dimanche 21 juin 2015

Le Noeud Gordien, épisode 375 : Soirée romantique

Édouard s’était laissé savonner sans trop de tonus. C’était dommage qu’il ne lui ait pas mentionné son état… Elle aurait pu lui préparer quelque chose pour le requinquer, mais sans son matériel ils allaient devoir se rabattre sur les pharmacies locales.
Il était encore un peu chancelant lorsqu’ils s’étaient rendus au restaurant… Elle craignait le pire au moment de commander, mais les premières bouchées redonnèrent à Édouard un fond d’énergie dont il avait bien besoin. On dit que l’appétit vient en mangeant; ce n’est jamais aussi vrai qu’au moment où l’anorexie induite par la nausée s’efface pour laisser place au retour en santé. Il dévora son repas en ralentissant seulement pour raconter à Félicia les détails de son aventure qu’il avait dû omettre au téléphone… Le symbole au grenier, le marché avec Hill… Et le réveil brutal au milieu des immondices.
« Il faut que tu me montres là où tu as repris connaissance.
— Maintenant? Là, là?
— Pourquoi pas? Tu as l’air en forme… » Il avait hésité avant d’acquiescer.
Ils se rendirent au quartier Berisso en taxi. Les rues du quartier étaient numérotées, comme dans La Cité; en moins de deux, ils se trouvèrent sur la route de terre battue qu’il avait suivis jusqu’à la ville. Ils marchèrent un moment, Édouard demeurant à l’affût du lieu précis où il avait rejoint le chemin. C’était difficile : le paysage n’offrait pas vraiment de points de repères permettant de différencier un bosquet d’un autre. « C’est ici, je crois », dit-il après un moment.
Le soleil couchant baignait le paysage d’une lueur dorée qui aurait été des plus romantiques, s’ils ne s’étaient pas trouvés aux abords d’un égout à ciel ouvert.
« C’est ici?
— Oui. Enfin, je crois », répondit Édouard, tout blême, une pile de papier-mouchoirs sous le nez.
L’eau fétide, boueuse, coulait paresseusement. Ça ne m’arriverait pas plus haut que la hanche. « Tu dis que le courant t’a emporté?
— Le débit était bien plus intense… 
— Beurk…
— Ouais. Imagine se réveiller là-dedans… » Il eut un frisson de révulsion. Félicia commença à croire que l’amener ici n’était pas une si bonne idée après tout. L’air fétide était aux limites de l’insupportable pour elle, qui était en santé… même en respirant par la bouche, elle avait l’impression de goûter la merde sur sa langue.
Ils marchèrent une minute ou deux en silence avant qu’Édouard s’exclame : « C’est ici! C’est ici que je suis sorti… L’échelle… Le journal… J’en suis certain.
« Je suggère qu’on remonte un peu plus loin, au cas où il y aurait un indice de ce qui s’est passé… »
Édouard se contenta de faire oui de la tête, le cœur au bord des lèvres.
Ils ne furent pas déçus : à une centaine de mètres en amont se trouvait une irrégularité flagrante au tracé de l’égout. Un trou rectangulaire de près de deux mètres béait sur la paroi, la partie du bas juste au-dessus du niveau de l’eau.
« On dirait qu’une taupe géante est sortie par ici, dit Félicia. Regarde : le bas du tunnel s’est affaissé. Penses-tu que Hill ait pu sortir par là et tomber dans… » Édouard fut secoué d’un haut-le-cœur. « Dans l’eau, disons. Ce qui a effacé le symbole sur ton bras. Mais cela n’explique pas le pourquoi du trou… » Édouard répondit par un grognement, les yeux vagues.
En se penchant au-dessus du trou, elle découvrit qu’il était plus profond qu’elle l’aurait cru.
« Aide-moi à descendre…
— Sérieusement? 
— Tu n’es pas curieux?
— L’énergie commence à me manquer…
— Allez, je vais faire ça vite. Donne-moi la main… »
Elle ne s’était pas trompée : il s’agissait moins d’un vulgaire trou que d’un tunnel qui se métamorphosait en un véritable couloir après quelques pas. Chose étrange : il était éclairé de façon diffuse, sans qu’aucune source de lumière ne soit visible.
« Édouard? Il faut que tu viennes voir ça…
Sérieusement? »

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