dimanche 25 août 2013

Le Noeud Gordien, épisode 284 : Ménages, 3e partie

Aizalyasni avait déjà assisté à des cérémonies bouddhistes, musulmanes et chrétiennes, mais aucune d’elles ne lui avait semblé aussi vraie que celles auxquelles elle participait maintenant. Elle ne consistait pas à adresser des chapelets de prières à des figures aussi lointaines qu’indifférentes : la sainte femme qui les inspirait se trouvait tout à côté, dans le même édifice qu’eux…
Durant les dernières semaines, Aizalyasni avait souvent été tentée de s’ouvrir à ses collègues de travail ou d’étude à propos de cette découverte qui avait changé sa vie. Chaque fois, elle se remémorait le jour où Timothée avait demandé aux fidèles de demeurer circonspects. « Souvenez-vous de ce que les Romains et les pharisiens ont fait de Jésus grâce à Judas… » Il est vrai que si quelqu’un avait vendu le fils de Dieu pour trente pièces d’argent, un paumé du Centre-Sud pourrait sans doute faire pareil pour trente pilules d’Orgasmik. Elle choisissait donc de se taire.
Les premières fois qu’Aizalyasni avait participé aux oraisons, elle avait été pour le moins dubitative. Maintenant, c’était souvent le plus beau moment de sa journée. Sa double vie d’étudiante et de femme de chambre la contraignait à une discipline constante : elle devait toujours foncer devant sans regard pour sa fatigue ou ses craintes. Mais ici, au Terminus, chaque fois qu’elle chantait en imitant les mouvements de Martin, elle se laissait habiter par cette énergie particulière qui rinçait la lassitude et les inquiétudes de son esprit. Plus elle les répétait, plus la détente devenait un véritable plaisir, jusqu’à une véritable euphorie au terme de la routine.
Après les applaudissements et les étreintes qui marquaient la fin de l’oraison comme telle, Aizalyasni alla s’asseoir avec sa clique habituelle. Gary et Vinh lui retournèrent son sourire plein de chaleur; même Sophie paraissait gaie derrière sa façade bourrue. Elle devait avoir quatorze ou quinze ans; ses cheveux courts et ses manières brusques pouvaient laisser croire qu’il s’agissait plutôt d’un garçon. Aizalyasni lui réservait une affection toute particulière : dans son esprit, c’était pour mieux aider des filles comme Sophie qu’elle devait compléter ses études.
Avant même qu’on ait fini de distribuer le repas, Aizalyasni offrit à ses compagnons le paquet de brioches qu’elle avait achetées plus tôt. Sophie en avala deux en quatre bouchées.
« J’aime mieux quand c’est Tim qui dirige », dit Gary la bouche pleine. « C’est pas pareil quand c’est Martin. »
Les autres acquiescèrent. « Mon beau Timothée », dit Vinh. Son amour impossible pour le bras droit de Madame était connu de tous; cela ne l’empêchait pas d’y revenir sans cesse… Pour sa part, Aizalyasni n’avait d’yeux que pour l’un des trois hommes forts de Madame. Comme ceux-ci ne se mêlaient pas aux fidèles, elle leur avait inventé des noms : le chef, la brute épaisse et… monsieur mignon. Monsieur mignon, avec son port altier, ses tatouages et ses camisoles ajustés… L’incarnation même du sexy. Chaque fois qu’il regardait dans sa direction d’Aizalyasni, son cœur palpitait comme celui d’une fillette devant une superstar.
Durant les oraisons, pendant que le chef demeurait avec Madame, monsieur mignon et la brute épaisse montaient la garde à l’extérieur. C’était préférable pour sa concentration : S’il s’était trouvé dans la pièce durant les exercices, elle aurait sans doute été trop distraite pour les effectuer correctement.
« Qu’est-ce que vous pensez qu’il fait avec Madame en arrière? », continua Vinh.
« J’ai entendu dire qu’ils font des rituels secrets », répondit Gary.
Sophie émit un son moqueur, à mi-chemin entre un rire et un reniflement. Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose lorsque trois grands coups se firent entendre. Tout le monde se tut : quelqu’un avait frappé à la grande porte. Le chef, Timothée et Martin accoururent à l’arrière du Terminus.
« C’est moé », dit la brute épaisse, sa voix étouffée par la paroi de fer et de plexiglas. « On a une urgence. »

