dimanche 21 juillet 2013

Le Noeud Gordien, épisode 279 : FAQ, 1re partie

Lorsqu’Édouard arriva devant le terrain sous lequel Gordon avait caché son laboratoire, il trouva l’accès cadenassé. Il s’y était à moitié attendu, mais cette fois, il était prêt : il portait des espadrilles et des vêtements souples. Il s’attaqua au grillage sans hésiter. La noirceur ne facilitait pas la tâche, mais au prix de quelques efforts, il se trouva l’autre côté. Une corneille passa au-dessus de sa tête – Ozzy n’était pas loin, mais ça n’était pas lui.
Comme il l’avait craint, la trappe marquée d’un G estompé était verrouillée elle aussi. Il frappa à quelques reprises, mais personne ne vint. Il soupira. Gordon n’avait pas donné suite à ses appels, mais Édouard avait besoin de lui parler. Ne sachant trop que faire, il tourna en rond comme un animal en cage... À vrai dire, il n’était pas trop pressé de reprendre ses acrobaties.
Il décida de risquer sa chance et d’attendre Gordon, au cas où. Il en profita pour réécouter la réunion de l’avant-veille, là où il avait appris qu’Avramopoulos s’apprêtait à quitter La Cité en emportant sa troupe avec lui. L’enregistrement ne fit rien pour le rasséréner. Si seulement Gordon était là, il pourrait l’éclairer sur la suite…
La nuit fraîche était en voie de devenir carrément froide; à ce rythme, il n’allait pas pouvoir rester encore longtemps. Il fit quelques fois le tour du terrain en soufflant dans ses mains. Lorsqu’il entendit un bruit métallique, il plongea derrière un tas de débris.
« Édouard? Tu es là? » C’était la voix de Gordon.
Édouard sortit de sa cachette. « Comment as-tu su que c’était moi?
— Trois faveurs pour un secret », répondit-il en allant à sa rencontre.
C’est à ce moment précis qu’Ozzy vint se poser sur l’épaule d’Édouard. « Te voilà, toi! »
Gordon figea.
« C’est Ozzy! Dis bonjour à Gordon! » L’oiseau répondit par son manège habituel : il se trémoussa en poussant une série de An! An! An!
« On dirait qu’il te comprend.
— C’est plus que ça. Une sorte de… Je ne sais pas, un lien.
— Entrons », dit Gordon, perplexe. « Nous serons plus à l’aise en bas. »
Édouard descendit; Ozzy s’envola. « Il est un peu claustrophobe », précisa-t-il. « Il va nous attendre dehors. »
Ils s’installèrent dans le laboratoire. « Dans quelles circonstances as-tu… rencontré ton oiseau? »
Édouard lui raconta son temps au chalet des Sutton et l’intuition qui l’avait conduit dans les bois, directement vers l’oisillon. Gordon laissa paraître son étonnement face à son histoire, particulièrement lorsqu’Édouard lui révéla qu’il pouvait, avec un effort minime, deviner dans quelle direction Ozzy se trouvait.
« Je t’ai expliqué l’origine de nos traditions lors de notre dernière rencontre », dit Gordon. « Tu sais que nous sommes les héritiers d’une sagesse millénaire…
— Même si vos formules ne fonctionnent facilement que depuis le début du vingtième siècle.
— Précisément. Nos traditions s’ancrent dans la nuit des temps, mais nous ne disposons pas de chronique de nos prédécesseurs, tout au plus des contes et des légendes à propos des prouesses des anciens. Il nous est difficile de discerner les faits des fables, mais il existe bon nombre d’histoires à propos d’initiés qui, très tôt dans leur formation, se liaient avec un animal…
— Un peu comme les familiers des sorcières traditionnelles?
— Oui. Quelque chose comme cela.
— J’avais deviné qu’il s’agissait de quelque chose comme ça. Je tiens beaucoup à Ozzy, alors j’ai dissimulé son existence à Avramopoulos… Il serait capable de s’en servir contre moi.
— Tu n’as pas tort. Mais pourquoi me le révéler à moi?
— Parce que je te fais confiance. » Après un instant, il demanda : « Est-ce que je me trompe, ou Ozzy t’a surpris?
— Oh, je suis surpris. À ma connaissance, aucun praticien contemporain n’a développé spontanément un tel lien.
— Pourquoi moi?
— Je ne saurais dire. Je crois que l’explication se trouve dans la vitesse de ta progression. C’est du jamais-vu de mémoire de Maître. » Le visage de Gordon s’illumina. « Bon sang! Tu dis que tu peux savoir où se trouve ton oiseau?
— Oui.
— Cela nous permettra d’avancer de beaucoup la réalisation de notre projet… »
Édouard avait eu la même réflexion : son lien avec Ozzy représentait une manière de démontrer hors de tout doute l’existence de perceptions extrasensorielles. « À propos… C’est la raison pourquoi il fallait que je te parle. Il y a un problème pour la suite des choses.
— Que se passe-t-il?
— Avramopoulos veut m’avoir avec lui lorsqu’il s’en ira.
— Il s’en va? Où?
— Tu ne le savais pas?
— Non!
— Pourtant, il a affirmé en avoir discuté avec toi… Il a décrété que tout notre petit groupe déménageait à Tanger.
— Il vous a menti. Il ne m’a rien mentionné de tel.
— Peu importe… S’il part au Maroc, est-ce qu’il y a un moyen que je reste derrière? Ma famille a besoin de moi… Je ne peux pas quitter La Cité!
— Laisse-moi réfléchir un instant… »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire