Édouard avait enfin eu le luxe
d’une nuit confortable, mais le répit avait été de courte durée. La sonnette
d’entrée le réveilla. Il ouvrit, les yeux plissés, pour découvrir Félicia, un
gros café dans chaque main.
Pendant qu’elle entrait, Ozzy se
faufila par la porte ouverte. Il se posa sur la tête d'Édouard en croassant. Ce
dernier pouvait deviner des reproches dans les craillements de son familier,
mais aussi le soulagement de le retrouver. Ozzy devait avoir été désorienté de
le sentir disparaître de son radar…
La scène laissa Félicia pour le
moins stupéfaite. Édouard prit la corneille sur son poing et fit les
présentations de mise avant de lui demander ce qui l’amenait chez lui de si bon
matin.
« J’ai parlé à Gordon tout de
suite après t’avoir laissé chez toi, hier…
— C’est à croire que tu ne dors
jamais!
— Dormir? Jamais de la vie. Je ne
pouvais pas arrêter de penser à… tout cela. Les passages d’un Cercle à l’autre.
Les menaces du gars dans les tunnels... Celui qui nous a expulsés en claquant
des doigts… »
Édouard, lui, avait été trop
épuisé pour entretenir une réflexion sur quoi que ce soit. « Un instant!
Comment as-tu expliqué tout cela à Gordon? Lui as-tu parlé de… heu, toi et moi?
— Je n’avais pas le choix…
— Tu avais dit qu’il ne fallait
pas que ça se sache!
— Ce qui s’est passé dans les
tunnels est trop important pour mêler ça à des mensonges…
— Quand même…
— J’aurais préféré garder le
secret, mais ce n’était qu’une question de temps : les Maîtres sont bons pour
se mêler de ce qui ne les regarde pas… D’ailleurs, Gordon n’a pas semblé très
surpris…
— Si Avramopoulos décide de m’en
faire baver un coup… »
— Tu vas survivre, j’en suis
certaine.
— Alors, j’imagine que ça fait de
nous, officiellement… un couple? » Il agrippa les pans de son imperméable pour
l’attirer jusqu’à lui. Ils s’embrassèrent tendrement. Il ne l’avait pas
approchée durant toute leur escapade en Argentine… Avec la nausée et la
mauvaise haleine, il avait préféré garder ses distances.
« Un couple? » Elle sourit. «
Oui, j’imagine… » Elle le tira jusqu’à ses lèvres à son tour, les mains posées
sur ses fesses. Geneviève ne l’avait jamais tripoté ainsi. Le contact lui
plaisait beaucoup. Elle poussa un soupir qui contrastait avec ses yeux pleins
d’étoiles. « Ça ferait changement, pour une fois, une affaire qui ne soit pas
trop compliquée… »
Pour une fois? Édouard décida de
garder ses questions pour un autre jour… Elle était si jolie, elle sentait si
bon, sa peau était si douce… Comment avait-il fait pour cesser de l’embrasser,
ne serait-ce qu’une minute?
Édouard s’avança à nouveau… Mais
Ozzy vint s’interposer entre eux, les ailes battantes. Félicia poussa un petit
cri de surprise qui amusa Édouard. « Il est jaloux, on dirait! » Félicia, elle,
n’avait pas envie de rire : elle avait la terreur peinte sur le visage. « Ozzy!
Ça suffit! »
L’oiseau alla se percher sur le
réfrigérateur. Il croassa trois fois, les yeux braqués sur Félicia. Édouard
voulut la prendre dans ses bras, mais elle le tint à distance. « Va falloir y
aller…
— Aller où?
— Gordon a convoqué tout le monde
pour un concile… Une rencontre au sommet. À peu de choses près, on vient de se
faire déclarer la guerre… Et j’ai peur de ce que ça implique. »
Édouard fut complètement refroidi
à son tour.
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