’arrivée de Jasmine Beausoleil. « Édouard! Je suis contente de te voir!
T’as l’air en forme! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Toi aussi! Tu connais
Alex Legrand et Claude Sutton?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui, on s’est déjà croisés
dans les encans de Cité Solidaire... » Alex bafouilla quelque chose en
rougissant. Jasmine avait beaucoup cheminé depuis qu’elle n’était plus miss
météo. En plus d’être devenue une animatrice respectée – à la radio et la télé
–, quelques séances photo à la fois sexy et <i>glamour
</i>lui avaient donné une aura de sex-symbol qui ne laissait clairement pas indifférent. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Édouard, continua
Jasmine, c’est vrai ce qu’on dit? Tu fais de la magie? De la vraie?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je veux laisser à tout le
monde l’occasion de se faire une propre idée. À toi comme les autres. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— J’ai fait des recherches
en prévision de ce soir… Quel dommage que Randall James ne puisse pas être là!
C’est tout un bonhomme! » Elle regarda l’heure. « Il faut que je
descende aux loges… On se revoit plus tard! Merde! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Après qu’elle se soit
éloignée, Édouard chuchota à l’oreille de Claude. « Où sont tes hommes? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ç’aurait été un abus de
pouvoir d’utiliser les ressources de la police. Mais j’ai trouvé deux gars
prêts à me faire une faveur. Ils vont arriver un peu plus tard, en civils. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Édouard aurait préféré une
réelle présence policière, au cas où les Maître décideraient de réagir de façon
musclée. Mais c’était déjà mieux que rien. « Si jamais l’un de vous
aperçoit un initié dans la bâtisse, ou quoi que ce soit d’étrange, il faut se
le dire, ok? Souvenez-vous : on a affaire à des gens capables de bien des
choses… Incluant vous faire oublier. À bien y penser, ce serait plus
intelligent de vous assurer de ne pas vous retrouver seuls. Vous allez être mes
yeux et mes oreilles, alors… Vigilance!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Pas de problème, dit
Claude. Quel est le déroulement prévu? <o:p></o:p></div>
— Après l’ouverture, le
premier segment va donner la parole à des spécialistes… »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-81488036485803318582017-09-02T10:45:00.001-04:002017-09-02T10:45:23.163-04:00Le Nœud Gordien, épisode 486 : Avant la tempête <div align="left" class="MsoNormal" style="line-height: 107%; margin-bottom: 8pt;">
Mike Tobin trouvait étrange
que Timothée soit de retour dans la peau de son ami Rem. Enfin, son <i>ancien</i> ami. Dans le monde mouvant du
crime organisé, la loyauté demeurait la vertu cardinale. Rem avait trahi son camp;
il devait être puni. Avait-il pour autant mérité un sort pire que la mort?</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Mike y pensait sans cesse, surtout
lorsqu’il essayait de se rendormir au milieu de la nuit… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
À quoi ressemblait
l’existence douloureuse d’une âme prisonnière de l’urne? Était-ce une sensation
d’inconfort, comme l’effet d’un coup de pied dans les couilles maintenu
indéfiniment? Ou aigüe, comme un dard planté dans la chair? Intense, comme s’il
était brûlé vif? Continue? Intermittente? Pourrait-il s’y habituer, après dix
jours, dix mois, dix ans? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il essayait de ne pas y
penser. Mais il y revenait toujours. Chaque fois qu’il croisait Tim…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les Quatre fréquentaient
rarement le réfectoire – Mike n’était même pas certain qu’ils aient encore
besoin de se nourrir. La pièce commune lui servait de refuge, où il pouvait se
changer les idées avec les autres habitants du Terminus. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Gary lisait à voix haute le
journal de la veille. L’article avait pour titre <i>Funérailles pour un caïd</i>. La plupart des fidèles ignoraient les
détails de la chute du clan Fusco – ils ne retenaient que les salauds qui
avaient voulu les sortir du Centre-Sud avaient perdu la partie. Mike avait pris
part au conflit : les hommes de la banlieue nord avaient aidé les Grecs à
faucher les Italiens, frappant partout où les Trois le demandaient. Grâce à la
télépathie, ils connaissaient dans quelle mesure chacun de leurs ennemi posait
un risque; ils avaient fait une offre sur mesure à tous ceux qui s’avéraient
susceptibles de joindre leur cause, ou simplement de s’écarter de leur chemin.
Une offre qu’ils ne <i>voulaient</i> pas
refuser. « <i>Karma’s a bitch</i> »,
conclut Gary en tournant la page. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Écoutez
celle-là : <i>La fondation Randall
James et la direction des Sceptiques associés ont annoncé, par voie de
communiqué, que leur ‘Million dollar challenge’ avait été relevé. Le défi, dont
l’objet est de démontrer l’existence du paranormal ou du surnaturel via une
démarche scientifique, n’avait jamais été réussi auparavant…</i> » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
James vint déposer le
déjeuner de Gary, une assiette toute en couleurs qui répandait un arôme des
plus alléchants. « Comme d’habitude, Mike? » Tout le monde au
Terminus se délectait depuis que le sympathique barbu s’était découvert une
passion pour la cuisine – même si certains murmuraient que c’était la Trinité
qui la lui avait mise dans la tête. « Tu veux dire qu’il aurait suffi que
l’un des Trois leur montre ce dont il était capable pour qu’on devienne
millionnaires?, dit James. Eh ben!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ouais », répondit
Sophie, la bouche pleine de bacon. « Il doit y avoir un truc de passe-passe,
c’est clair que ça ne doit pas être de la vraie magie. Sinon l’autre gang de
connards obsédés par le secret aurait empêché ça. Fucking connards! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Est-ce que ça dit qui a
empoché le gros lot?, demanda Mike. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— <i>Le communiqué indique que ce sera au gagnant de révéler les détails au
moment de son choix, </i>continua Gary, <i>en
raison d’une entente préalable avec la Fondation. L’organisation assure
toutefois qu’en temps et lieu, toutes les informations pertinentes seront
transmises avec le souci de transparence nécessaire à toute démarche scientifique</i>.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ben là!, s’excla Mike.
C’est pas mal agace, leur affaire! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Attends, c’est pas
fini : <i>la publication de ce
communiqué coïncide avec l’annonce par CitéMédia d’une émission spéciale
intitulée ‘La magie révélée’. Ni la Fondation, ni la direction de CitéMédia n’a
offert d’autre commentaire</i>. Fuck, les gars : l’émission… c’est ce
soir! Je veux tellement voir ça! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Moi, je… » Mike
s’interrompit : deux mots venaient d’apparaître en lettres de feu dans sa
tête. <i>ALERTE ROUGE</i>. Toute l’équipe de
sécurité s’élança vers l’entrée principale. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
Le soleil du matin apparaissait
à peine au-dessus des édifices qui bordaient la place de la Vieille-Gare. Les
Quatre se tenaient déjà devant le Terminus, à l’affût d’une menace que Mike ne pouvait
pas encore identifier. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« C’est quoi le
problème? », demanda-t-il. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avant qu’il ait eu sa
réponse, trois silhouettes apparurent au détour de l’accès nord. Les yeux
plissés, Mike reconnut Gordon. L’homme semblait avoir connu des jours
meilleurs… Celui du centre souriait avec une expression si exagérée qu’il avait
l’air de porter un masque. À sa gauche marchait une femme que Mike avait bien
connue… Gen, son ancienne maîtresse. « Qu’est-ce qu’elle fout là, elle? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Pas elle », souffla
Martin. « Hill.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Quoi? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Soyez prêts à tirer à
notre signal, dit Karl. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Sur qui? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Celui du centre.
Harré… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Harré</i>… Karl lui en avait parlé. Magicien surpuissant d’une autre
époque, tueur d’une génération d’initié… Revenu à la vie en usurpant la chair
de l’un des Seize. Il retira le cran de sûreté de son arme en avalant
difficilement. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Trois contre quatre,
en plus de nous pis nos <i>guns</i> »,
chuchota Gary à son oreille. « Ça va être un massacre! »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’inconscient ne comprenait
pas à quoi il se mesurait. « La ferme. Concentre-toi sur ce qui se passe.
Et ne tire pas avant le signal! »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les nouveaux venus se
campèrent devant les Quatre. Gordon parla en premier. « Nous venons en
paix…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— La trêve a été rompue,
dit Aizalyasni. Vous êtes sur notre territoire. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Nous ne sommes pas ici au
nom des Seize : nous… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré l’interrompit.
« Est-ce que c’est vous qui avez bloqué ma vision du futur? » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les Quatre froncèrent les
sourcils comme un seul homme. « Non. Est-ce vous qui avez débloqué le deuxième
Cercle? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oh, ça, oui! », répondit
Harré, jovial. Mike ne comprenait qu’à moitié cet échange – en fait, il
n’écoutait pas vraiment, plutôt à l’affût d’un signe d’hostilité… Une goutte de
sueur roula sous son aisselle. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Vous nous voulez
quoi? », demanda Aizalyasni, sur un ton que Mike associait davantage à
Karl. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« J’ai besoin de vous quatre
pour accomplir mon plan. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ton plan?, rétorqua
Timothée. Quoi, tuer tous les Maîtres? Avoir le monopole de la magie?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est ce que vous croyez
que je veux? » Il se tourna vers Gordon. « Vraiment? C’est ce que
vous croyez, tous? » Gordon haussa les épaules; Harré éclata de rire.
