lundi 30 août 2010

L'heure des bilans II

Quel bel été.

Je ne parle pas seulement en termes météo: mon deuxième été à écrire a été incroyablement plus productif que le premier - en plus, c'était mieux à la fin qu'au début, ce qui me fait croire à la possibilité de m'améliorer encore au prochain tour.

Depuis le 9 août, donc en trois semaines, j'ai écrit 69 pages (!). C'est une moyenne de presque 5 pages par jour, sans même compter le Noeud Gordien. Malgré toute ma bonne volonté, je n'ai toutefois pas réussi à gagner la course contre la montre. C'est davantage une mauvaise évaluation de ce qui restait à faire que quelque procrastination qui est en cause. Parfois, quelque chose qui prend une seule ligne dans le plan finit déployé sur huit ou dix pages dans le texte écrit. J'espérais avoir fini pour la rentrée scolaire, voilà qu'il me reste encore une trentaine de pages à pondre (une autre estimation!).

Pourrai-je continuer cet automne? J'en doute. C'est la période de l'année où je travaille le plus (enfin, où je fais du travail rémunéré). Entre les cours que je donne et la continuation du Noeud Gordien, je ne crois pas que je réussirai à avancer Mythologies - en tout cas, à y ajouter des pages et des sections. Peut-être aurai-je le temps de revoir ce que j'ai écrit? Le temps le dira. Je préfère être prudent maintenant qu'être surmené ou déçu plus tard...

Mais une chose à la fois! Pour l'instant, c'est le temps d'enseigner! Bonne rentrée scolaire, au plaisir de vous lire dans la section "commentaires" ou peut-être par courriel... N'hésitez surtout pas: ça permet de casser le caractère essentiellement solitaire de l'écriture. Et rien ne donne le goût d'écrire comme savoir qu'on est lu!

