dimanche 31 janvier 2010

Le Noeud Gordien épisode 105

La chambre secrète, 4e partie
Karl avait perdu la notion du temps. Il s’était réveillé quelques fois pendant que Tricane peignait son corps mais son esprit demeurait embrumé; il se rendormait peu de temps après. Une fois, il fut réveillé par une Tricane qui frictionnait furieusement son flanc avec une guenille humide en maugréant qu’elle devait recommencer. Il se dit avec détachement qu’on l’avait peut-être drogué avant de sombrer à nouveau dans l’inconscience.
« Karl? Karl! Réveille-toi, Karl! »
Il ouvrit les yeux pour voir le visage souriant de Tricane à dix centimètres du sien. Encore groggy, il se releva. Les courants d’air traversant la pièce mal isolée l’avaient transi. Il demanda : « C’est fini?
— C’est fini, mais ça commence!
— Là, écoute-moi. Ça va faire le niaisage. Tu vas répondre à mes questions.
— Absolument, » dit Tricane comme s’il s’agissait d’une évidence. Elle versa une tasse d’eau d’une bouilloire chauffée par une flamme. « C’est mon médicament », dit-elle après en avoir bu une bonne lampée. « C’est le meilleur moment pour me poser tes questions.
Karl eut la pensée furtive de l’interroger à propos du médicament en question, mais il avait d’autres questions plus urgentes. Il pointa son torse encore couvert des caractères bouclés que Tricane y avait peint. « C’est quoi, ça?
— Ça, c’est une dernière assurance avant de commencer ta formation. Question de prévenir les accidents…
— Quelle assurance? Quels accidents?
— Je t’ai choisi parce que tu as toujours tenu ta parole. C’est la première qualité que nous recherchons.
— Choisi pour quoi, au juste?
— Je t’ai choisi pour t’enseigner les secrets que je connais…
— C’est-à-dire?
— D’abord, tu devras apprendre à te connaître. Puis les autres. Finalement le monde. Ensuite tu pourras tout changer : toi, les autres, le monde…
— Comment? Par magie? »
Tricane eut un petit rire doux qui ressemblait à celui d’un adulte devant un enfant qui lance une énormité à travers laquelle on discerne tout de même une perspicacité certaine. « C’est un peu plus compliqué que ça, mais oui, Karl, je vais faire de toi un magicien…  
Tobin haussa les sourcils. C’était une chose que se permettre de supposer une hypothèse nommément flyée. C’est autre chose que l’entendre être confirmée.
« Prouve-moi-le », dit-il posément en croisant les bras.
« Oh Karl, toutes les faveurs que je t’ai faites jadis, ne sont-elles pas preuves suffisantes?
— Je veux voir. 
— D’accord Thomas. Mets tes doigts dans la plaie. Tiens, tu veux savoir à quoi servait le body painting? Appelle Michou et parle-lui de ce qu’on vient de faire toi et moi. » Son téléphone était dans ses jeans.  « Je peux me rhabiller?
— Si tu veux ». Il enfila ses pantalons laborieusement avant de composer le numéro de Mitch. Il répondit immédiatement : il attendait à la lisière du Centre-sud pour reconduire Karl chez lui après sa rencontre avec Tricane.
« Mitch, c’est Karl...
— T’es prêt? Je viens te chercher? Karl? »
Karl était figé au bout du fil. À chaque fois qu’il tentait de formuler une phrase à propos de la chambre secrète, des symboles sur son torse, des prétentions de Tricane, les mots glissaient hors de sa tête; plus il cherchait à les rattraper, plus ils devenaient insaisissables. Il finit par dire à Mitch : « Tout va bien de mon bord. Je te rappelle, ok? ». Il raccrocha.
« Qu’est-ce que tu m’as fait? » Tricane souriait largement. « C’est ça, mon assurance… Tu ne pourras pas partager tes apprentissages avec quiconque, pas même leur dire que tu ne peux pas en parler… À part avec ceux que tu as vus à ton initiation… »
Karl ne dit rien.
« À propos, maintenant que tu es vraiment des nôtres, tu es prêt à rencontrer Gordon. Il t’expliquera tout ce que tu dois savoir pour commencer ».
Tobin avait reçu quelques réponses, certes, mais combien de nouvelles questions avaient-elles soulevées? 

jeudi 28 janvier 2010

Pensée du jour

Un misanthrope, c'est quelqu'un qui se désole que les autres ne soient pas mieux que lui.