« Ah, mais non! Ah, mais non! Non, non, non, non, non!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est quoi, d’abord?,
demanda Karl. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et quelle que soit la
réponse, renchérit Martin, pourquoi ferions-nous confiance à un menteur, à un
meurtrier?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est simple, répondit
Harré. Regardez dans mon esprit… Voyez la réponse à toutes vos questions. Je
n’ai plus rien à cacher. » Il ouvrit les bras en signe d’invitation. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les Quatre le dévisagèrent
un instant, puis leur défiance disparut d’un coup, remplacée par une expression
abasourdie. « Nous pouvons comprendre cet objectif, dit Martin. Mais pas à
n’importe quel prix. Nous voulons d’abord et avant tout vivre en paix…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Vous le savez,
maintenant : le rôle que je vous réserve n’implique aucune violence,
aucune contrainte. Et avec un peu de chance, aucun obstacle. Je vais réussir,
avec ou sans votre aide. Mais avec vous, mon objectif pourrait être atteint…
Dès aujourd’hui. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Aujourd’hui?!, s’exclama Mike.
<o:p></o:p></div>
— Oui, ce soir,
répondit Harré. L’œuvre suprême… »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-15223595577697939482017-08-27T12:01:00.001-04:002017-08-27T18:20:06.990-04:00Le Nœud Gordien, épisode 485 : Khuzaymah et le disciple<div align="left" class="MsoNormal" style="line-height: 107%; margin-bottom: 8pt;">
Khuzaymah était un sot.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Depuis des décennies, il
surveillait – sous diverses identités – la nouvelle alliance entre les Seize de
Munich et le Collège. Il s’assurait en permanence que tous les Maîtres
respectent comme sacré le principe de non-intervention dans la <i>res publica</i>.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Plus encore, il veillait à
ce que personne ne s’aventure à explorer les savoirs interdits… Ceux qui
avaient rendu possible l’ascension de Harré. Qui l’avaient propulsé dans la
folie. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Khuzaymah avait ainsi mis un
point final aux recherches acharnées d’Herman Schachter, qui s’était donné pour
mission de comprendre la nouveauté des Cercles radiesthésiques que Harré avait
laissés derrière lui. Khuzaymah avait fait en sorte qu’on croie qu’il avait été
victime d’un contrecoup – décourageant, du coup, les pairs de Schachter de
poursuivre ses recherches. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
C’est aussi lui qui avait inculqué
chez Traugott Kuhn une peur maladive des virus, après qu’il ait brisé l’esprit
d’une femme en échouant à recréer chez elle l’état de <i>metascharfsinn</i>. Volontairement confiné à son bunker stérile, il
n’avait jamais eu les moyens de réessayer. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il demeurait également méfiant
envers la Joute… Le jeu consumait une quantité disproportionnée d’énergie,
beaucoup plus que ce qui était nécessaire pour le procédé. Il en était venu à
la conclusion que l’énergie manquante était détournée vers autre chose… Sa
meilleure hypothèse était qu’elle rechargeait le garde-fou invisible que Harré
avait posé, qui empêchait l’âme des trépassés de retourner au néant. Comment
expliquer, sinon, la pérennité de ce procédé titanesque, un siècle après la
mort de son artisan? Il soupçonnait que ce n’était pas une coïncidence si le
phénomène que Kuhn avait baptisé <i>manifestations
synchrones </i>était apparu tout juste après la défaite de Harré. Les autres
présumaient qu’il s’agissait de signes du destin, la version moderne des
oracles d’antan; il n’était pas naïf au point d’y voir la voix d’une force
impersonnelle, du karma ou de la fatalité. Admettant qu’il s’agissait d’une
force qui contribuait à orienter les actions et les décisions des initiés, une
question s’imposait : vers quelle finalité? Et si cette force découlait
d’une volonté maligne? Voire de Harré lui-même?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il était devenu Derek Virkkunen pendant
qu’Eleftherios Avramopoulos résidait en Finlande, à préparer sa cure de
jouvence; il avait ainsi voulu s’approcher de celui qu’il croyait être le plus
dangereux des Seize, afin de mieux le surveiller. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Dès ses premières expositions,
‘Derek’ avait gagné l’estime de la critique européenne, qui voyait en lui
l’avènement d’un artiste dont la vision et la démarche démentaient son jeune
âge. Avramopoulos, poussé par la curiosité, avait désiré le rencontrer.
Khuzaymah savait que le vieux Maître adorait être admiré ou détesté – des
sentiments qui démontraient sa supériorité sur les autres. ‘Derek’ ne lui avait
offert ni l’un, ni l’autre. Avramoupoulos en était tombé amoureux. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Sa sottise avait été de concentrer
toute son attention sur cet homme, que la mesquinerie rendait capable du pire, alors
que Gordon et Lytvyn travaillaient à ramener Harré à la vie. Son dispositif de
surveillance avait bien capté les visites de Lytvyn là où Harré était mort –
d’abord avec Mandeville, ensuite avec Gordon. Il n’avait toutefois pas compris
que, cette dernière fois, ils avaient ramené Harré avec eux… Ni la nature de ce
qui s’était produit durant la petite Joute. N’ayant pas su prendre les devants
au bon moment, il cherchait depuis un moyen de renverser le rapport de force et
saisir l’avantage… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un matin, alors qu’il travaillait
sur le toit de l’Agora, il eut la surprise de voir se former au loin une
colonne de feu, assez immense pour joindre ciel et terre, une vision superbe
qui l’appelait, aussi assurément que le chant des sirènes mythologiques. Il
braqua son téléphone en direction de l’apparition; comme il l’avait soupçonné,
il ne vit rien apparaître sur son écran : il avait affaire à une illusion…
Un initié de moindre envergure aurait succombé à l’appel; Khuzaymah, lui, y vit
l’occasion qu’il avait cherchée. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il ne pouvait pas s’adjoindre
d’alliés sans compromettre son identité secrète; il emballa son matériel,
incluant son sitar, et se rendit, seul, dans son domaine du Centre-Sud – le
square où il avait offert une entrevue à l’émission <i>Avant-garde</i>, l’an dernier. Ici, il ne craignait pas de
contrecoup : il avait aménagé l’espace pour dissiper l’énergie des
Cercles. La version andalouse du <i>feng
shui</i>…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il concocta une réponse au chant de
la sirène. Se servant de la colonne comme d’une antenne, il fit en sorte que
son créateur voie dans le ciel au-dessus de sa propre position un oiseau de
feu, un message qui voulait dire : <i>je
ne mordrai pas à ton appât. Tu me cherches? Viens me chercher</i>. Il
s’installa ensuite au centre du square qu’il avait transformé en jardin fleuri,
accorda son sitar, et joua en attendant. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il fallut plus d’une heure pour que
son ennemi apparaisse au détour d’une ruelle, son expression démente déformant
le visage de Van Haecht. « Te voilà donc… Le grand mystère, dit Harré. Tu
côtoies les Seize, sans être l’un d’eux. Tu les dépasses en puissance, mais ils
l’ignorent tous. Qui es-tu donc? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je suis la main de la justice. »
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré ne cacha pas son amusement. Il
balaya du regard les façades environnantes. « Intéressants, tes petites
bricolages, pour endiguer l’énergie des Cercles. Croyais-tu pouvoir me priver
de mes pouvoirs? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Pas comme ça », répondit
Khuzaymah. Sans crier gare, il se déchaîna sur son instrument. Le sourire exagéré
de Harré se figea en effarement lorsqu’il découvrit qu’il se retrouvait coupé
de la <i>metascharfsinn</i>... Et incapable
de bouger. Maintenir ce double procédé n’était pas une mince affaire, mais
Khuzaymah ne comptait pas s’arrêter là. Il connaissait une mélodie capable
d’arrêter son cœur de battre… Le processus était graduel, impossible à utiliser
comme une arme; c’est pourquoi il avait dû commencer par le paralyser. Il se
mit à intercaler dans sa musique les notes qui, en quelques minutes, mettraient
un point final à cette triste histoire. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Une détonation retentit. Un impact
le secoua. Khuzaymah regarda sans comprendre le manche fracassé de son sitar,
les cordes distendues s’agitant dans toutes les directions… Puis la douleur
l’envahit. Une balle avait détruit son instrument avant de lui transpercer le
ventre. Il versa sur le côté et se roula en boule, son corps cherchant
d’instinct une position pour rendre la souffrance moins atroce. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Une jolie femme sortit de sa cachette
à l’entrée du square, une carabine posée sur l’épaule. Elle rejoignit Harré qui
reprenait petit à petit le contrôle de ses membres. « Personne n’est plus
fort qu’un coup de feu, dit Harré d’un air suffisant. Pas même toi. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ou toi, par ailleurs », dit
la femme à Harré avec un air entendu. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les deux s’approchèrent du corps
gisant de Khuzaymah. La femme le força à se redresser; la blessure chauffait
ses entrailles comme la lave d’un volcan. Elle le renifla.
