Il aurait dû s’inquiéter de la pérennité de son état, mais
ses pensées se tournaient toujours vers cette splendide distraction qui s’offrait
à ses yeux. Geneviève dormait paisiblement, le souffle si profond que chaque
respiration ressemblait à un soupir. Elle semblait parfaitement heureuse.
Édouard avait été surpris de l’entendre crier et gémir ainsi avant qu’ils ne
s’endorment… Elle avait joui pour vrai, avait-elle dit. Pourquoi avait-elle été
émue jusqu’aux larmes? Il connaissait bien mal cette femme avec qui il avait
pourtant vécu si longtemps…
Le drap moulait les moindres détails de son corps. De fil en
aiguille, Édouard l’imagina en train d’enlacer sa belle amie Jasmine, avant d’aller
les rejoindre sous les couvertes… Et puis…
Édouard fantasmait activement depuis un bon moment déjà
lorsque Geneviève s’étira comme une chatte avant d’ouvrir les yeux. Il lui
fallut une seconde pour comprendre où elle se trouvait, après quoi elle bondit
hors du lit en rougissant. « Il faut que j’y aille. Il est quelle heure?
— Une heure vingt.
— Il faut vraiment que j’y aille… »
Elle tira un drap pour couvrir sa poitrine, comme si sa
nudité l’embarrassait. C’était pour le moins étrange après leur nuit folle… Ne
sachant que dire, il la regarda rassembler ses affaires et s’habiller à toute
vitesse. En moins de deux, elle déguerpissait en lançant d’un ton
détaché : « On se voit comme prévu, en fin de semaine prochaine. Même
heure que d’habitude? OK, bye! » Elle claqua la porte sans avoir attendu de
réponse, laissant un Édouard stupéfié derrière elle.
À nouveau seul dans son appartement, le sexe encore et
toujours dressé comme un mât, Édouard se retrouva au point de départ… S’il
restait ici, il finirait par se masturber tôt ou tard quoique en ce moment,
l’idée seule suffisait à lui faire mal. S’il sortait, l’ivresse du désir le
pousserait sans doute vers quelque connerie bien pire que coucher avec son ex…
« Eh merde. J’ai couché avec mon ex ». C’était
peut-être cette même réalisation du fait accompli qui avait embarrassé
Geneviève jusqu’à la fuite… Il n’avait même pas pensé que la nuit passée puisse
avoir quelque conséquence ou ramification …
Il prit une nouvelle douche froide, se rasa, s’habilla et se
coiffa en faisant distraitement l’inventaire des connaissances féminines qu’il
pourrait contacter plus tard dans la journée. Peut-être que l’une d’elles
accepterait de prendre un verre avec lui. Peut-être que Jasmine…
Non! Il en avait marre que ses pensées dérapent sans cesse! Il
essaya encore de se changer les idées en se faisant un sandwich, mais c’était
peine perdue : la mayonnaise, le jambon, même le pain avaient quelque
chose d’érotisant! C’était trop! Il se dit que si rien n’avait changé dans
trois heures – 24 heures après l’apparition subite de l’excitation –, il
reprendrait la voie de la proactivité. Il n’en avait pas eu besoin jusqu’à
présent, mais Alexandre lui avait donné le numéro d’Aleksi… Il l’appellerait
pour exiger qu’il fournisse des explications sur son état… Pour le supplier de
le faire cesser. En espérant qu’il le puisse…
Il sortit une heure après le départ de Geneviève. C’était
une belle journée ensoleillée qui laissait présager les beaux jours à venir. Il
ferma les yeux et inspira profondément l’air printanier, à la recherche de
bribes de calme et de sérénité dans le tourbillon de passions qui l’agitait.
Lorsqu’il les ouvrit, il vit Laurent Hoshmand stationné
devant sa porte. Il aurait juré qu’il n’y avait personne avant qu’il ne ferme
les yeux.
« Belle soirée, M. Gauss? »
Il n’avait jamais vraiment vu Hoshmand sourire, mais cette
fois, il arborait un air amusé, malicieux. Édouard n’avait pas envie de jouer
aux charades. Il demanda : « Qu’est-ce qui m’arrive?
— Quoi?
— Ne fais pas l’innocent. Je veux que ça arrête.
— Alors il faudra venir avec moi », répondit-il en
ouvrant la portière du côté passager.
« Pour aller où?
— Vous verrez bien… »
La présence, mais plus encore, l’attitude de Hoshmand
confirmaient ses soupçons. Il avait peut-être réussi à surprendre Aleksi au Den
mais manifestement, le jeune homme n’avait pas laissé Édouard avoir le dernier
mot. Même si le comment et le pourquoi demeuraient nébuleux, à tout le
moins le qui avait trouvé sa réponse…
Édouard prit place dans la voiture.
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