dimanche 18 août 2013

Le Noeud Gordien, épisode 283 : Ménages, 2e partie

James se masturbait dans la chambre lorsque le cri retentit. « Calice James, on va en manquer de gaz! »
Il sursauta et, sans réfléchir, fourra la revue sous la seule couverture qui recouvrait son matelas posé à même le sol, en proie à un sentiment de culpabilité dont il ne pouvait se départir même s’il reconnaissait qu’il était absurde. De un, il n’y avait pas de mal à se donner un peu de plaisir; de deux, il était impossible que Raymonde le surprenne sans qu’il l’entende venir de loin. Il répondit : « Ça va être correct…
— Parle plus fort! 
Ça va être correct!
—J’ai rien compris. Articule quand tu jappes! »
James exhala bruyamment en remontant ses jeans élimés. Il souleva le drap pour jeter un dernier regard nostalgique à la revue, comme pour lui dire je reviendrai… Il l’avait trouvée dans les poubelles d’un arrêt d’autobus; la couverture titrait fièrement Attention aux coups de soleil – Jasmine en Jamaïque. Le modèle-vedette du mois était une blonde sexy à en faire tourner la tête. Oh oui, il allait y revenir. Souvent.
Il ouvrit la porte de la chambre. « J’ai dit : ça va être correct! 
— C’est à soir que la nouvelle saison des Infidèles commence. Si la génératrice lâche dans l’milieu de l’émission, je vais mourir là! »
James soupira. « J’ai mis du gaz hier. Pourquoi tu ne me crois pas? Je te dis que ça va être correct… »
Raymonde remua sur le Lay-Z-Boy qu’elle ne quittait presque plus. Les efforts requis pour se lever elle-même étaient tels qu’elle les réservait généralement pour ses visites au petit coin. « Je suis pas folle : quand la machine change de bruit, ça veut dire que ses réserves achèvent… »
Une grosse blatte sortit la tête d’en-dessous du Lay-Z-Boy. Elle retourna immédiatement d’où elle était venue. James aurait voulu faire pareil et retourner se terrer dans la chambre avec sa revue Primate... « Je vais aller voir », dit-il en soupirant à nouveau.
Au temps où la bâtisse était plus qu’un squat, la pièce du fond était destinée à recevoir une laveuse et une sécheuse. C’est là que James avait installé son bien le plus précieux, une génératrice vieille d’une quinzaine d’années. Il avait dû déloger les planches qui placardaient les fenêtres de la pièce pour permettre la sortie des gaz d’échappement, mais l’aération demeurait somme toutes mauvaise. Même lorsque le moteur ne tournait pas, la pièce était imprégnée d’une odeur d’essence et d’huile. Après inspection, il dut reconnaître que Raymonde n’avait pas tort : le niveau d’essence était plutôt bas. En fait, plus bas qu’il aurait pu imaginer…
Il n’y avait pas cent causes possibles pour expliquer cette différence. « Hostie, Raymonde, tu as parti la génératrice ce matin! » L’absence d’une réponse équivalait à peu près à un aveu. « Calvaire! La génératrice n’est pas là pour que tu écoutes tes maudites émissions toute la journée, c’est pour qu’on s’éclaire et qu’on se chauffe le soir! Sais-tu combien de fois j’ai failli me faire casser la gueule parce que je siphonnais un char en ville? Penses-tu que ça me tente de me taper tout le travail? »
Lorsque le silence se prolongea, James comprit qu’il était allé trop loin. Il accourut au salon pour trouver Raymonde les yeux pleins d’eau et les mentons frémissant. Deux secondes après qu’il soit arrivé, elle éclata en sanglots. James eut l’intuition que qu’elle avait sciemment attendu qu’il revienne, question qu’il voie bien le mal qu’il avait causé.
« J’aurais pas dû-huhuhu », dit-elle en tentant tant bien que mal de maîtriser son effusion. « C’est long, toute seule le jour… »
James fut tenté, ne serait-ce que cette fois, de tenir son bout. Raymonde dut voir sa résolution, car les pleurs redoublèrent. « Tu serais mieux sans moi! Je suis grosse et moche, je sers juste à compliquer ta vie, je ne peux rien faire de bon, je suis juste un poids… Tu serais mieux sans moi! »
Oh oui, dit une petite voix dans la tête de James. Mais le reste de lui offrit la réponse habituelle : il alla l’étreindre et la rassurer. « Dis pas ça… Je t’aime, tu le sais? Je ne te laisserai pas tomber… » Elle continua à renifler contre sa poitrine. « Je vais aller chercher plus de gaz, ok? Assez pour toute la journée demain. » Elle cessa de pleurer et elle lui jeta un regard plein de reconnaissance. Dans ses yeux, James entrevit celle dont il était tombé amoureux – six ans et trente-cinq kilos plutôt. Il soupira une fois de plus avant d’aller chercher son bidon et son tube de caoutchouc dans la salle de lavage.
« Chéri?
— Quoi?
— Mer-ci! », dit-elle d’un ton chantant. Toute trace de sa tristesse semblait disparue. James ravala sa frustration et sortit. Il eut tout juste le temps d’entendre la musique du générique des Infidèles.