« Étrange : son odeur me rappelle celle de la magie de Dario, mon ancien
Maître », dit-elle. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Khuzaymah tressaillit en
entendant le nom de Dario Aguilar y Virgen, le dernier apprenti qu’il ait
formé… Le jeune présomptueux qui, croyant n’avoir plus rien à apprendre de son
maître, lui avait volé son grimoire, qu’il avait manifestement échoué à
décrypter par la suite. Khuzaymah ne lui avait jamais pardonné son vol, mais la
pire insulte avait été d’accoler son nom à une lignée de praticiens médiocres…
Il croyait que Harré avait déjà tué tous ses disciples durant sa première purge.
« Qui es-tu? », grogna-t-il, malgré la douleur.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Narcisse Hill, pour vous
servir. » Elle se tourna vers Harré. « Il n’en a plus pour longtemps.
Ouvre le Cercle, sans quoi nous devrons en trouver un autre… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Hill, c’est donc toi! »,
s’exclama Khuzaymah. Son ricanement fut interrompu par une quinte de toux. Le
goût métallique du sang envahit sa bouche. « Ta vie passée à me chercher… Et
tu me trouves au dernier instant! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Te chercher? Que veux-tu dire? »,
demanda Hill, interloqué, pendant que Harré posait les mains sur le front de sa
victime. « Qui es-tu?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il clama : « Khuzaymah! »
une seconde avant que Harré pulvérise son corps. <o:p></o:p></div>
Sa conscience subsista une seconde
sans sa chair, pendant laquelle il savoura l’expression décontenancée de Hill,
après quoi elle se dissolut dans l’atmosphère et devint la matière première du
troisième Cercle de La Cité.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-11866841953312866192017-08-20T00:30:00.000-04:002017-08-20T01:58:21.443-04:00Le Nœud Gordien, épisode 484 : À portée de main<div class="MsoNormal">
Pendant des décennies,
Gordon s’était évertué à satisfaire son Maître, tantôt exigeant, tantôt
indifférent, toujours impitoyable. Sa vengeance aurait dû lui apporter une
mesure de satisfaction à la hauteur des torts qu’il avait subis, mais le
plaisir demeurait intellectuel, sans véritable joie : une fois de plus,
l’extase de Harré éclipsait tout le reste.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il n’avait pas menti en
affirmant qu’il portait le décès de Latour et la catatonie d’Olson sur la
conscience – sans parler de Van Haecht et de ses fils. Ironie du sort,
Avramopoulos ne réaliserait sans doute jamais qu’il avait volé sa statuette
afin de lui sauver la vie. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Gordon avait relocalisé
Harré dans un motel miteux de l’Est, presqu’à l’extérieur de la ville. Leur
chambre était la dernière d’une rangée d’unités de rez-de-chaussée. À son
arrivée, Harré était assis au bout de son lit, hypnotisé par la chaîne de
nouvelles en continu de CitéMédia; depuis qu’il avait perdu ses visions du
futur, il était obsédé par ces images du présent. Le bulletin s’interrompit, laissant
place à une publicité pour une émission spéciale intitulée <i>La magie révélée</i>. La station avait mis le paquet pour la promouvoir :
on ne pouvait pas se déplacer en ville sans tomber sur une affiche ou un
panneau l’annonçant. Gordon présuma qu’elle portait sur les secrets des
prestidigitateurs et autres artistes de la scène.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Alors, m’as-tu trouvé
un Maître?, dit Harré sans quitter l’écran des yeux.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Mieux : j’ai un
objet de pouvoir. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— MAGNIFIQUE! » Harré
éteignit la télévision et prit la statuette que Gordon lui tendait.
« C’est bien ce que je cherchais! Oh, Gordon, c’est merveilleux… Il me
faudra quelque temps pour en tirer ce dont j’ai besoin… Tu peux vaquer à tes
occupations… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Quelles occupations? Tout
ce que j’ai à faire, c’est attendre minuit… Puis patienter un autre
vingt-quatre heures! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je ne sais pas, moi…
Cette damnée corneille nous a encore retrouvés. Tu devrais cesser de dire que
tu vas la capturer et passer à l’action! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré s’assit en tailleur
sur la moquette aux couleurs douteuses, la statuette entre les mains, tenue au
niveau de son nombril. Il inspira profondément et plongea en lui-même. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
Ozzy trouvait parfois le
temps long, à surveiller nuit et jour les allées et venues de sa cible. Il
avait tant flâné partout qu’il connaissait presque toutes les corneilles de la
ville, de même que leurs intrigues souvent distrayantes. Chaque groupuscule était aux prises avec des
frictions constantes, à la fois entre ses membres, qui jouaient du coude pour
s’élever dans la hiérarchie, et avec les autres clans qui convoitaient les
mêmes territoires. Ozzy était passé maître dans l’art de montrer aux locaux
qu’il ne représentait aucune menace pour l’ordre établi. On le tolérait comme
un excentrique, tant qu’il ne prenait pas partie. À force de voir ses
congénères suivre aveuglément les règles dont il savait jouer, il commençait à
croire qu’il n’était pas comme les autres… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Certains de leurs
comportements lui apparaissaient carrément incompréhensibles. Comment expliquer
qu’aucun animal ne s’intéressait à la nourriture dans la boîte grillagée qui
avait été laissée à proximité de l’édifice qu’il guettait? Ozzy l’observa assez
longuement pour juger qu’il ne risquait rien à tenter sa chance, puis il plana
jusqu’au festin délaissé. Il entra dans la cage; son premier coup de bec activa
un levier caché, et la porte se referma en claquant derrière lui. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Stupide animal</i>, pensa Gordon en apercevant la corneille se démener
dans le piège. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Son premier réflexe avait
été de concevoir un procédé sur mesure pour le captiver. Il avait toutefois
remarqué une cage à vermine dans le cagibi derrière le comptoir de la
réception. Interrogé sur le sujet, le propriétaire lui avait dit qu’elle ne
servait plus à rien, que les bêtes du coin ne s’y faisaient plus prendre. La
solution, pour lui, avait été d’acheter des poubelles plus étanches. Moyennant
un petit pourboire, Gordon l’avait convaincu de tenter sa chance à nouveau. Le
type avait haussé les épaules et l’avait mise en place.
Dix heures plus tard, la corneille d’Édouard en était prisonnière.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Gordon ne comprenait
toujours pas pourquoi l’oiseau le traquait ainsi, d’un bout à l’autre de La
Cité. Sa peur initiale que l’Agora débarque à leur repère s’était quelque peu
amoindrie; son tête à tête avec Avramopoulos lui avait démontré que les autres
ignoraient toujours son alliance avec Harré. Il avait néanmoins promis à Gauss
qu’il le regretterait s’il se mêlait à nouveau de ses affaires… Son apathie
avait repoussé l’échéance, mais le temps de tenir sa promesse était venu. La
corneille s’activa de plus belle lorsque Gordon s’approcha avec l’intention de
lui casser le cou. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
La réalité changea de grain
lorsqu’il mit la main sur la cage, signalant une manifestation synchrone.
Gordon observa soigneusement son environnement. Un lampadaire qui bordait le
stationnement s’alluma, malgré la clarté du jour; un klaxon au loin résonna
trois fois. Si le destin lui envoyait un message, ce dernier était pour le
moins équivoque… Gordon décida de juguler son impulsion avant de commettre
l’irréparable. Il souleva la cage et l’emmena à la chambre. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Une scène étonnante
l’attendait de l’autre côté de la porte. Harré n’avait pas bougé depuis qu’il
s’était tourné vers la statuette, pas même pour boire ou évacuer. Il rayonnait
désormais d’un halo chatoyant. Son sourire paraissait plus large que sa bouche
aurait dû le permettre. Il ouvrit les yeux; une larme coula. « Comme c’est
bon, d’être redevenu… Moi. » Il éclata de rire. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Toujours souriant, Harré
dévisagea Gordon, qui sentit au même moment une pression dans son crâne.
« Je t’interdis de lire mes pensées!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et moi, je t’interdis
d’interdire! », répondit Harré en caquetant. Il plissa les yeux, comme pour
creuser plus loin. « Oh! Oh! Comme c’est intéressant! Gordon, petit
cachottier! Pourquoi ne m’avais-tu pas parlé des Trois du Terminus? Ou de
ton composite O? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je te dis de sortir de ma
tête! Sinon… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Sinon rien : tu ne
peux pas bluffer si je vois ton jeu! Voyons voir… Ah! Narcisse vous a aidés à
me ramener… Il n’est pas mort après tout! » Harré ferma les yeux.