dimanche 29 août 2010

Épisode 135 : La maitresse et la novice

Lorsque la vision de Mandeville devint assez claire pour distinguer parfaitement les impressions à son tour, elle sut qu’elle avait trouvé ce pour quoi elle était venue dans La Cité. Plutôt que revivre la peur, la tristesse et la colère de leurs derniers instants, toutes les impressions regardaient la jeune Lytvyn, les yeux calmes, presque paisibles.
Elle demanda : « Est-ce que quelqu’un a observé leurs comportements typiques? 
— Oui, je les ai souvent vus », répondit Espinosa. « Elles essaient de se frayer un chemin à travers les portes barricadées. Les enfants pleurent et hurlent dans les bras de leur mère. Maucieri fait feu sur les portes et les fenêtres.
— Donc, tout ceci est complètement nouveau?
— Absolument.
— Mais pourquoi est-ce que c’est elle qu’ils regardent? », demanda Mandeville en pointant Félicia. « Elle dit qu’elle a pu les voir parfaitement alors que nous nous efforcions encore pour mieux les distinguer. Est-ce que c’est vrai?
— Pourquoi ne pas le lui demander? »
Mandeville se tourna vers elle. « Alors?
— Oui, je les ai vues parfaitement dès que je suis entrée dans la salle.
— Comment est-ce possible?
— Euh, à cause de mon acuité, peut-être!? »
­— Attention au ton, jeune fille… Je ne laisserai pas une novice me parler ainsi.
— Pardon, maîtresse », répondit Félicia d’un ton pointu. Elle mordait sa lèvre comme pour ravaler son agacement, mais elle sut se taire. Mandeville avala difficilement. Les effusions n’étaient pas sa spécialité.
« L’acuité, c’est une chose, mais là, nous sommes confrontés à un phénomène absolument inédit. Qu’est-ce qui a bien pu faire que ces impressions sortent soudainement de la répétition compulsive d’éléments de leur récit fondateur?
Lytvyn échangea un regard avec Espinosa. Ce dernier fit un mouvement de la tête à peine perceptible.
La novice demanda : « Trois faveurs pour un secret? »
Interloquée, Mandeville se tourna vers Espinosa qui lui dit : « Vous pouvez me croire, vous voulez celui-là…
— Je vais vous croire. Allons en parler ailleurs : maintenant que je les distingue parfaitement à mon tour, la fixité de ces impressions me déconcentre. Peut-être pourrions-nous aller dans un endroit plus accueillant? » Elle souffla dans ses mains glacées. « Et mieux isolé. »
Dans la limousine, Gordon eut un long échange à voix basse avec Espinosa pendant qu’ils allaient vers ce sushi-bar que Mandeville avait particulièrement apprécié le jour de son arrivée dans La Cité.
Alors qu’Espinosa, son étudiante et Mandeville descendaient au restaurant, Gordon annonça que lui et les autres se retireraient pour la soirée – Mandeville supposa qu’il connaissait déjà le secret qu’on lui avait offert. Après la tournée des salutations, Gordon eut un moment d’hésitation en lorgnant Tricane qui regardait le vide d’un air morose et Tobin qui tirait sur son attelle pour la remettre en place. Sur un ton dubitatif, il dit finalement : « C’est moi qui conduit! »
Espinosa, Lytvyn et Mandeville choisirent une table au fond du restaurant. Mandeville aimait le style dépouillé et ses lignes minimalistes, quasi géométriques de la décoration. Elle demanda à Espinosa : « Alors, quel est ce secret? »
Visiblement agacé que Mandeville persiste à ne pas s’adresser directement à elle, c’est Lytvyn qui répondit. « J’ai trouvé le procédé pour retenir l’âme d’un mort…
— Impossible! » Elle s’était apprêtée à servir à la jeune femme une nouvelle remontrance pour son impolitesse, mais cette prétention dépassait les bornes!
« Oui, c’est possible : je l’ai fait. 
— Comment? Depuis le temps que Paicheler et moi cherchons la réponse à cette question, je peine à croire qu’une petite… 
— Et pourtant, je l’ai vu », coupa Espinosa, désamorçant l’explosion de l’insulte. « Je ne l’ai pas encore reproduit, mais je l’ai vu de mes yeux.
— Il me faudra le voir aussi : je refuse d’y croire avant. C’est juste… trop. » Mandeville mordit l’ongle de son pouce.
Manifestement satisfaite d’elle-même, Félicia lui dit : « Le genre de trop qui ferait apparaître des nouveaux comportements à des impressions? Le genre de trop qui aurait des effets jusqu’en Europe? Le genre de trop qui…
— Ça va, j’ai compris. » Il est vrai que les nouveaux phénomènes n’étaient pas moins stupéfiants que ses prétentions. Mandeville haussa les épaules. « Si c’est vrai, je ne t’appellerai plus novice bien longtemps… As-tu pensé à ce que tu voulais en échange?
— J’ai bien quelques idées… » 

mercredi 25 août 2010

La migration des collégiens

Comme les oies blanches, les collégiens migrent en groupe. Les environs des CÉGEPs et des Universités se vident durant l'été; au moment où le mois d'août glisse vers septembre, on les observe retourner dans les endroits où ils hiverneront pour disparaître à nouveau le printemps venu.

Comment reconnaît-on les collégiens?
La période de la rentrée est le meilleur moment pour observer le collégien dans ce qui deviendra son milieu natal. Le collégien de l'année est plus facile à voir du fait de ses caractéristiques typiques:

  • Des vêtements neufs des pieds à la tête (sac et autres accessoires compris) achetés par maman et papa ou financés par un été de travail à temps plein; 
  • Un ou plusieurs sacs trop remplis; les collégiens gèrent le départ de la maison en tentant d'en traîner un succédané sur leur dos; 
  • Une démarche mal assurée qui dit "je dois me conduire comme un adulte indépendant dans la grande ville mais je manque de pratique"; les bras peu mobiles et un regard qui apparaît à la fois concentré sans regarder quoi que ce soit en particulier sont des indices qui apparaissent fréquemment; 
  • Certains collégiens, peu familiers avec la vie en ville, vont montrer des comportements qui trahissent leur mince familiarité avec leur nouvel environnement. En effet, on en trouve parfois assis sur des chaînes de trottoir, sur des terre-pleins de boulevard ou les marches des établissements du coin. Leurs activités les plus probables: écrire, lire un ouvrage obligatoire, observer les environs d'un air légèrement perdu. 
  • Lorsque les collégiens vont à l'épicerie pour se nourrir, on observe trois autres signes typiques: 1- la présence d'un parent qui les aide à faire leur première épicerie; 2- une alimentation extrêmement fruste à base de pain, de pâtes et / ou de charcuterie. Les paniers sont probablement vides de produits exotiques ou de luxe (fruits, légumes, fromage); 3- notez la présence d'un coloc probable et de la négociation à propos des achats qui démontre le caractère récent de leur cohabitation.
Lorsque vous voyez un collégien, assurez-vous de ne pas déranger son comportement naturel. Évitez de les prendre en photo à leur insu (ils pourraient devenir confus ou violents) et de les nourrir (ils pourraient s'attacher). Observez-les plutôt à une distance respectable, parce que l'année d'après, ils seront devenus citadins comme vous et ils pourront s'amuser de la migration de la cohorte suivante! 