(P.S.: j'ai remarqué, non sans sourire, que la citation que je vous ai offerte le 21 janvier avait déjà figuré dans ce blog. Cycle de la vie, hein?!?)

mercredi 27 janvier 2010

Les sondages et les médias

Voici une petite bande dessinée d'une série que j'adore sur le thème des études supérieures qui s'appelle PhD (... mais dans le sens de Piled Higher and Deeper!). Un petit rappel aux médias qui devraient la lire avant chaque période électorale!

lundi 25 janvier 2010

dimanche 24 janvier 2010

Le Noeud Gordien épisode 104

Épisode 104 : La chambre secrète, 3e partie
« Une faveur pour une vie, trois pour un secret… Ta vie est à moi. Tu veux vivre, Karl?
— Oui », répondit-il posément. Il avait la bouche sèche. Son corps était tendu comme s’il était prêt à bondir sachant qu’il ne le pourrait pas, alourdi par sa jambe mais surtout bloqué par la lame sur sa gorge.
« Je vais t’épargner », dit-elle en déposant son couteau à côté de Tobin. « Mais souviens-toi que… hurk! »
Dès que la lame avait été éloignée, la main de Karl s’était élancée comme un cobra vers la gorge de Tricane.
« C’EST QUOI TON HOSTIE DE PROBLÈME?!? » Tobin se redressa sans desserrer l’étau de sa main. Elle râla quelque chose d’inintelligible en se débattant. Elle se mit à frapper le bras qui la soulevait presque : elle avait été prise par surprise, l’air lui manquait presque. Tobin la laissa respirer un coup, prêt à lui broyer la trachée au moindre geste suspect.
« Ri… tu… el…
— Ri quoi?
— C’est… le rituel », répondit-elle en haletant. « Oh », dit Tobin. Il desserra la main sans lâcher sa gorge. Après les cérémonies-surprises, les toges, les lauriers, les bâtons, les faveurs échangées et les sociétés secrètes, l’explication semblait étrangement plausible. « Vous n’êtes pas forts sur les explications avant les choses, hein? » Tricane lui fit un sourire forcé. « C’est la tradition…
— Mais la tradition de quoi, bordel?
— La tradition du bordel, hehehe… Calmons-toi, et écoute-nous. Euh non, dans l’autre sens. Bref, écoute, ok? » Karl fit oui de la tête. Il lâcha la gorge de Tricane mais il posa tout de même sa main sur la poignée du couteau. Il se sentait déjà moins nu. Tricane soupira.
« Tu m’as si bien suivi jusqu’à présent, je m’attendais à ce que tu continues encore pour les quelques pas qui restaient… Avant de commencer sa formation, l’élève doit comprendre qu’il ne vit que par la bonne volonté de son maître. Une faveur pour une vie… En ne prenant pas ta vie, tu as une dette envers moi, une dette qui ne sera annulée qu’au moment où tu auras complété, heu, cette étape de ta formation.
Cette étape? Et la suite?
— D’abord il y a le blanc, le noviciat. Après il y a le pourpre; tu peux chercher l’anneau, le bâton, la coupe et l’épée. Ensuite, il y a le laurier…
— Je comprends fuck all.
Fuck all, fuck all en effet. Un dernier bout et tu as tes réponses.
— Un bout de quoi? Quoi encore?
— Mais de calligraphie et de body painting, mon chou. Tu aimes le body painting?
— Sur des filles, ouais… » Tricane fit un sourire amusé. Tobin avait d’abord pensé que c’était l’une des digressions typiques à Tricane avant de comprendre que c’était de son corps dont il était question. Il leva les yeux au ciel. « Fais-toi plaisir », dit-il sans cacher son exaspération. « C’est ok si je garde le couteau? » Tricane haussa les épaules. « Couche-toi sur la table et profite de la vie. Ça va prendre un petit moment ».
Tricane prit un pinceau et un pot d’une substance noirâtre et épaisse qui évoquait le goudron. Tricane se mit à peindre avec application le même genre de symboles bouclés qui recouvraient l’ardoise. Karl s’accrochait au fait que Tricane avait parlé d’un dernier rituel. Peut-être qu’il finirait par avoir des réponses plutôt que voir les questions s’accumuler pratiquement de minutes en minutes…
Le rythme du glissement du pinceau froid sur son corps nu devint hypnotique. La substance puait les herbes pourries. Karl sombra progressivement dans l’engourdissement du sommeil en pensant comment l’idée de profiter de la vie dans ces circonstances était ironique.

jeudi 21 janvier 2010

Le cycle de la vie...