« Je sens sa présence… Sa conscience est étalée sur la ville… Son fantôme
se raccroche à mon filet, noué à son ancienne demeure… Il a trouvé une piste
pour se réincarner… Il y travaille désespérément… Il y est presque… Tout ce
qu’il lui faut, c’est un peu d’aide… Une petite poussée et… Voilà! » Il
rouvrit les yeux. « Mon allié est de retour, en chair et en os. Je lui ai soufflé
comment nous rejoindre. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Gordon était estomaqué. Voir
Harré étendre sa perception à La Cité entière, puis improviser en quelques
secondes l’équivalent d’un procédé qu’il lui avait fallu, avec Félicia, des
semaines à développer… Son pouvoir apparaissait sans limite. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré se tourna vers
l’ouest, comme s’il regardait l’horizon à travers le plafond et les murs de la
chambre. « Si je gagne les Trois à ma cause, si je mets à profit ton
composite… L’œuvre suprême sera à portée de main. Deux Cercles sont déjà dans
La Cité… Celui que je n’ai pas ouvert est obstrué… Si je le débloque… Et que j’en
ouvre un troisième… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— <i>Trois</i> Cercles? C’est insensé! Le moindre procédé créera un
contrecoup! Je ne pourrai plus me servir de mon art! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ce sera le cas pour tes
anciens alliés, qui cesseront de nous inquiéter… Mais si je te montre le chemin
de la <i>metascharfsinn</i>, tu seras au
contraire plus puissant que jamais... » Ne risquait-il pas la folie, en
empruntant cette voie? Harré dissipa ses réticences en une phrase. « Ce
sera nécessaire pour reproduire l’extase par toi-même. C’est pourquoi tu n’y es
jamais encore parvenu! »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ils se mirent au boulot
sur-le-champ. Une heure plus tard, un cognement à la porte les interrompit. Harré
se précipita pour ouvrir. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Tu as beaucoup
changé, mon ami », dit le nouveau venu en guise de saluation, un sourire
narquois sur ses lèvres maquillées. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Pas tant que
toi », rétorqua Harré en ricanant. Il fronça les sourcils. « Es-tu
ici ou ailleurs? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Un peu des deux. Je tire
les ficelles de ce corps à partir de ma maison, comme un marionnettiste. Je
crois que je pourrai maintenir mon joug aussi longtemps que nécessaire. À tout
le moins, jusqu'à ce que nous trouvions une solution plus permanente. Qui est
ton compagnon? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je te présente Gordon.
C’est lui qui m’a ramené à la vie.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Narcisse Hill, pour vous
servir… » <o:p></o:p></div>
Gordon lui serra la main,
quelque peu abasourdi : Hill avait choisi d’habiter le corps d’un individu
rattaché à plus d’un clou au cœur de son Nœud…<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-91301905969052195642017-08-13T01:22:00.000-04:002017-08-13T01:22:11.962-04:00Le Nœud Gordien, épisode 483 : O<div class="MsoNormal">
Une seconde après que
l’alerte ait retenti, Avramopoulos était en état d’acuité. L’instant d’après,
il projetait sa vision à l’entrée de son repère secret, sous le centre
commercial inachevé. Il se détendit en percevant que ce n’était que
Gordon. Il se composa un air majestueux, sur son trône de crânes. Lorsqu’il
entendit ses pas au bout de la galerie, il lança : « Alors, tu en as
marre de te cacher?</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ce n’est pas moi qui me
terre au fond d’un trou », répondit-il du tac au tac. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avramopoulos laissa tomber
sa contre-attaque en remarquant l’apparence de Gordon. Il ressemblait à un
clochard avec sa barbe mal faite et sa chemise sale et fripée – sans compter la
bouteille qu’il tenait par le goulot. « Tu rends hommage à Tricane ou
quoi? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— J’ai le sort de Latour et
d’Olson sur la conscience. Les derniers jours n’ont pas été faciles…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’était égoïste de ta
part de nous laisser nous démerder avec Harré et ses sbires… Pas plus tard
qu’hier, nous avons pincé les cadets Van Haecht la main dans le sac. Ils
voulaient enlever Mandeville… Ils ont fini de nuire, ces deux-là. Harré a bien
couvert ses arrières : une fois capturés, ils sont devenus complètement
idiots. Enfin, encore plus qu’avant. Qui sait quelle sera la prochaine
offensive? » Gordon lança un regard à la ronde. Détectait-il les procédés
qui défendaient ses catacombes, qui n’attendaient qu’un mot de sa part pour se
déclencher? « Je voudrais bien que Harré s’amène, juste pour voir… Ce
sanctuaire est mieux gardé que n’importe quelle banque. Et contrairement à
l’Agora, tant que je reste seul ici, je n’ai pas à craindre qu’on me trahisse! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ce n’est pas tout de se
défendre. Il faut savoir passer à l’offensive! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Évidemment. Que
proposes-tu? » Avramopoulos ne l’aurait jamais avoué, mais il était
reconnaissant de la visite de son ancien disciple… L’un de ses seuls amis. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Nous devons discuter
stratégie. Autour d’une bonne bouteille. » Gordon présenta celle qu’il
avait amenée, à moitié pleine d’un liquide rouge, un peu plus translucide que du
vin. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Est-ce que c’est ce
que je pense? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui, répondit Gordon. Il
m’en restait un peu. » Avramopoulos était extatique. Son eau-de-vie, son
nectar divin… L’élixir requérait des ingrédients exotiques et une longue
préparation; sa réserve finie au début de l’hiver dernier, il n’avait pas trouvé
l’occasion d’en refaire depuis. « Je vais aller chercher des verres…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Peuh! Donne-moi
ça! », dit Avramopoulos en lui prenant la bouteille. « À la
tienne! », enchaîna-il avec une longue lampée. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le frisson familier suivit
de près la première gorgée de liquide dans sa gorge. Mais une autre sensation s’y
superposa, inhabituelle... Un plaisir encore plus intense envahit son bas
ventre, des spasmes… orgasmiques. « Salaud! Tu m’as drogué avec ta
merde! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je te prie de respecter
mon travail. Et surtout, de ne rien tenter contre moi. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avramopoulos sentit avec
effroi ses pensées se réarranger pour obéir à la commande de Gordon.
« Qu’est-ce qui m’arrive? Que m’as-tu fait avec… Ce procédé admirable? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu as vite compris, à ton
arrivée dans La Cité, que j’étais le créateur de l’Orgasmik. Que croyais-tu que
j’essayais d’accomplir? Parle. Et sois sincère.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— J’ai cru que tu préparais
La Cité pour la Joute. Le monopole d’un produit de contrebande ouvre toute
sorte de possibilités. Sans même parler du profit. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est ce que je voulais
que tu croies. Que tout le monde a cru. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avramopoulos voulut se
lever, mais Gordon l’interrompit. « Assis. » Il obéit : il
n’avait pas le choix. « Voilà sa vraie nature. Quiconque consomme l’O doit
m’obéir. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Comment oses-tu me faire
subir cela? Je te ferai exécuter comme anathème! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Gordon grimaça, un rictus
dégoulinant de mépris. « D’abord, je t’interdis de dévoiler mon
secret. » Encore une fois, ses pensées se transformèrent, à la manière de
celles d’un novice soumis à la censure. « Tu te demandes peut-être comment
j’ai pu concevoir un procédé ingéré, non maintenu, produit en masse, et qui a
le double effet de créer un orgasme <i>et </i>rendre
suggestible. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est un tour de force.
