dimanche 17 novembre 2013

Le Noeud Gordien, épisode 296 : Contrat, 1re partie

Gianfranco Espinosa sortit de sa rencontre hebdomadaire avec Mélanie Tremblay avec l’impression que les choses allaient pour le mieux. Elle s’était montrée hésitante quant à sa position de leadership durant les premiers mois, mais c’était avant qu’ils aient trouvé ensemble la direction à donner à l’ex-organisation Lytvyn. Ils s’étaient attelés à la tâche de la couper une fois pour toutes de sa rue native. Si Mélanie était peu encline à faire fortune grâce au sexe ou à la drogue, elle était sans pareille pour le blanchiment d’argent ou le trafic d’influence. Le jour où il pourrait lui passer une fois pour toutes les rênes de son organisation approchait de plus en plus. Il lui tardait de quitter cette ville où un simple moment d’inattention pouvait créer un contrecoup capable de démolir un hôtel centenaire… Maintenant que Gordon lui avait offert son anneau, plus rien ne le retenait ici. Il pourrait continuer ses études avec un nouveau Maître, et ainsi se rapprocher de la réalisation du Grand Œuvre. Il ne lui restait que quelques dossiers à boucler et…
« Hey, as-tu du change, man? », demanda une voix derrière lui alors qu’il approchait de sa voiture, garée sur la cinquième rue. Le ton et l’accent étaient familiers… Il se retourna pour trouver Eleftherios Avramopoulos, adossé contre un mur de béton.
« Tu n’es pas supposé être au Maroc? », demanda Espinosa.
«  Les plans ont changé », dit l’homme d’un ton qui n’invitait pas la réplique. « Tu as une minute? »
Espinosa ne répondit pas, se contentant de lui tourner le dos en fouillant ses poches à la recherche de son trousseau de clé.
« Bon, bon. Tu ne veux pas me parler. D’accord. Contente-toi de m’écouter. J’ai une faveur à te demander. » Espinosa fit jouer la clé dans la serrure. Avramopoulos ajouta : « S’il te plaît. »
Espinosa interrompit son mouvement. Il n’avait pas le souvenir d’avoir déjà entendu Avramopoulos s’adresser à lui ainsi. « Je t’écoute », dit-il en se retournant. Il croisa les bras, dubitatif.
« J’ai une mission pour toi. Tu es l’homme le mieux placé pour l’accomplir. Enfin, à part Hoshmand, mais tu sais ce que je veux dire… »
Espinosa laissa le silence s’alourdir. « Tu sais où je veux en venir », conclut Avramopoulos après un moment.
« Je veux te l’entendre dire.
— Quelqu’un doit s’occuper de Tricane. Maintenant.
— Et pourquoi est-ce soudainement une urgence? Depuis le début de l’été qu’elle…
— C’est ton statut qui a changé. Pas elle.
— Quoi?
— Maintenant que tu n’es plus avec Gordon, il ne peut pas t’empêcher de prendre ce contrat…
— Gordon a déclaré Tricane anathème, comme tous les autres.
— Je connais Gordon mieux que toi. Acquiescer devant les autres, c’est une chose. Il n’aurait jamais laissé quelqu’un tenter quelque chose de définitif contre son ancienne protégée.
— Bref, tu as peur de t’occuper de Tricane. Tu voudrais que je fasse comme Hoshmand et que je prenne les coups à ta place...
— Veux-tu me faire cette faveur, oui ou non?
— Non. Il y a des choses qu’une simple faveur ne peut pas acheter. Tes problèmes ne sont pas mes problèmes », répondit-il en lui tournant le dos à nouveau. Il ouvrit la portière, décidé à le laisser se dépêtrer seul.
Il entendit Avramopoulos grogner derrière lui. « Attends. J’ai quelque chose que tu veux… »
Espinosa figea sur place. L’allusion était claire. Il se retourna, incrédule.
« Tu m’as bien compris. La tête de Tricane contre ton… engin. La farce a assez duré. »
Espinosa n’en crut pas ses oreilles. Il avait cessé de croire que ce jour viendrait. Mais l’offre valait-elle la peine de risquer son acuité, ou même sa vie?
« J’accepte. À une condition.
— Laquelle?
— Je veux être payé d’avance. »
Avramopoulos hésita un instant pendant lequel le cœur d’Espinosa menaça d’exploser. « Entendu », dit finalement Avramopoulos en tendant la main à Espinosa. Celui-ci hésita à son tour, après quoi il la lui serra à contrecœur.

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