dimanche 20 novembre 2011

Le Noeud Gordien, épisode 197 : Accusations, 1re partie

C’est avec une grande satisfaction qu’Eleftherios Avramopoulos se mit en marche vers le cœur du Centre-Sud, Hoshmand à sa droite et Polkinghorne à sa gauche.
Ils franchirent moins d’un kilomètre avant d’entrer au cœur de la zone radiesthésique. Ils avaient bien sûr désactivé leurs protections habituelles par craintes qu’elles se détraquent, mais Avramopoulos conservait quand même sa statuette dans sa poche, un filet de sûreté en cas d’imprévu – à condition qu’elle fonctionne normalement. Sinon, Hoshmand portait au creux de l’aisselle une protection d’un autre genre.
Apparemment, l’élève de Gordon qui n’avait pas daigné participer au dernier engagement de la Joute brisait les termes de la grande trêve. Elle disait aux gens leurs quatre vérités et en guérissant leurs petits maux; bref, elle jouait le même jeu que tous les illuminés, gourous et autres bonimenteurs de l’histoire. Pour cette raison, la brèche demeurait mineure, à une exception près : la réalité de ses pouvoirs. Si elle continuait sur sa lancée, elle aurait tôt fait d’attirer une notoriété qui l’obligerait à exposer ses secrets.
Gordon ne l’avait pas arrêtée, il ignorait donc la faute de son élève. C’est pourquoi Eleftherios jubilait intérieurement : en la disciplinant à la place de Gordon, il pouvait le blâmer de négligence. Un reproche légitime donne toujours un certain ascendant sur le blâmé; après sa triple défaite dans le cercle de Joute, c’était une petite victoire bienvenue pour Eleftherios.
Le Terminus avait dû être le moyeu du quartier à une autre époque : tous les chemins semblaient y mener. Par ailleurs, Avramopoulos remarqua que les environs étaient plus achalandés que les autres zones du Centre-Sud, pratiquement désertées. Il en fit une note mentale : peut-être que Hoshmand pourrait s’en servir de quelque manière pour réussir son défi.
Ils contournèrent la statue de bronze verdi qui reposait à côté de son socle pour rejoindre le bâtiment central. Hoshmand poussa la grande porte du Terminus d’un coup de pied. Les trois entrèrent d’un pas décidé.
Tricane s’y trouvait effectivement, assise en tailleur sur un dais. Des éléments de sa panoplie rituelle étaient disposés ici et là autour d’elle. Il ne lui manquait qu’un sari pour parfaire son image de gourou de pacotille.
Ce manque de respect flagrant pour leurs traditions mit Avramopoulos en rogne.
« Sortez », dit Tricane à la trentaine d’individus qui l’entouraient, facilitant du coup la suite des choses pour Avramopoulos et ses alliés. Tous se mirent en mouvement sans rouspéter ni poser de question; tous sauf un jeune homme au teint olivâtre des méditerranéens. « Toi aussi, Timothée », ajouta-t-elle. Il hésita un instant mais alla fermer la queue qui sortait du côté des quais, ses yeux toujours braqués sur Avramopoulos. Ce garçon était sans conséquence : il l’ignora jusqu’à ce qu’il ait fermé les portes derrière lui.
« Adepte, je t’accuse d’avoir brisé les termes de la grande trêve en pratiquant publiquement ce qui devrait demeurer caché. Qu’as-tu à dire contre ces accusations?
— J’exige que tu t’adresses à moi convenablement. »
Avramopoulos savait qu’il avait affaire à une femme à moitié folle; elle allait vite découvrir qu’il ne partageait pas la patience de Gordon. Il croisa les bras. « Qu’est-ce que cela signifie?
— Je ne suis plus une adepte… »
Il avait vu sa panoplie sans remarquer qu’elle était complète : elle portait l’anneau à son doigt, et une épée se trouvait aux côtés de la coupe et du bâton. Quand l’avait-elle obtenue?
« Je suis un maître, ceci est mon sanctuaire et nous ne sommes pas en trêve. Je vous accuse d’intrusion. » Elle se leva; la terre trembla légèrement mais significativement lorsque son pied toucha le sol. Le phénomène se reproduisit lorsqu’elle y déposa l’autre.
Polkinghorne fit un pas en arrière, effrayé; quoiqu’Avramopoulos ait conservé son sang-froid, il ne jubilait plus du tout.

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