« Djo? Djo! Qu’est-ce qui se
passe? C’est quoi l’urgence? » Pendant que Mike Tobin s’efforçait de
communiquer avec son gars, Timothée et Martin s’empressaient d’enlever les
chaînes qui bloquaient la porte du Terminus. Le cliquetis des chaînes couvrait
cependant les réponses provenant de l’autre côté. Les gens du Terminus
s’approchèrent de la porte, aussi inquiets que lui, et pas moins avides d’en
apprendre davantage.
Djo était accompagné d’un homme qui
participait occasionnellement aux oraisons. « James! », s’exclama
Martin. « Qu’est-ce qui t’es arrivé? »
Le James en question semblait avoir
passé un mauvais quart d’heure. Il était à bout de souffle, le visage rouge et
couvert de sueur. Ses vêtements étaient maculés d’immondices encore humides; il
puait autant que s’il arrivait tout droit des égouts. Sa main gauche saignait
d’une éraflure assez profonde; il tenait contre sa poitrine un bidon à essence
qu’il étreignait comme un enfant son toutou.
Tobin demanda : « T’as
couru? T’as quelqu’un au cul?
— Je sais pas », dit James
entre deux inspirations haletantes. « Peut-être.
— Djo, va faire le tour de la place
avec Rem. Venez m’avertir si vous voyez quelque chose d’anormal.
— Mais qu’est-ce qui s’est
passé? », demanda Martin à nouveau.
À en juger par son expression, c’est
à ce moment précis que James réalisa qu’il était scruté par quelques dizaines de
personnes. Il bafouilla « Heu, Ok… Hum… », le visage encore plus
rouge qu’à son arrivée.
« Crache le morceau », somma
Tobin. « On n’a pas toute la soirée!
— Des gars. Quatre. Des mafiosos en
voiture. Je les ai vus battre une gang de junkies. Ils ont failli m’attraper et
faire pareil.
— Des mafiosos? Où ça? »
James pointa vers le nord-ouest.
« Dans ce coin-là, juste un peu plus loin. Ils m’ont dit qu’ils sont ici
pour faire un grand ménage… J’ai pensé qu’ils viendraient peut-être par
ici ensuite. » Les réactions furent vives dans le Terminus. Beaucoup des
fidèles de Madame squattaient dans les environs.
Timothée demanda : « C’est
qui, eux autres?
— Je ne sais pas », répondit
James.
— Est-ce qu’ils sont armés?
— Y’en a un avec un bat de baseball. Les autres, y…
— Évidemment qu’ils sont armés », coupa Tobin. « C’est pas
parce qu’ils ne les ont pas sortis qu’ils n’ont pas de guns. »
— Heu, moi, il faut que j’y
aille. », dit James. « Ma femme m’attend…
— Si tu veux y aller, tu peux
partir », dit Tobin. « Mais je ne serais pas surpris que tes quatre
gars ne soient pas les seuls dans le coin. »
James avala difficilement. « Je
pense que je vais rester encore un peu.
— En attendant, va te laver »,
proposa Martin. « Tu n’as qu’à prendre l’eau dans le baril des
toilettes. »
De son côté, Tobin inspira
profondément. « Bon. Qu’est-ce qu’on fait avec ça? », demanda-t-il à
Tim.
— Pour commencer, il faut consulter
Madame. Vous autres », dit-il en s’adressant aux fidèles, « attendez
ici. »
Comme toujours lorsqu’elle se
trouvait au Terminus, Madame était assise en tailleur dans la salle voisine.
Elle demeurait là, les yeux fermés, perdue dans sa tête. Il lui arrivait même
de dormir dans cette position; Mike n’aurait pas été capable de distinguer
sommeil et méditation si elle ne ronflait pas de temps à autre… Ils avaient
pour consigne de ne la déranger qu’en cas de force majeure. Tobin était d’avis
que la situation le justifiait.
« Madame? », chuchota
Timothée. « Nous avons besoin d’aide. Le vent tourne. Le mauvais temps
s’en vient. Pas la pluie, pas l’ouragan, non, pas encore. Mais le mauvais temps,
quand même. » Depuis le jour où une étincelle était apparue entre ses mains,
Tim était devenu un peu bizzare… Une étrangeté qui ressemblait à celle de
Tricane, au temps où elle tournait autour de son oncle Karl.
Elle ne réagit pas aux murmures de
Tim. « Christ, Tricane », dit Tobin, « c’est pas le temps de
dormir… Allô? » Il avança la main pour la secouer un peu. Juste avant
qu’il ne la touche, sa peau se mit à picoter, comme si l’air autour d’elle était
chargé d’électricité. Tricane ouvrit brusquement les yeux. « Les intrus s’approchent »,
dit-elle d’une voix calme.
« Qu’allez-vous faire? »,
demanda Timothée.
« Si j’agis, nous sommes tous
perdus », répondit-elle. « Ce sera la catastrophe.
— Ben là! », s’exclama
Tobin. « On ne va pas rester là à rien faire!
— Moi, je ne peux pas agir. Vous, vous pouvez. C’est à toi de
choisir, Timothée. Tu as ma pleine confiance. » Elle se tourna vers Tobin.
« Quoiqu’il arrive, coûte que coûte, vous
ne devez pas tirer en premier. Compris? » Tobin hocha la tête,
incertain. Tricane referma les paupières.
« Alright, Tim, c’est toi le
boss. Qu’est-ce qu’on fait avec ça?
— Laisse ton arme ici et viens avec
moi », répondit-il du tac au tac. Il attendit que Tobin dépose son
pistolet avant de retourner vers l’entrée.
Mike attendit qu’il sorte de la
pièce. Il reprit son arme et la fourra la poche droite de son manteau avant d’aller
rejoindre Tim.
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