Toc toc toc.
Asjen Van Haecht leva enfin le nez de son téléphone pour découvrir
l’origine du bruit. C’était Félicia qui rongeait son frein devant la façade du
quartier général, fatiguée par son vol intercontinental, affolée par l’arrestation
dont elle avait été témoin.
Il ouvrit la porte à
Félicia. Elle réprima sa folle envie d’engueuler le jeune homme. « C’est
encore toi qui surveille, hein?
— Ouais, toujours moi »,
dit-il sans détecter l’ironie. Il tint la porte pendant que Félicia manœuvrait
ses bagages par l’entrebâillement. « Tant qu’à perdre mes journées… J’ai
commencé à jouer à un excellent jeu. C’est… »
Elle s’en foutait
parfaitement. « Vous n’êtes pas au courant pour Gordon?
Asjen haussa les
épaules. « Je ne suis jamais au courant de rien, moi. » Elle le
laissa derrière avec ses valises et jogga jusqu’à l’ascenseur. Asjen, de son
côté, se contenta de baisser la tête et à retourner à ses petits jeux. Ce
garçon était vraiment inutile.
Le troisième étage
était quasiment vide. Durant son absence, quelqu’un avait eu l’idée, simple
mais géniale, de carreler tout un coin de la salle avec une série de tableaux
verts. Latour examinait avec un air pensif un enchevêtrement de formes géométriques
dessinées à la craie. Ce n’est que lorsqu’elle s’approcha qu’il réagit à sa
présence.
« Bonjour ma
petite dame! Comment avez-vous… » Puis, remarquant l’expression de
Félicia, la sienne changea du tout au tout. « Qu’y a-t-il donc?
— C’est Gordon. On l’a
arrêté à notre arrivée à La Cité.
—Arrêté? Mais pourquoi
donc?
— Production et trafic
de drogues.
— C’est absurde! Ce ne
peut être qu’une erreur!
— Absolument. Ou une
machination.
— Mais qui…
— Où sont les autres?
— Van Haecht et
Mandeville sont à leur hôtel. Olson est en mission chez nos nouveaux amis… Avramopoulos est je ne
sais où.
— Il faut appeler tout
le monde…
— Je m’en occupe. »
Après la mollesse d’Asjen,
la résolution de Latour était bienvenue. Le Maître disparut dans l’ascenseur,
laissant Félicia seule à faire les cent pas et à se rogner furieusement les
ongles. Elle avait envoyé des textos à Édouard dans le taxi. Elle avait beau
vérifier à toutes les cinq secondes, il ne lui répondait pas.
Elle se sentait
tellement impuissante… Les paroles de Gordon lui revenaient en tête. Tu vas devoir développer ton influence. Cette
instruction datait de quelques mois à peine, et elle avait été très occupée
depuis, mais elle s’en voulait de ne pas l’avoir prise au pied de la lettre, de
ne pas avoir cherché dès lors à attacher des ficelles qu’elle aurait pu tirer
maintenant… Les quelques leviers dont elle disposait déjà lui apparaissaient
inutiles dans les circonstances. Elle ne pouvait rien faire… Rien faire d’autre
qu’attendre et espérer que les autres soient mieux outillés.
Elle se força à s’arrêter,
à respirer un peu. À réfléchir.
Les accusations contre
Gordon étaient bien évidemment fabriquées de toutes pièces. Production et
trafic de drogues… Pourquoi pas terrorisme, tant qu’à y être? Une erreur?
Félicia n’y croyait pas. Quelqu’un était derrière l’arrestation de Gordon. Mais
qui? Qui s’opposait à Gordon sur à peu près tout? Qui pourrait vouloir lui
enlever sa voix au concile? Qui pouvait être mesquin à ce point?
Poser la question, c’était
y répondre.
« Avramopoulos. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire