jeudi 3 décembre 2009

Moi, hypnotiseur?

Eh ben oui.
Mes proches savent que je m'intéresse depuis un moment à l'hypnose. C'est généralement reçu avec une certaine incrédulité jusqu'à ce que j'en fasse une démonstration. Mes avancées dans le domaine sont encore récentes. En début de session, lorsque je présentais les questions soulevées par l'hypnose en relation avec ce qui allait devenir la psychanalyse, j'étais enchanté de démystifier la chose auprès de mes étudiants. Certains de mon groupe du mercredi m'avaient demandé si j'en ferais la démonstration. J'avais répondu sincèrement "J'en meurs d'envie". Ce commentaire n'était pas tombé dans l'oreille de sourds: on me l'a rappelé en fin de trimestre.
Hier, c'était le dernier cours dans cette section. J'avais vérifié la semaine précédente qu'aucune activité n'avait lieu dans la salle après mon cours. Une fois la chose conclue, j'ai invité les curieux et volontaires à rester pour assister à ma première tentative d'hypnose en public, avec de relatifs inconnus. J'étais stressé ce matin-là... Mais une fois sur place, j'étais confiant. Il devait y avoir entre soixante et quatre-vingt personnes dans l'assistance lorsque j'ai commencé.

J'ai offert quelques explications sur l'hypnose et ce qui allait se produire. J'ai souligné que ceux qui n'étaient pas là pour tenter le jeu ne couraient aucun danger d'être hypnotisés contre leur gré. Je misais plutôt sur le fait qu'entre 1 et 5% de la population était particulièrement sensible à la suggestion pour trouver quelques sujets chez qui se serait facile. Je ne me trompais pas.

J'ai commencé par une relaxation en mettant l'accent sur la respiration profonde et la détente graduelle du corps jusqu'aux extrémités. Déjà, je voyais des gens se laisser aller... Mais tout restait à faire. J'ai compté jusqu'à 10 pour approfondir la détente, puis j'en étais au moment de vérité: une première suggestion.

J'ai demandé à l'assistance de joindre leurs mains... leurs mains de plus en plus soudées... jusqu'à ce qu'il soit impossible de les décoller. J'ai ensuite demandé qu'on essaie de les séparer. Plusieurs l'ont fait sans peine mais beaucoup ont hésité quelques secondes avant de réussir. Oh joie, trois ou quatre ont été incapables de les séparer. On a ensuite attiré mon attention sur celle qui deviendrait mon premier sujet de démonstration. C. avait encore le bout des doigts collés à la fin de l'exercice. Elle avait mentionné être particulièrement sensible à l'hypnose... Elle ne mentait pas.

Je l'ai fait asseoir sur une chaise sur l'estrade. Durant l'exercice de mains collantes, j'avais dit qu'ils retourneraient dans la détente profonde lorsque je claquerais des doigts en disant "dors". Après avoir mentionné que c'était seulement à C. que je m'adressais - question de ne pas endormir les autres qui avaient bien répondu aux mains collantes -, j'ai donné le signal. *Immédiatement*, sa tête est tombée en avant et ses yeux se sont fermés. Le bout de ses doigts étaient encore collés. Ce simple moment a créé toute une réaction dans l'auditoire: on était surpris du caractère immédiat et total de la réponse à mon signal. J'ai décollé les doigts de C., mais j'ai profité de l'occasion pour lui dire qu'une fois réveillée, elle ne se souviendrait pas du chiffre quatre. 1-2-3-4-5 RÉVEILLE-TOI!
"On va faire des tests pour savoir si tu es encore hypnotisée", dis-je. "Quel est ton nom? J'enseigne quel cours?" Elle répond sans problème. "Compte jusqu'à 10".
"1-2-3-5-6-7-8-9-10."
Elle n'a pas remarqué qu'elle a sauté 4. "Compte sur tes doigts..."
"1-2-3-5-6-7-8-9-10... 11?"
Je ne la laisse pas confuse trop longtemps: je la rendors. Cette fois, ma suggestion est qu'elle se réveillera elle-même à tout point de vue et qu'elle expliquera ce qui s'est passé à l'assistance, mais qu'elle sera prise d'un bégaiement irrépressible. Je la réveille et elle commence son récit; le bégaiement est plutôt discret pour commencer mais il s'accentue rapidement. Je l'endors puis la réveille à nouveau, cette fois-ci en lui disant qu'elle va parler et agir comme une petite fille de 5-6 ans. Je la réveille et c'est effectivement ce qui se passe. Elle parle avec une candeur totale. Je lui fais dessiner une maison au tableau; le dessin ressemble beaucoup à ce qu'on peut s'attendre d'une fillette... une façade carrée, deux fenêtres à quatre carreaux et un joli arbre à côté, tout ça dessiné sans hésitation, avec naturel. Nous discutons de sa famille et ses toutous (dont son préféré qui mange ses cauchemars). Je la rendors ensuite. Je regrette de ne pas lui avoir fait écrire son nom: le résultat est généralement frappant... Les suggestions de retour à l'enfance sont parmi mes préférées! On voit que ça n'est pas une adulte qui joue à la petite fille, mais... une petite fille tout court, avec un naturel que des acteurs professionnels auraient de la difficulté à saisir. Je remercie C. et elle retourne dans l'auditoire.