dimanche 22 août 2010

Le Noeud Gordien, épisode 134 : Conseil de guerre

Alexandre arriva le dernier. Le nouvel appartement de son oncle Édouard avait bien peu en commun avec son ancienne maison de la rue Hill. Il avait choisi un appartement de cinq pièces au rez-de-chaussée de la dixième avenue, juste au-delà de la frontière invisible où le Centre devenait le Nord. Le gris médical des murs rendait l’endroit rébarbatif; de grandes plaques pelaient en révélant les couleurs préférées par les locataires précédents. Le plancher paraissait immaculé par contraste : on devait l’avoir retapé récemment. Des piles de boîtes couvraient tous les coins. Son oncle et son beau-père buvaient une bière accoudés à une table ronde du même gris que les murs. En entrant, Alexandre faillit faire tomber les pièces démontées d’un lit superposé alignées derrière la porte d’entrée. Il eut une pensée fugace pour ses cousines… Comment s’adaptaient-elles au divorce de leurs parents? Il devrait peut-être leur rendre visite. Il était passé par là : il pourrait peut-être leur donner l’aide qu’il n’avait jamais reçue – mais dont il aurait bien eu besoin.
Édouard l’accueillit jovialement. « Alex! Tu veux une bière? » Alex regarda sa montre. Dix-neuf heure trente. Dans son quotidien décalé de travailleur nocturne, c’était encore le matin. Avec un haussement d’épaules, il dit : « Pourquoi pas? » Il ne travaillait pas ce soir…
Il s’assit avec les deux autres. Le téléphone d’Édouard, son ordinateur portable et une chemise de carton jaune reposaient sur la table. « Alors, quoi de neuf? 
— Pas grand-chose… Ça va bien à la job, mais je me demande si je ne devrais pas retourner aux études l’automne prochain.
— C’est encore loin… C’est certain que tu ne peux pas faire ça toute ta vie!
— Au moins c’est relativement payant. Et vous autres? Comment ça va?
— Comme d’habitude. Tu sais comment c’est », répondit Claude Sutton d’une voix lasse.
« Moi, j’ai du nouveau », enchaîna Édouard.
Claude dit : « Il n’a pas voulu m’en parler avant que tu arrives! 
— Vous allez comprendre pourquoi… Écoutez bien ça. »
Édouard leur raconta comment, après être passé en mode proactif, il s’était réveillé le lendemain sans souvenir de la veille. Il tourna l’ordinateur vers les deux autres avant de double-cliquer un ficher sonore.
« Écoutez ça… »
Claude et Alex écoutèrent attentivement Édouard… qui semblait parler tout seul. À l’entendre, il semblait s’adresser à M. Hoshmand. Alex demanda : « Qu’est-ce qu’on est supposé entendre, au juste? 
— Ce que tu entends : je converse avec quelqu’un qu’on n’entend pas. Première étrangeté : j’ai fait une analyse de l’enregistrement; au meilleur de mes connaissances, je peux dire qu’il n’a pas été retouché.
— Mais encore?
— La seule chose dont je me souviens de cette soirée, c’est ma conversation avec lui… Même si je ne me souviens plus des détails. Ça ne devait pas être important. Merde!
— Quoi?
— Vous allez comprendre plus tard… Écoutez ici : ma respiration s’accélère… Le tissu frotte contre mon téléphone… Comme si nous marchons vite…
— Pour aller où?
— Probablement dans un hôtel du Centre. Pour l’instant, écoutez ça… Après la marche, après l’hôtel, j’ai eu une conversation avec quelqu’un d’autre. Celui-là, on peut l’entendre.
— Qui?