Je meurs d’envie de comprendre : un tel procédé ne devrait pas exister. »
<i>Damnation</i>! Il voulait plus que tout l’envoyer
se faire foutre, lui dire où il pouvait se les mettre, ses pilules… Mais il
devait <i>respecter son travail</i>. <i><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
« Le composite O n’agit
pas comme un élixir classique. Il ne contient pas en lui-même l’énergie – tout
de même considérable – nécessaire au procédé… Il la puise directement du
Cercle. Voilà pourquoi ta drogue ne fonctionne que dans La Cité. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Mais même dans cette
logique, l’effet ne doit pas durer longtemps… » <i>Donc, je serai bientôt libéré. Tu ne perds rien pour attendre… <o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
« Assez pour se rendre
à la prochaine pilule, répondit Gordon. Les usagers se chargent de le
renouveler eux-mêmes, à chaque nouvel orgasme. Je sais bien que tu ne
voudras jamais en reprendre, alors j’aurai besoin d’une solution plus
permanente. <i>Donne-moi ta statuette</i>. »
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Catastrophé, abasourdi, impuissant,
Avramopoulos la prit dans sa poche et la tendit à Gordon. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Tu ne m’as jamais
dit où tu l’avais trouvée… Parle. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je l’ai achetée à un
vieil Indien, quelque part aux Honduras britanniques… Lui-même n’en connaissait
pas la provenance. » C’était en 1925; il s’en souvenait comme si c’était
hier. Elle décorait l’espèce de magasin général du vieux. Une forte
manifestation synchrone, à l’époque où le phénomène demeurait une nouveauté, l’avait
mise en relief. L’Indien avait été surpris que le riche étranger s’intéresse à
ce bibelot sans valeur plutôt qu’au reste de sa marchandise. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avramopoulos l’avait
longuement étudiée avant de découvrir sa capacité à commander les gens. L’idée
qu’elle recèle d’autres pouvoirs inconnus l’avait longtemps trituré… Tout comme
l’existence possible d’autres objets du genre, les trésors perdus des grands
mages d’antan. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Explique-moi
maintenant comment m’en servir. », ordonna Gordon. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avramopoulos n’eut d’autre
choix qu’obtempérer. Un homme moins borné aurait montré patte blanche; il
gronda au son de la colère qui l’habitait. « Je vais te faire regretter
cet affront. Je te le jure.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est moi qui devrais te
faire payer… Une gifle pour chaque fois que tu m’as frappé. Une humiliation
pour chaque fois que tu m’as insulté, embarrassé, diminué. Tu disais que c’était
pour que je devienne meilleur… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et j’avais raison,
imbécile : grâce à moi, tu as accompli le Grand Œuvre! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Est-ce pour qu’ils
deviennent meilleurs que tu violes tes initiés? J’avais treize ans! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Avramopoulos avait rarement
vu Gordon si émotif. Quoi, il avait encore sur le cœur ces peccadilles? Il s’était
glissé dans son lit une dizaine de fois, tout au plus, avant de s’en
désintéresser. « Je t’ai initié à <i>ça</i>,
comme au reste. De toute manière, tu n’en valais pas la peine. »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Gordon serra les poings;
Avramopoulos crut qu’il allait le frapper. Un instant plus tard, toutefois, son
ancien disciple éclata d’un rire amer. « Moi qui croyais ne plus accorder
d’importance à quoi que ce soit… Tu as trouvé l’exception. Tout le mal que tu m’as
fait… les mesquineries…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu t’attends à ce que je
m’excuse? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu le ferais? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Jamais!<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Alors ce sera à moi de me
faire justice. À défaut d’être immanente, elle sera poétique. » Statue en
main, Gordon lui posa l’index sur le front. « À partir de maintenant, tu
ressentiras un attrait irrésistible envers les femmes…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Non! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et ce, <i>en plus </i>de tout dégoût qu’elles
t’inspirent déjà… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Non! Je t’en prie… <o:p></o:p></div>
— Silence! Tu mériterais
que j’en fasse un effet permanent. Mais je suis un meilleur homme que tu le
seras jamais. Il prendra fin lorsque tu auras fait jouir dix… Non, <i>cent</i> femmes. » Gordon le lorgna
d’un air suffisant, alimenté par la panique qu’il ne parvenait plus à
dissimuler. « Tiens, tant qu’à y être… Celle-là, elle est pour
Espinosa : en attendant, tu ne seras plus capable d’érection en présence
d’un homme. Et plus jamais devant quelqu’un de moins de vingt-cinq ans. Ferme
les yeux. Tu vas oublier que nous avons eu cette conversation. Tu vas te
réveiller avec des désirs que tu ne comprends pas, mais que tu ne remettras pas
en question, malgré tout ton dégoût… Tu vas dormir, maintenant. Dors, je le
veux! »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-6264181801708001122017-08-06T11:22:00.001-04:002017-08-06T11:22:27.914-04:00Le Nœud Gordien, épisode 482 : Embuscade<div class="MsoNormal">
Quatre heures du
matin : la nuit s’achevait, même si le matin demeurait loin. Le quartier à
vocation commerciale prenait, à cette heure, des allures de désert. Deux
figures noires s’y trouvaient néanmoins. Elles longeaient les murs menant à la
grande porte du 5450, boulevard La Rochelle, en veillant à esquiver les
lampadaires. Une fois à destination, l’un des deux tira une clé de sa poche et
la glissa dans l’ouverture. « Ah! Les cons! Ils n’ont pas changé la
serrure!</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Chut!, dit l’autre. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Mais y’a personne ici! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ferme ta gueule quand
même! As-tu le mot de passe? » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Asjen fouilla ses poches
avec une inquiétude croissante. « Ne me dis pas que tu as oublié le
papier? »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il fut soulagé de le trouver
dans sa poche d’en arrière. « Ben non. Évidemment. T’es prêt? <i>Si vis pacem, para bellum</i>. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Aart tourna la clé et tira
la porte pendant qu’Asjen retenait son souffle. Pas d’alarme, pas d’explosion :
Arie leur avait fourni la bonne information. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le seul éclairage du
rez-de-chaussée provenait de l’extérieur, mais Asjen avait passé assez de temps
à y faire le pied de grue pour pouvoir s’orienter dans le noir total. Sans
réfléchir, il se dirigea vers l’ascenseur. Son frère l’agrippa par le collet.
« On monte par l’escalier, imbécile! Veux-tu alerter toute la
bâtisse? » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Grommelant qu’il le savait,
qu’il était pas con, Asjen emboîta le pas à son frère. « Pourquoi père ne
nous a pas donné des instructions aussi précises que l’autre fois? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Paraît que nos ennemis ont
brouillé ses visions du futur… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Haletant, entre le
quatrième et le cinquième étage, Asjen demanda : « Tu le savais, toi,
qu’il voyait le futur? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Fais ce qu’on te dit, ne pose
pas de questions. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les mots créèrent une
détente instantanée chez Asjen. Gordon les lui répétait chaque fois qu’il lui
donnait une pilule jaune au pouvoir orgasmique. Ça, c’était mieux que l’alcool,
que l’herbe, mieux que la porno. Le souvenir de ce plaisir dissipa tous ses
doutes. On lui avait demandé de capturer un Maître, il allait capturer un
Maître, point à la ligne. <i>Je fais ce
qu’on me dit, je ne pose pas de questions</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le cinquième n’avait pas
changé depuis leur départ précipité de l’Agora. Un rai sous la porte indiquait
leur destination. Ils entrèrent sans frapper. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Leur frère somnolait dans
son fauteuil roulant. Il sursauta. « Bon Dieu, Arie, t’as vraiment un air
de merde. » Les traits tirés, il avait perdu beaucoup de poids. Sa barbe,
blonde et peu fournie, donnait l’impression qu’un rideau de toiles d’araignées
lui pendait du menton. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Qu’est-ce qui s’est
passé avec toi?, demanda Aart en refermant la porte derrière lui. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Il se passe que ma
famille est partie en vadrouille en me laissant derrière », répondit-il d’une
voix rauque.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>Oups</i>. La compulsion s’accommodait mal des pauses, même pour
l’hygiène ou l’alimentation. La possibilité que personne n’ait pris le relais
après leur départ ne lui avait jamais même traversé l’esprit. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Alors, demanda Aart,
est-elle là? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oui. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Seule? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Absolument. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Comment le sais-tu? Tu
dormais! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Personne ne va et vient à
cette heure, répondit-il, agacé. Vous la trouverez dans le laboratoire, au
troisième. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— On va lui faire regretter
de nous avoir trahis, dit Asjen. Oh que oui. » Arie parut consterné.
« Quoi?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Êtes-vous certains de
faire les bonnes choses, pour les bonnes raisons? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ben oui. » <i>Je fais ce qu’on me dit, je ne pose pas de
questions</i>. « Qu’est-ce que tu insinues? T’es avec nous ou contre nous?