By the time a man realizes that maybe his father was right, he usually has a son who thinks he's wrong.
  - Charles Wadsworth

mardi 19 janvier 2010

Un génie génial

Ce site offre... un génie! On pense à un personnage et Akinator nous pose des questions jusqu'à ce qu'il découvre la bonne personne. Assez impressionnant comme engin! À essayer!

lundi 18 janvier 2010

Dexter

J'avais lu qu'il existait une série TV à propos d'un tueur en série... travaillant pour la police. J'étais resté un peu perplexe sur le coup. Lorsque j'en ai eu l'occasion, je l'ai essayée et je n'ai pas été déçu. 


La série "Dexter" met en vedette Michael C. Hall qui s'était fait remarquer dans l'excellente série Six Feet Under (6 pieds sous terre). J'avoue ne pas avoir été séduit d'entrée de jeu, mais mon appréciation est allée en augmentant d'épisode en épisode et de saison en saison. On finit par être attaché à presque tous les personnages et on veut savoir la fin de l'histoire! 


Contrairement à bien d'autres séries américaines, chaque saison forme une histoire suivie avec un très faible taux de remplissage (i.e. des épisodes sans impact notable sur la trame de la saison au complet). Les saison sont relativement courtes à raison de 12 épisodes seulement... les choses avancent! 


C'était risqué d'axer une série sur un tueur... Comment s'identifier à lui ou le trouver sympathique? Le Code d'Harry fait que les créateurs de Dexter marchent la corde raide avec brio. Je n'en dis pas plus: tapez-vous les quatre saisons (et la cinquième lorsqu'elle sera diffusée)... Vous ne le regretterez pas. C'est du bonbon télévisuel.