— Vous allez voir. C’est sur l’autre fichier. Mais tout indique que j’ai effectivement parlé à Hoshmand et qu’il m’a conduit à un l’autre… » Un double clic et le second enregistrement commença. On entendit : « Par ici, M. Gauss! Approchez! »
Alexandre reconnut immédiatement la voix. « Aleksi… », mais Édouard lui signala de garder le silence. Les trois écoutèrent cet étrange échange où un Aleksi ricanant priait Édouard de l’appeler Eleftherios Avramopoulos avant de discuter de Gordon, de Dieu et de superpouvoirs.
 « Mais c’est n’importe quoi!
— Alex, ce serait n’importe quoi s’il n’avait pas réussi à effacer mes souvenirs. Mais je me suis réveillé exactement comme il l’a dit… Lorsque j’ai dit merde tantôt, c’est parce que je venais de dire que Hoshmand n’était pas important… Je pensais exactement avec les mots qu’Aleksi a mis dans ma tête… »
Après un moment de silence, Claude demanda : « Pourquoi ne nous en as-tu pas parlé avant?
— J’avais besoin de décanter tout ça… On a joué avec mon cerveau à mon insu. Il ne passe pas un jour sans que je me demande si je ne suis pas fou… Il fallait que je réfléchisse à tout ça.
— Et? »
Édouard ouvrit la filière. Il en sortit une photo noir et blanc; la pixellisation laissait penser qu’elle avait été imprimée par un ordinateur. Elle montrait deux rangées d’hommes barbus et moustachus; l’un d’eux, plein centre, portait des épaulettes, des médailles et des rubans qui indiquaient son rang supérieur. Édouard le pointa en disant : « Ça, c’est le roi Georges I de Grèce ». Il pointa ensuite un vieil homme aux cheveux blancs qui se tenait à la droite du roi. « Les archives identifient celui-ci comme Eleftherios Avramopoulos… »
Pendant un moment, ni Claude ni Alex ne sut quoi dire. Pendant qu’ils examinaient la photo de plus près, Édouard sortit des découpures de presse où Aleksi avait été photographié avec Derek Virkkunen. Alex remarqua immédiatement le parallèle qu’Édouard avait vu : « Ils ont le même regard … 
— C’est ce que je pensais aussi. Il ne faut pas voir ceci comme une preuve de quoi que ce soit, peut-être juste un indice de prendre toute cette histoire au sérieux… »
Nouveau silence.
Claude demanda : « Qu’est-ce qu’on fait avec ça? 
— J’ai quelques idées… Premièrement, penses-tu que nous pourrions trouver des caméras de surveillance pour voir si j’ai vraiment parlé à Hoshmand ou si je me parlais tout seul?
— Je peux toujours voir… As-tu considéré que tu l’entendais peut-être via un casque d’écoute ou quelque chose comme ça, pas assez fort pour être enregistré par ton téléphone?
— C’est une possibilité réconfortante! Je n’y avais pas pensé; dans tous les cas, si on a des images de la scène, nous pourrons le savoir.
— Ensuite?
— J’ai gardé le meilleur pour la fin… » Il fit jouer la conversation qu’il avait eue avec Gordon devant chez lui. Il dit ensuite : « Nous avons un levier dont nous pourrions peut-être jouer. Ils ne peuvent pas savoir que j’ai conservé toutes ces conversations même si je ne m’en rappelle pas. Et mieux encore : Gordon pense qu’Aleksi m’a initié… À quoi? Je ne sais pas trop. Mais vous avez vu comment son ton a changé du tout au tout lorsqu’il s’est mis à le croire… Ça aussi, ça peut servir…
— Pour faire quoi?
— Pour en venir à en savoir plus, évidemment… Alex, tu vas nous faire signe dès que tu verras Aleksi sur la liste des invités du Den… » Édouard leva sa bière comme pour un toast. « Qui qu’ils soient, quoi qu’ils veuillent… Nous allons essayer de les infiltrer! » 