dimanche 11 août 2013

Le Noeud Gordien, épisode 282 : Ménages, 1re partie

Aizalyasni souriait en finissant le lit de sa dernière chambre. Les fenêtres laissaient filtrer une journée splendide, l’un de ces derniers soubresauts de véritable chaleur avant que les arbres se dénudent et que la neige et le froid prennent le dessus jusqu’au printemps.
Elle compléta sa fiche de temps et se rendit au vestiaire. Elle avait pris l’habitude de se doucher au début et à la fin de chacun de ses quarts. La douche du début était nécessaire pour obtenir l’apparence soignée que l’Hôtel Royal exigeait de ses employés. Celle de la fin avait plutôt pour but de rincer d’elle toutes les impuretés auxquelles elle s’était frottée.
L’Hôtel Royal était le dernier vestige d’une ère révolue dans le domaine de l’hôtellerie, un temps où les employés vivaient à peu près sur leur lieu de travail. Depuis la fermeture du Hilltown, le Royal était le seul à offrir à ses employés un service de buanderie et un accès à une cafétéria sans autre contrôle que le pouvoir discrétionnaire des cuisiniers qui l’opéraient. Ces mesures coûtaient à la compagnie, mais elles n’étaient pas sans bénéfices non plus. L’Hôtel s’enorgueillissait de la loyauté de son personnel; pour peu que l’employé soit poli et consciencieux, il pouvait en retour bénéficier d’une quasi permanence. Depuis quatre-vingt-quatre ans, aucune crise économique n’avait convaincu les propriétaires de faire autrement.
Nini avait eu la chance d’obtenir un poste temporaire au début de la saison touristique; elle avait été enchantée lorsque la gouvernante avait suggéré la garder à temps partiel durant la basse saison. Les journées étaient dures, mais après les bonnes semaines sur le plan du pourboire, il lui en restait assez pour transférer un peu d’argent à sa mère.
Propre, séchée et vêtue de ses vêtements civils – jeans et gilet à capuchon des plus quelconques –, elle alla déposer son uniforme à la buanderie. Sa journée de femme de chambre était faite, mais sa journée d’étudiante commençait.
Sa collègue Noémie profitait de la belle journée en grillant une cigarette dans le fumoir à ciel ouvert qui se trouvait à quelques pas de la sortie de service. Elles s’appréciaient mutuellement malgré leur différence d’âge. Elle avait eu trente ans cet été; Aizalyasni n’avait pas l’habitude de fréquenter des femmes aussi vieilles. « Tu as fini ta journée?
— Oui. Mais pas vraiment : il faut que j’aille étudier.
— Ah! Je ne t’envie pas. Moi, tu sais, l’école… »
Nini lui sourit avant de poursuivre son chemin. Les études n’étaient pas toujours faciles, mais elles demeuraient la meilleure façon de ne pas astiquer les toilettes des autres jusqu’à la fin de sa vie. Noémie occupait son emploi au Royal depuis six ans : il devait la satisfaire. Pour Nini, les choses étaient plus compliquées. Elle avait déjà connu un meilleur train de vie, mais c’était grâce à un raccourci qu’elle refusait maintenant d’emprunter. Les études s’imposaient comme un point de passage obligé vers une vie meilleure.