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Calmez-vous, tous les
deux, intervint Aart. Bien sûr qu’Arie est avec nous. Continue à nous tenir
informés. Et surtout, fais gaffe! On revient te tirer d’ici bientôt! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Papa va être tellement
content de nous voir réunis, dit Asjen. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ouais. <i>Papa</i> », répondit Arie. Asjen s’expliquait
mal ce ton railleur, mais il n’en dit rien, préférant éviter se faire encore rabrouer
par son aîné. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ils retournèrent à la cage
d’escalier et descendirent au troisième. À travers le judas, ils virent la
grande pièce plongée dans la pénombre. Une figure solitaire s’activait au fond,
dans une sorte de cubicule faite de cloisons amovibles et de tableaux à
roulette. Ils avaient de la veine : Mandeville leur tournait le dos,
penchée sur sa table de travail. Ils allaient pouvoir la surprendre… Asjen
espérait que le procédé inscrit sur la paume d’Aart fonctionne et leur évite le
gâchis de la dernière fois… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les frères se faufilèrent
de l’autre côté de la porte sans qu’elle paraisse les avoir remarqués. Ils
s’approchèrent comme des fauves, prêts à bondir. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Les lumières s’allumèrent
d’un coup. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ils restèrent pantois en
voyant émerger de leur cachette derrière les panneaux Stengers, Polkinghorne,
Avramopoulos, Lytvyn… Bref, l’Agora au grand complet les attendait de pied
ferme. Certains brandissaient des armes à feu; Vasquez tenait un long couteau
dans chaque main. C’était bien la première fois qu’il aurait préféré ne pas
mater ce corps de déesse. <i><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
« Ne bougez
pas », ordonna Mandeville. « Sinon, vous allez le regretter. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ils étaient cuits. <o:p></o:p></div>
Asjen entendit dans son
esprit la voix de Gordon, la même qui lui sommait d’obéir sans se poser de
questions. Elle disait : <i>Si vous
êtes capturés, vous oublierez tout. Tout…</i> Il sentit son esprit se vider
comme une outre percée. Sa dernière pensée cohérente fut que ce vide n’était
pas désagréable du tout.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-82876897404632518332017-07-30T00:30:00.000-04:002017-07-30T08:28:47.768-04:00Le Nœud Gordien, épisode 481 : Troisième œil<div class="MsoNormal">
À son arrivée chez Félicia,
Polkinghorne voulut l’étreindre et lui faire la bise, comme c’était leur
habitude, mais il s’arrêta lorsqu’il remarqua les pansements qui couvraient ses
épaules. « Qu’est-ce que tu as?</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Bah, rien, je reviens de
chez le tatoueur… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu t’es fait faire quoi?,
demanda-t-il, le sourcil haussé. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est… abstrait. Je te
les montrerai lorsqu’ils seront finis. » Une copie sur papier se trouvait dans sa
chambre, mais elle préférait qu’aucun initié n’examine son design de trop près.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Félicia était désormais
encrée en six endroits : les deux épaules, les deux hanches, les deux
chevilles. Sa tatoueuse, elle-même colorée de la tête aux pieds, trouvait son
projet ambitieux pour une peau vierge. La résolution de Félicia – et le
généreux incitatif qu’elle lui avait offert d’entrée de jeu – l’avaient
toutefois convaincue d’accepter son dossier en <i>rush</i> et de développer le motif. Le lendemain, Félicia prenait place
sur la chaise. L’opération avait été longue et pénible; après chaque séance,
l’idée de s’y remettre devenait de puis en plus difficile. Elle avait toutefois
serré les dents et encaissé. « Alors, on s’y met? », demanda-t-elle à
son invité pour esquiver le sujet.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Montre-moi
ça! »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle le conduisit au
grenier, jusqu’au symbole gravé dans la poutre. « Édouard m’a dit qu’il a
suffi d’un contact pour entrer en communication mentale avec Hill. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Hmmm. Le symbole me
semble beaucoup trop simple pour déjouer la mort. Je vais avoir besoin de mon
troisième œil. » Félicia acquiesça; elle poussa les caisses de ferraille
contre le mur pendant que Polkinghorne disposait sur le sol les cinq cierges nécessaires
à cette méditation particulière, qui permettait une fine analyse de la nature
des procédés et de l’énergie radiesthésique ambiante. L’homme se dévêtit – la
méditation du Troisième œil interdisait le port de vêtements. Félicia peignit
les caractères requis sur ses paumes et sur son front, puis il entra dans le
cercle des cinq cierges.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Ce n’est pas le
symbole qui est la clé du procédé, c’est la charpente même de la maison »,
dit-il après que l’œil dessiné sur son front se soit mis à luire. Il fronça les
sourcils. « C’est à se demander comment Hill a fait pour que ce dispositif
se maintienne durant tout ce temps… Le plus étonnant, c’est qu’on dirait même
qu’il y a un trop-plein d’énergie… Bon Dieu! Quelle complexité! » Il
ouvrit les yeux. « Félicia, je ne veux rien t’enlever, mais… Serait-ce
possible que ton talent soit relié au fait d’avoir grandi dans cette maison? »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Par réflexe, elle allait
protester, mais elle ne tarda pas à se rendre à l’évidence. « Grandir à
côté d’une crypte magique… Cela pourrait expliquer mon étrange affinité avec la
nécromancie. » Édouard aussi avait habité les lieux; même en tenant compte
du bond en avant que la compulsion d’Avramopoulos lui avait permis, il
progressait bien plus vite que la moyenne. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Je ne comprends pas,
s’interrogea Polkinghorne : Hill était un Disciple de Khuzaymah, non?
Comment un charlatan a-t-il pu créer pareille merveille?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Parce qu’il était aussi
un disciple de Harré. » Ignorant la surprise de l’homme, elle
ajouta : « Je suis certaine que c’est lui qu’il me faut pour empêcher
Harré de voir le futur.<i><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal">
— Hill refusera
certainement de nuire à son Maître… » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il avait raison. « Je
vais faire en sorte qu’il n’ait pas d’autre choix que jouer mon jeu selon mes
règles. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— On croirait entendre
Espinosa! », dit Polkinghorne avec un sourire. Félicia devinait toutefois
l’inquiétude qui se cachait derrière sa bonhommie. Ils complétèrent les
préparatifs, il lui souhaita bonne chance, elle entra en acuité… Et elle toucha
le symbole. Elle se retrouva dans un espace blanc, entièrement vide. La
transition subite la dérouta un instant. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Cette visite est
d’autant plus appréciée qu’elle est inattendue », dit une voix derrière
elle. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle se retourna. « M.
Hill. Je suis heureuse de pouvoir vous parler face à face. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Votre choix de mot s’avère
ironique, compte tenu qu’en ce lieu, ni vous ni moi n’avons réellement de face.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— <i>Ce lieu</i>… M. Hill, le procédé caché dans votre maison Hill est un
chef-d’œuvre. Le travail d’un virtuose… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je n’en suis responsable
qu’à moitié », dit-il, rayonnant néanmoins de fierté.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Et à qui devez-vous la
seconde? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Oh, à Harré et son filet,
bien entendu. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Vous m’excuserez :
j’ignore à quoi vous référez. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Hill sembla étonné. Il
renifla, comme s’il cherchait à capter une odeur ténue. « Pourtant, vous
en portez l’arôme, comme un boulanger celui du pain frais… Vous devez bien le
savoir : n’est-ce pas à vous que j’ai communiqué les instructions pour
rattacher une âme à la matérialité? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Une âme? Oh! Vous référez
aux impressions laissées par les victimes de mort violente? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Précisément! Ces
impressions, comme vous dites, sont retenues par le filet posé par Harré; c’est
sur cette fondation que j’ai construit ce que vous avez qualifié de chef-d’œuvre. »
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Félicia était sous le choc.
À ce jour, les Maîtres croyaient que les impressions avaient été rendu
possibles par l’augmentation de l’énergie radiesthésiques mondiale, et non par
un procédé orchestré par leur ennemi. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Mon œuvre me met
toutefois dans une fâcheuse posture, continua Hill. Je comptais sur mon Maître
pour me délivrer de ce purgatoire; j’ai toutefois appris qu’il était décédé,
donc potentiellement prisonnier d’une situation analogue. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Fâcheux, en effet… »
Les pensées de Félicia déboulaient à toute vitesse. « Vous avez de la
chance : j’ai développé un procédé de métempsychose dont je suis la seule
à connaitre le secret. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle avait toute son
attention. « Vous pourriez donc me sortir d’ici, de façon durable. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Absolument. Vous n’auriez
plus à vous contenter d’être le marionnettiste du corps d’un autre.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Par quel moyen
comptez-vous obtenir ce corps qui deviendrait le mien? » L’appât était
posé… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Je suis à deux
doigts de trouver une solution, mais j’en suis empêchée par des initiés
surpuissants, capables de voir le futur. Pour des raisons que je ne comprends
pas, ils manipulent les événements de manière à m’empêcher d’atteindre le succès.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Serait-ce par hasard ceux
qui occupent la gare du Centre-Sud?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Précisément », dit
Félicia, en espérant que son bluff tienne. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Leur pouvoir est immense.
Je préférerais de loin m’en faire des alliés que m’y opposer…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ils vous feraient au
mieux croire qu’ils supportent votre cause, seulement pour se retourner contre
vous au moment le plus inopportun. » Elle grimaça, insufflant à son mensonge
l’émotion réelle de la trahison de Tobin. « J’en sais quelque chose… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Eh bien, madame, fidèle à
son habitude, le destin fait bien les choses : j’ai moi-même développé, à
l’époque, une façon d’aveugler Harré, afin de l’empêcher d’accomplir le sinistre
destin auquel il me destinait… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ne disiez-vous pas que
vous étiez son étudiant? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Certes. Mais son dessein
d’origine était d’une nature plus funeste. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Vous me raconterez cette
histoire une fois réincarné », dit Félicia. « Donnez-moi la recette
de votre procédé d’opacité, et j’en ferai mon affaire. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Mieux encore :
sortez-moi d’ici, et je vous l’enseignerai en personne.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— À votre dernière sortie,
vous avez pris la poudre d’escampette avec le corps de mon amoureux, que j’ai
dû aller récupérer en Argentine. En Argentine! Désolée : je ne peux souscrire
à cette condition.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Attendez… Si vous
promettez de me sortir d’ici, j’accepte de vous enseigner ma formule.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Vous avez ma parole. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Marché conclu, alors.