dimanche 15 août 2010

Le Noeud Gordien, épisode 133 : Premières impressions

Karl Tobin n’aurait pas pu conduire la limousine en raison de sa jambe; attelée et pansée comme une momie, elle baignait en tout temps dans la préparation qui aurait bientôt fini de la guérir. Puisqu’il était relégué au siège passager, Félicia avait pris le volant, non sans angoisse : elle n’avait jamais encore piloté un véhicule de ce gabarit.
La fenêtre ouverte qui séparait le siège avant de l’habitacle lui permettait d’entrevoir Gordon dans le rétroviseur, Tricane à ses côtés; l’angle ne lui permettait pas de voir son amoureux ni Catherine Mandeville. Les passagers demeuraient silencieux, les yeux rivés au décor extérieur, peut-être à la recherche de quelque présage. De temps en temps, Félicia entendait Mandeville chiffonner le même morceau de papier qu’elle lissait ensuite pour mieux recommencer.
Ils étaient en route vers le tristement célèbre Café Konya; elle n’y avait jamais mis les pieds, et pour cause : son père l’avait fait incendier alors qu’elle n’était qu’une adolescente.
Alors que la limousine contournait le lac Prince, Mandeville demanda : « Cela fait combien de temps que les événements ont eu lieu? »
Gordon répondit : « Six ou sept ans. M. Espinosa pourra vous en parler davantage. »
Mandeville se tourna vers lui. « Vous y étiez?
— Non. À l’époque, j’étudiais encore avec Avramopoulos; je n’étais pas encore établi ici. Je passais cependant beaucoup de temps dans La Cité. Je tentais des expériences autour du cercle de Harré.
— Pourquoi ne pas les avoir conduites sur les cercles européens? »
Espinosa haussa les épaules. « À ma connaissance, aucun initié n’était encore arrivé ici. Mon premier choix avait été le cercle de La Plata, mais j’ai découvert que Gordon y était déjà. »
Gordon glissa : « Un jour, vous devrez m’expliquer comment vous faites pour me trouver aussi facilement!
— N’importe quand… Trois faveurs pour un secret? »
Gordon se contenta de sourire. Adeptes et maître s’échangeaient constamment faveurs et secrets – c’est ainsi que les rapports entre initiés demeuraient simultanément solidaires et compétitifs. C’était ce qui maintenait la cohésion de leur société particulière : rien n’était plus précieux pour les initiés que ce qui leur restait à apprendre; pour l’acquérir, ils avaient besoin de leurs pairs… et leurs supérieurs. Avant qu’Espinosa n’ait reçu l’anneau des mains de Gordon, ils auraient partagé beaucoup de leur savoir respectif.
« Continuez, je vous prie », offrit Mandeville. Sans trop y prêter attention, elle déchirait maintenant son papier en fines bandelettes.
« Donc, je n’étais pas établi en permanence dans La Cité. Je conduisais mes recherches lorsque j’ai ressenti une manifestation synchrone des plus intenses… Une dizaine de corneilles volant en formation… Peu avant que je croise le chemin de Lev Lytvyn…
— Qui est-ce? », demanda Mandeville.
Tricane éructa : « Le roi de pique! » Tous se tournèrent vers elle, étonnés. Elle n’avait pas ouvert la bouche de la soirée. « Oups. Je suis désolée… Excusez-moi. »
Espinosa continua comme si rien n’était: « Les frères Lytvyn ont été les caïds de La Cité pendant des décennies. Lorsque j’ai rencontré Lev Lytvyn pour la première fois, c’était juste avant qu’ils s’engagent dans une guerre pour éliminer les compétiteurs restants. »
Tobin s’insinua dans la conversation : « Ça faisait déjà un bout que, comme par hasard, la police les laissait tranquilles pour s’attaquer seulement aux autres. Un jour, le vieux a décidé : c’est pas assez d’avoir la ville, la police, la mairie, les syndicats et toute la business. Il s’est dit : je veux le reste aussi. »
Espinosa continua : « J’ai suivi mon intuition et grâce à mes talents particuliers, j’ai vite gravi les échelons de l’organisation Lytvyn. Le plan A était de gagner les gros bonnets restants afin de former une sorte de conseil central du crime organisé.
