dimanche 11 octobre 2009

Noeud Gordien épisode 91

Épisode 91 : Nouveau venu

« Goudron, franchement… C’est ça ton tough guy? »

Les motards de La détente pouvaient être séparés en deux catégories : ceux qui connaissaient Mike Katzko personnellement et ceux qui ne le connaissaient que de réputation.

Maintenant que Katzko se trouvait en personne devant eux, ceux qui composaient la seconde catégorie le lorgnaient avec incrédulité. Comment réconcilier sa réputation de tueur sans remord, de batailleur aguerri, de casse-gueule professionnel avec son corps maigre, ses grosses lunettes démodées, sa chemise à carreaux? On aurait dit l’un de ces adolescents maladroits et impopulaire, ou peut-être un nerd adulte. Ceux qui ne connaissaient pas Katzko fronçaient les sourcils et montraient leur incrédulité, leur pensée parfaitement résumée par celui qui avait parlé.

Ceux qui connaissaient personnellement Katzko souriaient, complice : ils savaient très bien comment la scène se terminerait. Déjà, Katzko avait fait un pas en direction du commentateur. Goudron le retint néanmoins. « Si quelqu’un a un problème avec le fait que Mike travaille avec nous autres, il n’a qu’à le dire ».

Jésus Crisse fit un pas en avant. La tour de chair et de muscles dépassait d’une tête tous les autres gangsters sur les lieux – certains déjà imposants. « Moi, j’ai un problème.

— T’as un problème, hein? » Katzko tenta de se libérer de la poigne de Goudron. Le chef savait qu’il retiendrait pas longtemps le nouveau venu, mais ça n’était pas son plan : il lança plutôt : « On tasse les meubles! Mike contre Jésus! »

Tous les motards crièrent leur approbation. Les paris furent ouverts durant l’aménagement de l’espace de combat; chaque parti était convaincu d’avoir une affaire sûre.

Il ne fallut pas plus que trois minutes pour que le chétif Katzko se retrouve torse nu au centre du ring face à l’imposant Jésus. Goudron prit le rôle de l’arbitre. « Pas de coups aux yeux, pas de coups aux gosses, et Mike : c’est pas un combat à mort! »

Tous éclatèrent de rire – tous sauf les combattants. Goudron donna le signal : « GO! »

Jésus s’élança sur Mike; il le saisit au prix d’un coup de poing sur la mâchoire. Le géant pensait déjà avoir gagné en l’immobilisant, mais c’était sans compter l’opiniâtreté de Katzko. Il se débattit comme un démon, forçant dans une direction puis une autre; en peu de temps, il dégagea suffisamment un bras pour pouvoir frapper. Et il frappa.

Jésus Crisse reçut une douzaine de coups à l’abdomen en quatre secondes. L’emprise du colosse se desserra imperceptiblement, mais assez pour permettre à son adversaire de dégager son deuxième bras. Instinctivement, Katzko abattit ses deux poings sur les biceps de Jésus qui, surpris, lâcha prise. Katzko sauta sur lui en s’agrippant à son cou avec l’agilité d’un singe. Il banda tout son corps à la manière d’un ressort et lui administra un magistral coup de coude au visage.

Jésus Crisse s’écroula comme une tonne de briques. Des cris fusèrent de toutes parts, des billets changèrent de main : le combat était fini, la réputation de Katzko était confirmée.

Jésus se releva dans la minute. Les conversations se turent. La montagne humaine s’avança jusqu’à Katzko qui l’attendait, nonchalant en apparence mais prêt à bondir.

Mais Jésus était impressionné au même titre que tous ceux qui, quelques minutes auparavant, avaient été perplexes. Il lui claqua l’épaule amicalement en lui disant : « Je te paye un cognac!

— Double! » répondit Katzko.

La détente au grand complet éclata de rire. Le nouveau venu était maintenant l’un des leurs.

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