C'est au tour de J-P. de monter sur l'estrade. Étant donné que la détente et l'induction d'origine sont plus éloignées (après tout ce temps passé avec C.) je ne suis plus certain de son état. Je fais donc le test: claquement des doigts et "DORS", et paf! C'est chose faite. Les choses continuent de bien aller.

Je commence ici encore par jouer sur sa mémoire. Je lui fais oublier son prénom en lui disant qu'il aura plutôt "Arnold" sur le bout de la langue. Une fois réveillé, il compte jusqu'à 10 sans problème, il sait quel cours j'enseigne, mais il est incapable de dire son nom. On le voit presque vocaliser "A..." à répétition sans qu'un son ne sorte. Je le rendors. Dans l'assistance, on demande comment cela se fait-il qu'il réagisse à mes consignes sans que ça ne soit le cas des gens qui pourraient être hypnotisés dans la salle... je rappelle que j'ai mentionné ne m'adresser qu'à lui. Pour démontrer la différence que ça fait, je déclare: "C., je m'adresse à toi maintenant. DORS!". Paf! Elle tombe sur son bureau sans hésiter. Je la réveille et reviens à J-P.

Je le transforme en candidat à Star Académie qui arrive en audition et qui ne se souvient pas de son numéro. Il vit tout ça comme s'il y était. Il mentionnera plus tard (et hors d'hypnose) qu'il ressentait vraiment le stress. Après cette scène, il continuait à avoir froid aux extrémités... Évidemment, dans son esprit, c'était vécu sincèrement! Je n'abuse cependant pas de son malaise. Je le rendors peu après. À la demande de l'auditoire, je lui fais raidir un bras que j'essaie de plier sans succès - sa chaise se déplace lorsque je force, mais son coude ne plie pas d'un millimètre. Je le réveille et essaie à nouveau. Sa chaise se déplace encore, mais le coude ne résiste pas cette fois.

On discute ensuite de l'idée de jouer un personnage bien connu et J-P. accepte de se prêter au jeu une dernière fois. On suggère Elvis. Tout de suite en le réveillant, il retourne son collet et agit vraiment comme le King (ici encore, avec une candeur désarmante et sans hésitation) devant un auditoire en liesse. Je le réveille et nous discutons de tout cela.

Suite à la démonstration, j'ai eu des commentaires de sceptiques qui sont maintenant convaincus... Effectivement, ils ont vu comment les sujets répondaient aux suggestions complètement, sans hésiter et sans jamais montrer le moindre signe de déconcentration ou de décrochage... Les gens dans la salle pouvaient rire, commenter, ceux qui étaient hypnotisés n'affichaient même pas un sourire en coin ou un regard complice. Le fait que ce soit des collègues du bac leur donne de bonnes raisons de penser qu'il ne s'agit pas de quelque manipulation orchestrée à des fins spectaculaires.

D'autres commentaires qui ont été soulevés à répétition... "Comment ça se fait que ça n'est pas plus populaire que ça?" En fait, moi aussi ça me mystifie. Ceux qui y étaient ont vu comment c'était simple d'hypnotiser - pas de magie, pas de gros secret, seulement quelques techniques et un peu d'expérience. Bien entendu, tous ne sont pas nécessairement aussi faciles à hypnotiser que les sujets de ma démonstration... mais quand même! C'est vraiment un monde à découvrir qui n'a rien d'ésotérique ni de compliqué (contrairement à ce qu'on pourrait penser).

Pour ma part, je suis vraiment content d'avoir eu l'occasion de tenter ma chance avec un auditoire. Oserai-je présenter un spectacle amateur d'hypnose à Laval en spectacles en 2011? À tout le moins, maintenant je sais que c'est possible!

6 commentaires:

  1. C'est très agréable d'avoir le point de vue de l'hypnotiseur, ça change! C'était une fin de cours assez spectaculaire.
    C.

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  2. Oui, très spectaculaire et intéressant! Ça restera gravé dans ma mémoire.
    Sarah

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  3. Ohhh comme j'aurais aimé être présente!! J'aurais aussi aimé voir si les élèves du groupe du mardi (les scientifiques) auraient été des candidats plus septique!
    Aurons-nous la chance de vous avoir une seconde fois comme enseignant ??
    Y. du groupe du mardi :(

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  4. Incroyable...tout ça est fort facinant...j'aurais bien aimé être un de ces "cobayes"....connaissez-vous des spécialistes qui hypnosent ceux qui le veulenet bien? Peut-être le fait vous...je sais que l'hypnose a des bienfaits relaxants suprenant...j'en aurais bien de besoin!!!
    N. du groupe du mardi

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  5. Patrice St-Louis, écrivain? Patrice St-Louis, hypnotiseur? Patrice St-Louis, intriguant! ;)
    À défaut d'avoir assisté à cette séance d'hypnose, lire le récit raconté par l'hypnotiseur lui-même fut captivant. Je ne connais pas vraiment ce sujet et je me souviens d'un chargé de cours de psychologie du jeudi soir particulièrement passionné d'hypnose (et autres!) qui nous a donné le goût d'en apprendre plus. Mais oui, Laval en spectacles 2011, pourquoi pas! Il n'y a pas un Laval en spectacles 2010?
    Sara Houle

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  6. J'étais sceptique. Je suis maintenant convaincu. Il suffisait de le voir pour le croire! J'ai bien envie de me plonger dans la lecture de ce livre..intriguant.

    FannyL.

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