— Évidemment, presque tout le monde a dit non », reprit Tobin alors que la limo s’engageait dans une ruelle de la Petite Méditerranée. « On se doutait que le vieux voulait avoir ses ennemis près de lui pour mieux les poignarder dans le dos… Vous allez voir ce que ça a donné : on est arrivé. »
Les passagers descendirent de la voiture; Félicia se chargea d’aller chercher les béquilles dans le coffre arrière. La ruelle était sale et sinistre, assurément, mais elle apparaissait presque élégante comparée à celles du Centre… ou du Centre-sud. Malgré la neige accumulée, la bâtisse montrait encore des signes de l’incendie qui l’avait anéantie. Tobin pointa les murs noircis là où les flammes les avaient léchés. « C’est ici que la moitié de la guerre s’est décidée. Dix-huit morts, incluant la femme et les enfants d’Ignatio Maucieri, le parrain de la Petite Méditerranée… Barricadés en-dedans, nulle part où aller. Un bidon de gaz, une allumette, problème réglé. »
Félicia serra les dents.
Pendant que Tobin parlait, Espinosa s’affairait à détacher l’une des planches qui barricadaient l’arrière du café. Lorsqu’elle céda finalement, il prit une lampe de sa poche en disant : « On peut y aller… Félicia, aide Karl… On se rejoint à l’intérieur. »  
Guidé par Espinosa, les trois autres pénétrèrent dans l’ancien café en enjambant maints débris, soucieux de ne rien toucher : l’endroit était couvert de suie du sol au plafond. De grands pans de murs s’étaient effondrés; la structure en ciment avait toutefois tenu bon. Malgré le froid hivernal, l’air empestait l’humidité et la moisissure, l’abandon et la mort. Ils passèrent par ce qui avait été jadis l’arrière-boutique pour arriver dans la pièce principale. « C’est ici. »
Les quatre inspirèrent profondément, chacun entamant la routine qui affûterait son acuité. Alors que les initiés passaient des années à méditer avant d’atteindre l’état d’esprit particulier qui leur permettait d’apprendre et de mettre en œuvre les procédés inventés par leurs aînés – et éventuellement d’en découvrir eux-mêmes –, il suffisait de quelques instants aux praticiens aguerris pour le retrouver.
L’acuité ouvrait la voie aux choses cachées de ce monde… Parmi celles-ci, les impressions laissées par les victimes de mort violente au moment de leur décès, cet étrange enregistrement de leur identité et leurs émotions capable de perdurer après leur disparition.
C’est Tricane qui parla en premier. « Par ici… », dit-elle  en faisant un mouvement vague en direction de ce qui avait été la porte principale. Mandeville acquiesça. « Oui… J’aperçois des contours… C’est assez ténu…
— Je pense que je vois les enfants », enchaîna Gordon. « Leur mère est plus définie que les autres…
— C’est normal : elle comprenait mieux que les petits ce qui se passait… Elle devait souffrir de leur sort en plus du sien, l’impression est d’autant plus intense. Moi aussi, je les vois mieux… D’ici quelques minutes, ils seront clairs. »
Karl entra dans la pièce au rythme de ses contraintes, en s’appuyant lourdement sur Félicia.  
Dès qu’elle leva les yeux, Félicia figea sur place. Elle avait toujours voulu voir des impressions – plus jeune, elle avait même tenté d’en créer en faisant torturer puis tuer des pauvres bougres que Frank Batakovic aurait éliminés de toute façon. Tous ses efforts s’étaient avérés vains. Ce soir, on l’avait prévenue : elle serait peut-être déçue. Il était probable que son acuité ne soit pas encore assez développée pour les voir.
Or, sans même qu’elle se soit concentrée, voilà qu’elle distinguait une dizaine de silhouettes mal définies qui se précisaient de seconde en seconde… Avant qu’elle ait compris ce qui se produisait, les traits de ceux que l’ambition de son père avait tués étaient devenus aussi clairs que s’il s’agissait de personnes de chair et d’os. L’air interloqué, Tobin se contentait de chercher ce que tous les autres essayaient de voir.
 « Woah », laissa échapper Félicia, impressionnée.
Un peu surprise, Mandeville lui demanda : « Tu peux les voir? 
— Oui, je les vois parfaitement. Mais…
— Parfaitement?!
— Oui mais…
— Quoi?
— Qu’est-ce qu’ils ont à tous me regarder comme ça? »