dimanche 17 janvier 2010

Le Noeud Gordien épisode 103

La chambre secrète, 2e partie
La pièce était spacieuse, trop pour cadrer avec la structure extérieure de la maison ou des édifices adjacents. Elle dessinait un grand rectangle de vingt mètres par douze, sans fenêtre ni autre porte que celle par laquelle Tobin était entré, suivi de près par Tricane.
Une pléthore d’objets hétéroclites remplissait la pièce, littéralement de mur à mur. Il fallait un effort à l’œil pour discerner les éléments de ce fatras : un aquarium aux parois couvertes de gros champignons gris et plats; le squelette de quelque rongeur sur un socle, tenu en place par du fil de fer; une ardoise blanchie de symboles ondulants et incompréhensibles; un bac à jardinage où étaient fichés une demi-douzaine de tournevis rouillés espacés régulièrement; dans un coin, un tas de coussins sales et dépareillés disposés à la manière d’un lit de fortune; un fusil à pompe au canon enfoncé dans un tas de débris métalliques et de guenilles; partout, des bouteilles, des fioles, des sacs, des poches, des coffres contenant dieu sait quoi. Une grande table antique trônait au milieu de la pièce, la seule chose propre et découverte dans ce capharnaüm. Tobin nota distraitement qu’un arôme de patchouli masquait toutes les autres odeurs.
Derrière lui, Tricane dit : « Déshabille-toi ».
Karl haussa les sourcils en se retournant, son mouvement ralenti par sa jambe – sa blessure ne se laissait jamais oublier longtemps. Mais Tricane semblait parfaitement sérieuse. Et lucide.
Son attitude avait radicalement changé depuis la cérémonie… Elle s’habillait comme un arbre de Noël – c’était quand même une nette amélioration par rapport à ses habituelles guenilles puantes – mais surtout, ses discours étaient beaucoup moins confus, à un point tel qu’elle paraissait pratiquement normale. Que s’était-il passé? Elle avait soigneusement esquivé toutes les questions de Karl, autant relatives à l’amélioration de sa santé mentale qu’à propos de la cérémonie à laquelle il avait assisté. Pour les unes comme les autres, elle se contentait de dire « lorsque le temps sera venu, tu auras toutes tes réponses! »
L’instinct de Karl lui disait que le temps était venu.
Il n’était pas le plus pudique des hommes; il se déshabilla sans gêne, quoiqu’au prix de quelques efforts – il lui était difficile de retirer ses pantalons en raison de sa blessure, mais sa routine devenait bien rodée. Il lui suffit de s’asseoir sur la table et d’utiliser une caisse de bois afin de supporter sa jambe pour se déchausser et enlever ses jeans.
Il se releva en s’appuyant sur sa canne. Tricane le lorgna de haut en bas avec un sourire coquin.
« Couche-toi là », dit-elle en pointant la table. Il obtempéra sans hésiter. Tricane fit quelques pas pour se positionner derrière sa tête.
« Tu es prêt à me suivre, Karl? Tu es prêt à me faire confiance? Tu es prêt à avoir la réponse à tes questions?
— Oui. » Et c’était vrai. À chacun des pas qui l’avaient conduit jusqu’ici, il avait douté… douté de Tricane, de sa santé mentale, de sa capacité à tenir sa parole… Mais cette fois, il était déterminé à aller jusqu’au bout. N’avait-elle pas mentionné qu’elle pourrait peut-être guérir sa jambe?
Karl Tobin sentit la froideur d’une lame de métal se poser sur sa gorge.
« Une faveur pour une vie », dit Tricane posément. L’adrénaline galvanisa le corps de Tobin. Toute la scène prit un air irréel. Il ne bougea pas; la lame lui paraissait affutée comme un rasoir.
« Ta vie est à moi, Karl Tobin ». Il retint son souffle. Il ne s’était jamais senti aussi impuissant de toute sa vie.

lundi 11 janvier 2010

Retour au jeu!

Après une semaine de vacances bien méritées - j'ai réussi à finir mes corrections en 2009, mais c'était juste - je replonge maintenant dans une nouvelle session. Je donne deux sections du même cours à l'hiver, celui que j'ai donné le plus souvent, qui plus est. Comparativement aux cinq dont j'avais la charge cet automne, je me sens presque en congé! Évidemment, je n'utiliserai pas les heures libérées pour contempler mon nombril ou le problème de l'être en tant qu'être. Dès ce matin, j'ai replongé dans Mythologies.
Mon objectif d'ici la fin des classes: avoir accouché d'une version revue et corrigée des quelque 160 pages que j'ai écrites à ce jour. C'est un travail d'orfèvre qui est cependant nécessaire pour en arriver à une version finale où je ne changerais plus rien...
Le premier tiers est déjà plutôt solide - c'est là que ma matinée est passée, à changer tantôt une virgule, tantôt un mot, souvent en modifiant subtilement une phrase pour qu'elle s'harmonise avec des éléments du récit que je n'avais pas écrits à ma dernière révision. Les deux autres m'effraient un peu, dans la mesure où j'en suis encore aux premières versions. Ici, ça n'est pas un travail de révision dont il sera question, mais bel et bien de réécriture. C'est beaucoup de travail, mais c'est vraiment satisfaisant de voir la trame se resserrer graduellement jusqu'à ce qu'elle prenne une version à peu près définitive...
Je compte aussi passer un peu plus de temps sur ce blog. Durant l'automne, à peu de choses près, il ne servait qu'à publier le Noeud Gordien. J'oscille depuis toujours entre lui laisser sa vocation axée sur mon travail d'écriture et me permettre d'y intégrer des réflexions, des liens, bref d'en faire un blog plus personnel. Stay tuned, nous verrons bien ce que ça donne!