Comment voulez-vous procéder?<o:p></o:p></div>
— Comme la dernière
fois : je vous prêterai ma main… Et ma plume. »<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-85759291490695902562017-07-23T12:05:00.002-04:002017-09-24T11:13:45.547-04:00Le Nœud Gordien, épisode 480 : Vues de l’esprit<div class="MsoNormal">
Narcisse Hill ouvrit les yeux, en proie à la confusion
totale. Dans toutes les directions, il n’y avait qu’une blancheur sans contour…
Un flou blanc qu’il connaissait trop bien.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Non! », s’exclama-t-il. « NON! » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il avait été stupide. M. Gauss lui avait prêté sa main, il
avait usurpé tout son corps. Une fois de retour dans le monde des vivants, il
aurait dû s’empresser de trouver un moyen d’y rester, peut-être en liant
définitivement son essence à son corps d’emprunt. Mais il avait été distrait…
Le niveau d’énergie radiesthésique dans La Cité l’avait surpris; il avait pu reconnaître
l’odeur familière du Cercle pour lequel son ami Jean-Baptiste s’était sacrifié –
avant que sa maladie ne l’ait rattrapé –, mais une autre s’y superposait,
exotique, épicée, inconnue… Son nez l’avait guidé jusqu’au Terminus, et après
avoir découvert ce lieu impossible au potentiel infini, il s’était mis dans la
tête de poursuivre sur-le-champ le grand projet de Harré. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Grave erreur : alors qu’il construisait des passages
reliant les Cercles de par le monde au Terminus, une maladresse l’avait fait
basculer dans un torrent. L’eau vive avait dû effacer l’écriture qui le liait à
la chair de M. Gauss… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il était de retour dans l’écrin spirituel qui avait retenu
son âme, de son décès à ce jour. Ce siècle, il l’avait passé en léthargie,
réveillé seulement à quelques occasions – la fois où il avait possédé une
petite fille, une séance spirite où il avait communiqué à la jeune Lytvyn la
formule pour le sortir de là… Et cet événement qui l’avait ramené à la pleine
conscience, que M. Gauss avait appelé <i>le
grand rituel</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il avait construit dans la charpente de sa maison le
dispositif qui l’avait recueilli après sa mort. À nouveau séparé de la chair,
il y était retourné… Éveillé, cette fois. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’implication s’imposait, terrifiante : il était coincé
au purgatoire, peut-être pour l’éternité. Combien de temps avant que le néant,
qu’il avait voulu esquiver, devienne son souhait le plus cher? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Sans chair ni indice quant au passage du temps, il ne
pouvait souffrir de la faim, de la soif, de la maladie, de la vieillesse…
Quoiqu’athée, il remercia Dieu lorsqu’il réalisa qu’il ne souffrait pas non
plus d’ennui. Pas encore. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il lui restait un seul espoir : s’il avait ressenti des
remous provenant de l’extérieur, s’il avait pu guider M. Gauss jusqu’à son
grenier, son isolement n’était peut-être pas si absolu...<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Errer dans la blancheur infinie ne pouvait mener nulle part;
il décida plutôt d’user du seul outil dont il disposait dans cet état : sa
propre conscience. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il se replia sur lui-même et médita longuement. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Éventuellement, son esprit vide de toute pensée se mit au
diapason du vide qui l’entourait. Il put ainsi ressentir d’infimes variations,
des indices qui n’étaient pas exactement visuels ou auditifs. Au début, il ne
sut comment les interpréter, mais il s’accrocha à cette nouveauté avec l’énergie
du désespoir. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Il ignorait si cela avait nécessité une heure, un jour ou
une année, mais il en vint à déduire à quoi correspondaient ces variations…
Elles provenaient du monde extérieur. Son premier succès réel fut de pouvoir deviner,
à partir de ces indices, la présence ou l’absence de gens dans sa maison. Puis,
de fil en aiguille, il réussit à discerner que Mlle Lytvyn, la fille de la
séance, occupait sa maison plus souvent que quiconque, et que M. Gauss la visitait
fréquemment. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pour Narcisse, la magie avait toujours eu une odeur; chose
étrange, il reconnaissait sur ces deux-là l’arôme de <i>sa</i> magie, comme si les enchantements qui infusaient les murs de sa
maison avait déteint sur eux. Était-ce la raison pour laquelle leur détection
avait été possible en premier lieu? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Au fil des jours, il les appela encore et encore, mais ni l’un,
ni l’autre ne lui répondit. Il aurait bien voulu savoir s’ils l’entendaient ou
non; le cas échéant, il n’aurait pas été surpris que M. Gauss, échaudé, conserve
une distance prudente… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
En quête de nouvelles pistes et disposant de tout le temps
du monde, Narcisse tenta d’élargir le champ de ses recherches. Petit à petit,
il put espionner les allées et les venues des gens du voisinage, puis du
quartier. Il demeurait lié à la maison Hill, mais il pouvait envoyer son esprit
à la manière d’une sonde, de plus en plus loin… Où il fit une découverte des plus étonnantes.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Jusque-là, ses explorations s’appuyaient sur la détection et
l’analyse d’indices infimes; elles progressaient donc à un rythme d’escargot.
En sondant le quartier, il tomba sur des citadins qui portaient une marque étrange,
si claire qu’elle en était presque <i>visible</i>.
Narcisse tourna toute son attention vers ce phénomène aussi étrange qu’inattendu.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
La marque avait la forme d’un cercle située au niveau de la
tête des gens – il ne la <i>voyait</i> pas,
mais il en <i>ressentait</i> la forme, la
présence, l’odeur – clairement surnaturelle, elle empestait la magie des Seize.
Chez certains individus, la marque était aussi nette et définie qu’un marquage
au fer; chez d’autres, c’était tout le contraire. Plusieurs fois, il vit une
marque faible devenir forte, sans pouvoir expliquer ce brusque changement. Son intuition
lui disait que cette marque avait été posée là pour servir de pont entre l’esprit
de ces gens et… Autre chose. Quoi? Qui? Impossible de le dire. Mais s’il s’agissait
réellement d’un pont, Narcisse devait le traverser… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Supplice de Tantale : ses tentatives demeurèrent infructueuses.
Avait-il mal compris la nature ou la fonction de ce mystère? Faute de mieux, il
butina d’un esprit marqué à l’autre, espérant trouver quelque information susceptible
de le sortir de l’impasse. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Après ce qui lui parut une éternité, il tomba sur une
situation inédite. Quelque part dans un logement de l’Est, en examinant une marque
claire, il reconnut l’arôme de sa maison. S’agissait-il d’un ancien résident? Sans
doute. Pouvait-il exploiter cette combinaison inespérée? <o:p></o:p></div>
Il en était à explorer cette piste potentielle lorsqu’un
nouveau remous dans l’essence de son purgatoire attira son attention. Il avait
un visiteur…<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-61141491633852319832017-07-16T00:30:00.000-04:002017-09-24T11:13:58.566-04:00Le Nœud Gordien, épisode 479 : Femme fatale, 2e partie<div class="MsoNormal">
« …j’ai vu de grandes
zones floues dans mon futur. J’ai déduit que nous allions bientôt nous retrouver
au même endroit, dit Daniel. Ce soir était l’un d’eux.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Bien vu, dit Harré. Tu… »
Il s’interrompit et scruta dans la direction de Pénélope, les sourcils froncés.
Elle retint son souffle. L’avait-il remarquée? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Quoi?, demanda
Daniel. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— J’ai cru voir un
mouvement. Bref. J’ai voulu te rencontrer parce que, manifestement, tu es le
plus avancé parmi tes pairs… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je n’en suis pas certain.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu peux voir le futur. Tu
es donc capable de <i>metascharfsinn</i>. »
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Daniel frotta son visage,
fatigué, excédé. « À peine… Je ne contrôle rien… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— C’est la première chose
que tu dois comprendre : on n’utilise pas la <i>metascharfsinn </i>: c’est elle qui nous utilise. Tu en souffres,
n’est-ce pas? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tellement, dit-il, ses
yeux embués miroitant à la lumière des lampadaires.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Il te manque bien peu
pour que la <i>metascharfsinn </i>soit
plutôt une source de beauté… Une beauté indicible. Je peux t’enseigner. Je peux
te soulager… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Plusieurs des flous dans
mon futur se terminent en cul-de-sac… Mon histoire s’arrête là. Tu viens à ma
rencontre comme un ami, mais dans ces futurs-là, tu m’élimines sans hésiter.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Rien ne m’empêchera de
compléter mon œuvre. Rien. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Est-ce pourquoi tu as tué
Latour? Parce qu’il s’est retrouvé sur ton chemin? »<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Harré scrutait à nouveau en
direction de Pénélope. Quelque chose l’agaçait. « Ne pleure pas ce M.
Latour : il a donné sa vie pour une noble cause.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Laquelle? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Il a restauré la moitié
de ma puissance d’antan. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Une vague d’effroi balaya
Pénélope. La mathématique était simple : il faudrait qu’il en tue un autre
pour retrouver son plein potentiel. Elle s’attendait à ce que Daniel comprenne,
qu’il mette fin à l’échange, mais à sa grande surprise, il plongea plutôt dans
ses pensées. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Comment pouvait-il considérait-il
l’offre de Harré, même un instant? Avait-elle sous-estimé la détresse causée
par cet engrenage cassé qui l’obsédait? Au point de s’associer au meurtrier de
son allié, son ami? Inexplicable! <i>À moins
que Harré l’influence par des moyens surnaturels</i>. À la manière de leurs
phéromones trafiquées…<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pouvait-elle le laisser
faire encore longtemps? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle se trouvait à quelques
mètres de lui, armée, invisible. Un coup de couteau et c’en était fini de
Harré. L’idée l’horripilait, mais combien d’atrocités préviendrait-elle du
coup? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle dégaina
ses poignards et s’approcha du banc par l’arrière. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
<i>When you have a shot, you take a shot</i>,
se plaisait à répéter son instructeur de Systema. Il l’avait entraînée à ne pas
hésiter au moment décisif. Elle posa la lame sur le cou de Harré… Sur le cou de
Van Haecht. Tuer un anéantirait l’autre aussi. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle hésita.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Le contact de
l’acier révéla sa présence. « Ah! Voilà l’explication! Je n’avais pas rêvé »,
dit Harré. Rien dans son expression ne laissait croire qu’il se sentait menacé.