Par ailleurs, il fallait reconnaître que malgré les difficultés, elle aimait les études. La fierté de s’engager dans un parcours valorisant aux yeux du monde n’était qu’une fraction de son sentiment. Un autre apport venait du fait de côtoyer les filles de son programme… Elles lui offraient une perspective sur la vie dont elle avait été coupée depuis son arrivée au pays. Ces filles étaient si… normales comparées à elle… La voyaient-elles pareillement? Pouvaient-elles deviner son parcours cahoteux derrière sa propre apparence de normalité? Au fond, peut-être cachaient-elles aussi des vies différentes de ce que les apparences montraient?
Plus que la fierté, plus que le milieu, c’était l’espoir d’une vie meilleure qui lui faisait aimer les études. La possibilité de se rendre utile, d’aider les gens. De faire une différence.
D’un pas lent pour mieux profiter du beau temps, elle se rendit au Quixote, le secret le mieux gardé du Centre. Situé au sous-sol d’une bouquinerie, le café il offrait à ses clients une ambiance aux antipodes des chaînes de distribution de caféine en vogue dans les grands centres : des sofas couverts de coussins dépareillés, des lumières tamisées, des recoins où on pouvait s’installer pendant des heures sans jugement de la part des employés… Le Quixote était ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre; en plus du café, il proposait des sandwiches, des viennoiseries et des boissons alcoolisées. Aizalyasni ne l’avait jamais vu plein à craquer, mais jamais vide non plus. Bref, l’endroit parfait pour faire ses lectures et ses travaux.
Elle avança ses lectures de la semaine aussi longtemps qu’elle le put. Elle en était à lire un chapitre ennuyant, quoiqu’à propos d’un sujet intéressant – la relation d’aide. Vers dix-huit heures trente, elle décida qu’elle avait trop faim pour continuer. Elle sortit du Quixote pour découvrir avec surprise la nuit presque tombée. Les journées raccourcissaient… Elle s’acheta quelques trucs à l’épicerie : une salade pré-assemblée, un pudding aux framboises et une boîte de brioches glacées au sucre. Elle mangea la salade et le pudding à la sortie, adossée contre la vitrine. Un peu plus loin, elle observa deux filles faire le trottoir, le visage abruti par la drogue et la fatigue. Maintenant que le soleil était disparu, elles étaient trop peu vêtues pour la fraîcheur de la nuit. Aizalyasni remercia le ciel de n’être jamais descendue aussi bas.
Elle mit le cap sur le centre communautaire du boulevard St-Martin. Une fois là-bas, elle trouverait certainement des habitués du Terminus qui accepteraient de l’accompagner jusque-là pour l’oraison du soir. Avec un peu de chance, quelqu’un retournerait avec elle jusqu’à son squat. Sinon, elle pourrait toujours dormir sur place jusqu’à l’oraison du matin…