dimanche 10 janvier 2010

Le Noeud Gordien épisode 102

La chambre secrète, 1re partie
C'est sérieusement fucké, pensait Karl Tobin alors qu’il traversait en boitant le seuil de la pièce secrète de la maison de Tricane.
L’existence de cette pièce expliquait pourquoi Tricane semblait apparaître de nulle part lorsqu’il la visitait au second étage de sa maison abandonnée du Centre-sud. En se la représentant de l’extérieur, Tobin ne parvenait pas à situer la position exacte de la pièce – le passage secret traversait le mur extérieur de l’édifice. Il joignait sans doute la maison à sa voisine partageant la même façade comme toutes les constructions du quartier. C’était l’explication la plus logique… Quoiqu’il fallait admettre que depuis qu’il côtoyait ses nouveaux « amis », la notion de logique avait perdu son statut définitif et incontournable…
De deux choses l’une : Tricane, Gordon et les autres étaient des escrocs incroyablement culottés qui mettaient à profit leurs talents de mentalistes, de prestidigitateurs, d’hypnotiseurs et quoi d’autre encore pour s’enrichir aux dépends d’autres escrocs plus crédules… Mais Karl Tobin ou l’ex-Conseiller désormais caïd Jean Smith – présent à l’étrange cérémonie d’initiation – auraient été à l’opposé de cette description. Par ailleurs, Tricane demeurait dans sa vie de façon périphérique mais constante depuis presque cinq ans maintenant et elle n’avait jamais même essayé de lui soutirer un dollar…
Mais Karl Tobin, ou Jean Smith - qu’il avait été surpris de voir à la cérémonie –, pris pour des poissons? Cette hypothèse ne tenait pas la route.
La seconde hypothèse était carrément invraisemblable mais paradoxalement la seule qui tint la route. Tricane et ses comparses utilisaient mille et un euphémismes pour désigner la société dont il faisait maintenant partie… Nos traditionsCet art que nous pratiquonsLes nôtres. Un mot autrement plus précis s’imposait à l’esprit de Karl, un terme auquel il ne pouvait penser sans ressentir une intense vague d’autodérision…
Je me suis fait recruter par un cercle de sorciers.
C’était la meilleure explication qu’il avait trouvée pour expliquer la somme des improbabilités dont il avait été témoin depuis qu’il échangeait des faveurs avec Tricane.
Un mois après leur rencontre où elle lui avait dit qu’elle le débarrasserait de sa « sirène », Karl était revenu à la maison pour la trouver plus calme qu’il ne l’avait vue depuis des années, ses valises faites, leur bébé dans ses bras. Elle lui avait expliqué qu’elle préférait mettre fin à leur relation plutôt que laisser leur garçon grandir dans l’atmosphère tendue et négative qui imprégnait déjà leur quotidien avant sa naissance. Elle lui avait demandé posément de respecter son choix pour le bien de leur fils, au nom de l’amour qu’ils avaient partagé jadis.
Respecter son choix! Ah! Il l’aurait dumpée sans ménagement deux ans auparavant si ses contraceptifs n’avaient pas défailli! Il l’aurait foutue dehors encore plus tôt si elle n’avait pas juré sur le ton de la menace qu’elle mourrait plutôt que vivre sans lui!
Le lendemain de son départ - et de la célébration qui s’était ensuivie – la clocharde l’avait abordé au détour d’une ruelle, caquetante mais fière sous ses haillons, réclamant la faveur qu’il lui devait en retour… Elle lui avait demandé de chasser un essaim de squatters qui logeaient dans ce qui deviendrait son repère du Centre-sud. Il lui avait demandé des explications, bien entendu; elle avait vomi un fouillis sans queue ni tête impliquant entre autres les pharaons d’Égypte et le cours du Dow Jones. Tobin n’avait pas insisté : les résultats étaient là, c’est ce qui comptait.
Depuis, ils s’étaient échangé quelques faveurs; la plus importante avait sans contredit été la dernière qu’il avait demandée. Ici encore, elle avait su – Dieu sait comment – livrer la marchandise. Lev Lytvyn était mort, théoriquement de cause naturelle.
S’il n’avait pas affaire à une sorcière, peut-être qu’une troisième hypothèse était en cause… Était-il en train de perdre la tête, happé dans la folie pour avoir souscrit à celle d’une vieille sénile?
Aujourd’hui, Karl Tobin franchissait pour la première fois le seuil du laboratoire de Tricane et ce qu’il y voyait appuyait au moins autant la deuxième hypothèse que la troisième.