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pénélope aurait voulu
consulter Daniel avant de commettre l’irréparable, mais Harré ne lui en laissa
pas le temps. Les poignées de ses armes devinrent soudainement brûlantes comme un
poêle. Elle les laissa tomber par réflexe; une douleur cuisante l’assaillit l’instant
d’après. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
L’un de ses poignards tomba
derrière le banc, l’autre à côté de Harré; il tenta de le saisir, mais Pénélope
ne lui en laissa pas le temps. Elle ferma le poing – malgré la douleur – et l’abattit
de toutes ses forces sur sa clavicule. Harré se leva, esquivant de justesse le
coup suivant. Le poignard tomba sur le sol. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pénélope ne se ferait pas
prendre à hésiter de nouveau. S’appuyant sur le dossier, elle sauta sur le banc
et asséna un violent coup de pied circulaire, droit sur la joue de Harré. Sonné,
il fit un pas de travers; Pénélope bondit sur lui. Elle lui balança une volée
de coups assez vigoureuse pour le renverser. Elle profita de l’opportunité pour
fondre sur le couteau le plus proche. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle n’avait besoin que d’une
seconde pour reprendre l’arme la plus proche, et d’une autre pour la plonger
dans la chair de Harré. Ce fut toutefois assez pour que l’homme lève la main en
direction de Daniel. Il la referma et tira comme un mime sur une corde. Son
homme poussa un cri puis tomba face contre terre. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Daniel! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Dépose ton arme! <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Qu’est-ce que tu lui as
fait?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Moi, rien. La <i>metascharfsinn</i> l’a utilisé! »,
dit-il en ricanant. Sa lèvre saignait à la commissure. Il se releva en tenant
ses côtes. Elle l’avait bien amoché. « Jette ton couteau, sinon je
l’achève! » Il tenait toujours son poing serré autour du câble invisible, les
muscles tendus comme la corde d’un arc. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Bluffait-il? Pourquoi ne
lui appliquait-il pas la même médecine? Devait-elle baisser les bras? Ou
risquer de lui lancer le couteau?<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
« Tu n’as pas le
choix. Si je meurs, il meurt lui aussi. » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle laissa tomber le
poignard dans le sable, défaite. <i>J’ai raté
ma chance</i>. <i>Deux fois</i>.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
À sa grande surprise, Harré
recula, puis s’enfuit dans la nuit en claudiquant.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Daniel gisait sur le
ventre. Elle s’empressa de le retourner. Son visage distendu et ses yeux grands
ouverts laissaient présager le pire. La chute avait éraflé son visage; des grains
de sable étaient restés collés contre sa cornée. Elle fut toutefois soulagée de
le voir respirer encore. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Elle fouilla dans la poche de Daniel pour trouver son téléphone, et elle appela la ligne d’urgence de
l’Agora. Elle avait besoin d’aide, mais aussi de leur signaler cette nouvelle
attaque… <i>Harré a recouvré la moitié de sa
puissance grâce au meurtre de Latour. </i>Il fallait s’attendre à ce qu’il
veuille recommencer…<o:p></o:p></div>
À cinquante pourcent, Harré
s’était montré un adversaire formidable – il avait rendu ses couteaux brûlants
sans bouger, sans parler, sans écrire, sans ingrédient… Comment pourraient-ils
l’arrêter s’il venait à atteindre sa pleine capacité?<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8464248065938483373.post-38944280775574569712017-07-09T00:30:00.000-04:002017-07-09T00:30:25.950-04:00Le Nœud Gordien, épisode 478 : Femme fatale, 1re partie<div class="MsoNormal">
À la fin de leurs séances
de travail à l’Agora, Daniel Olson et Pénélope Vasquez insistaient toujours pour
retourner passer la nuit dans la Petite-Méditerranée. Les autres initiés considéraient
cette routine imprudente, mais pour le couple, se replier sur leur intimité
représentait plus qu’un caprice : c’était une nécessité.</div>
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Leurs nuits ensemble
s’avéraient d’autant plus précieuses qu’ils étaient tous deux conscients que
leur monde pouvait chavirer n’importe quand. Pénélope devinait que la mort
inattendue de Berthold affectait Daniel plus qu’il ne le montrait; Elle
s’efforçait à offrir un contrepoint à sa morosité, en jouissant de leur temps
ensemble comme s’il n’y avait pas de lendemain. Ils ne demeuraient pas moins vigilants
durant ces virées nocturnes : ils avaient eu la démonstration que lorsque
plus d’un devin était impliqué, les prophéties se déclinaient en probabilités
plutôt qu’en certitudes. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Après plusieurs nuits de ce
délicieux manège, qui se terminait invariablement sous la couverte, un soir, Pénélope
sentit que quelque chose dans l’attitude de Daniel avait changé. Tout du long,
il se montra souriant et chaleureux, plus que d’habitude; une fois retournés à
leur chambre, il lui fit l’amour doucement, les yeux dans les yeux. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
En soi, il ne s’agissait
guère d’une exception ou d’une nouveauté; leurs performances mirobolantes
étaient souvent émaillées de moments doux. Ce soir-là, cependant, Daniel
semblait vouloir troquer l’excitation sensuelle contre une connexion
spirituelle. Pour Pénélope, cette union de deux âmes distinctes valait mille
fois mieux que la fusion mentale que Daniel souhaitait toujours. Elle
s’endormit contente, amoureuse, satisfaite. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un mouvement la tira du
sommeil : Daniel s’habillait dans la pénombre de leur chambre. Avait-elle
dormi trois secondes ou trois heures? « Je ne voulais pas te réveiller,
dit-il. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Ce n’est pas grave. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— J’espérais… Ne pas
compliquer les choses outre mesure. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Quelles choses? <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Je ne parle pas juste de
mon futur ou du tien. Les fils convergent… Le sort du monde se joue ce soir. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Mon Dieu! Qu’as-tu
vu? » <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Daniel hocha de la tête, le
regard vague. « Je dois y aller. Pénélope, jure-moi que tu ne me suivras
pas. » Face à son silence, Daniel répéta : « Jure-le-moi que je
ne te verrai pas là-bas.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
— Tu sais que je ne peux
pas te dire non », répondit-elle. <i>Mais
je ne t’ai pas dit oui</i>. Il hocha la tête, satisfait, boucla ses pantalons
et sortit de la chambre. Une minute plus tard, elle entendit la porte de
l’appartement claquer. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
C’était son signal. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Peu importe s’il allait aux
devants de Harré ou du Diable en personne, il n’était pas question qu’elle se
tourne les pouces pendant que le sort du monde était en jeu. Elle enfila des
vêtements d’entraînement tout noirs avant de tirer du placard le fourreau
double où elle rangeait ses couteaux de combat. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Pénélope n’avait jamais été
naïve quant à son projet d’incarner la femme parfaite. Elle savait qu’elle se
positionnait comme objet de convoitise pour les hommes – incluant ceux qui
n’hésiteraient pas à assouvir leur désir de force. Elle avait commencé à
apprendre les arts du combat au même moment où elle avait entrepris ses
premières transformations, d’abord le judo, puis le kickboxing; elle avait
ensuite fait un détour vers le jiu-jitsu brésilien avant de jeter son dévolu
sur le Systema russe, qu’elle jugeait plus complet que n’importe quel autre
style. Elle s’était jusqu’alors entraînée avec des lames émoussées,
inoffensives; ses deux poignards, en revanche, étaient affutés comme des
rasoirs. Elle n’avait jamais eu à s’en servir; elle préférait que cette nuit ne
soit pas différente, mais plus encore, elle voulait être prête à tout. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Un coup d’œil à l’extérieur
lui confirma que Daniel demeurait visible : il cheminait vers le lac
Prince, à la vitesse de la promenade. Il ne lui restait qu’un détail à régler… <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Ils conservaient dans leur
pharmacopée un onguent capable de récréer en partie l’effet du procédé de
Hoshmand. Elle se l’appliqua à toute vitesse, puis elle dévala les marches,
fourreau en main. Elle rattrapa Daniel au bout du chemin, alors qu’il
descendait sur la plage. Elle le fila à distance respectueuse; invisible ou
pas, elle pouvait toujours être détectée par le bruit de ses pas. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Daniel s’engagea sur la
promenade, une sorte de trottoir de bois qui courait sur toute la rive nord du
lac. Un peu plus loin, un couple d’adolescents se partageaient un joint, les
pieds dans le sable; voyant un adulte cheminer vers eux, ils cachèrent leur
drogue et partirent dans l’autre direction. Ils croisèrent Pénélope l’instant
d’après. Le fait qu’ils aient complètement ignoré la présence d’une femme fatale
en vêtements moulants à deux mètres d’eux était la meilleure confirmation que
l’onguent fonctionnait comme prévu. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
À pas feutrés, elle continua
de suivre Daniel à distance lorsqu’il quitta la promenade pour s’approcher d’un
banc de parc en retrait… La nuit était sombre, mais les lampadaires éclairaient
assez pour qu’elle reconnaisse l’homme qui s’y trouvait déjà. Van Haecht. <i>Harré</i>. <o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal">
Daniel s’assit à côté de
lui, et ils se mirent à papoter comme deux promeneurs jasant de la pluie et du
beau temps. <o:p></o:p></div>
À pas de loup, Pénélope
s’approcha pour entendre leur conversation.<br />
<div class="MsoNormal">
<o:p></o:p></div>
Patrice St-Louishttp://www.blogger.com/profile/09233000162147340559noreply@blogger.com0