dimanche 4 août 2013

Le Noeud Gordien, épisode 281 : FAQ, 3e partie

Lorsqu’Édouard quitta le laboratoire souterrain de Gordon, l’antidote commençait à dissiper son effet, laissant la place à la compulsion. La tension familière réapparaissait, et avec elle, cette volonté de se plonger corps et âme dans les exercices de développement de l’acuité. Maintenant qu’il disposait d’une soupape capable de lui donner quelques heures de congé ici et là, il s’en accommodait bien. Son travail n’était pas pénible lorsqu’il pouvait se permettre de prendre soin de ses besoins essentiels… Il n’avait pas encore décidé s’il allait s’y mettre pour le reste de la nuit, ou s’il allait plutôt choisir le lit. En ce moment, il ne s’endormait pas du tout.
La visite avait été fructueuse : Gordon lui avait livré toutes les réponses qu’il avait cherchées – quoique pas nécessairement celles qu’il avait voulu entendre.
Tricane était anathème, une ennemie déclarée de la communauté des magiciens. Semble-t-il qu’elle avait pris part dans la mise à mort de deux Maîtres-avec-un-grand-M – ceux qui avaient accompli le Grand Œuvre. Un meurtre est toujours horrible, mais celui-là était particulièrement odieux. Malgré leur nom, les Seize n’étaient en fait qu’onze, maintenant réduits à neuf à cause d’elle. Toute l’expertise des magiciens se trouvaient dans la tête de ces bonzes, chacun avec des secrets connus de lui seul. Ces meurtres équivalaient à incendier des bouts de la grande bibliothèque d’Alexandrie : la perte définitive d’une sagesse ancestrale durement gagnée. À tout le moins, les maîtres-avec-un-petit-m – les adeptes assez avancés pour avoir complété leur panoplie rituelle – en préservaient des bribes… Mais combien de fois auraient-ils à réinventer la roue avant d’arriver au niveau de leurs instructeurs?
Ce qui avait le plus étonné Édouard, c’était que malgré qu’on l’ait nommée anathème, et malgré qu’on soupçonne qu’elle se terrait toujours dans La Cité, personne ne semblait vouloir la châtier. Ou plutôt : personne n’y pouvait faire quoi que ce soit. C’était en tentant de le faire que Hoshmand avait été vidé de toute magie…
Édouard avait cru à une conspiration planétaire de magiciens insinués partout; pour une première fois, il constatait leurs limites. En interrogeant Gordon, sans préciser la réflexion derrière la question, il avait appris qu’il y avait au total entre quarante et soixante initiés de par le monde. Cela mettait en perspective la portée de leur influence. Ils pouvaient peut-être espionner qui ils voulaient, modifier des souvenirs, voire même contrôler les actions des gens, ils ne pouvaient être partout à la fois; même ceux qui ne dormaient plus ne disposaient pas de plus de vingt-quatre heures dans une journée. De plus, ils étaient loin d’être partout : ils s’agglutinaient dans des villes dites radiesthésiques, c’est-à-dire ayant des zones comme le Centre-Sud, dont l’énergie était si concentrée qu’elle avait failli le tuer. Ces zones, quoique dangereuses, rendaient possibles les procédés les plus avancés, comme ceux derrière la Joute… Une véritable relation d’amour-haine pour sorciers.
Il passa la totalité du trajet plongé dans ses pensées. Gordon semblait croire qu’il pourrait rester dans La Cité. Édouard voulait le croire, mais… pourquoi avait-il l’impression qu’on se jouait de lui?
Lorsqu’il arriva chez lui, sa décision était arrêtée. Un joueur n’est jamais un pion.
Il était près de deux heures du matin. Il lui restait une dizaine de minutes avant de devoir se mettre au travail. C’était trop tard pour parler à Claude, mais l’heure était parfaite pour Alexandre. S’il répondait, il suffirait à Édouard de priser une nouvelle dose d’antidote.
Lorsqu’Alexandre décrocha, son « Allo? » fut chuchoté.
« Est-ce que je te dérange?
— Ben, un p’tit peu », répondit-il se le même ton. « Je ne suis pas tout seul.
— Ah non? Comment elle s’appelle?
— Qu’est-ce que tu veux?
— Je peux passer te voir? J’ai du nouveau. »
Silence. « Je ne suis pas loin de chez toi. Je peux être là dans dix minutes. S’il le faut. Est-ce que c’est important?
— Je dirais que oui. C’est le temps de passer à l’action. »
Nouveau silence, plus long que le premier. « J’arrive. »