lundi 9 août 2010

La course contre la montre

Alors que le mois d'août avance, mes jours (d'écriture) sont comptés... Je devrai bientôt investir une part substantielle de mon énergie à préparer mes cours pour l'automne (incluant encore un nouveau cours - pas que je me plaigne! - ainsi que la mise à jour d'un autre que je n'ai pas donné depuis quelques années). J'ai tout de même espoir de réussir à compléter mon premier jet de Mythologies avant la rentrée. J'entre dans le coeur de la dernière partie avant l'épilogue (qui ne demandera qu'une journée tout au plus...). J'espère que je pourrai avancer avec constance et clarté sans devenir la proie de quelque distraction en cours de route...

Je me croise les doigts et JE FONCE!

Merci à tous ceux qui me lisent (ou qui le voudraient) pour leur support continu!

dimanche 8 août 2010

Le Noeud Gordien, épisode 132 : Territoires, 2e partie

Le repère des Rottens était situé dans un ancien squat à la limite du Centre-Sud. Des planches de bois barricadaient les trois étages du bâtiment, ne laissant passer que de fins pinceaux de lumière. Personne n’y payait l’électricité depuis belle lurette; l’endroit n’était conséquemment jamais complètement éclairé ni réchauffé. Les occupants comptaient plutôt sur une génératrice qui vrombissait en permanence.
Enfin, c’était vrai pour ceux qui se trouvaient au rez-de-chaussée, là où on brassait les affaires; ceux qui faisaient le guet au troisième étage se trouvaient beaucoup trop loin pour en profiter. Ils devaient se contenter d’un petit feu de foyer qu’ils entretenaient avec des détritus ou des morceaux de contreplaqué arrachés au mur qui brûlaient en dégageant une fumée noire et toxique. Ils se relayaient, deux par deux : un guettait la rue devant, l’autre la ruelle derrière. Ils avaient pour consigne de sonner l’alarme au moindre signe de menace. Outre les revendeurs qui s’approvisionnaient au repère plus ou moins quotidiennement, tous ceux qui s’en approchaient étaient considérées comme des menaces potentielles. La plupart étaient des piétons, ces clochards, paumés et drogués qui arpentaient les environs sans destination réelle, juste pour échapper aux griffes glacées de l’hypothermie. Les voitures circulaient rarement dans cette section de La Cité; celles qui demeuraient stationnées sans surveillance étaient typiquement cambriolées durant la première heure. Si elles y restaient plus longtemps, elles finissaient vite démantelées et vendues en pièces détachées à des ferrailleurs.
La surveillance était un travail abrutissant. Il ne restait qu’à trouver le moyen de rendre les heures moins pénibles.
Bass faisait les cent pas, les mains coincées sous les aisselles sans vraiment réussir à les réchauffer. « Passe-moi la bouteille », dit-il à son frère de l’autre côté de la pièce.
Ils ne devaient pas boire durant le travail, mais qui pouvait les blâmer? Le rhum blanc laissait un sillon de feu en descendant dans leur gosier, suivi d’une agréable sensation de chaleur rayonnante – ils ignoraient qu’au final, ce rayonnement les laissait encore plus froid qu’avant; ils se contentaient de boire à nouveau quelques minutes plus tard.
« Combien de temps il nous reste?
— Une demi-heure… » Jay soufflait sur son nez pour le réchauffer. Le confort n’était que passager : la vapeur d’eau de son haleine le refroidissait plutôt.
Ils gagnaient moins d’argent en jouant les vigies qu’en vendant de la drogue dans leur demi-sous-sol, mais ici, ils avaient la possibilité de gravir les échelons vers une position bien meilleure que celle qu’ils avaient quittée. Plus important encore, les Rottens veillaient sur les leurs. Après que des motards eussent débarqués chez eux armés jusqu’aux dents, ils avaient compris l’importance – l’urgence – de s’allier à plus grand qu’eux.
« J’ai-tu hâte qu’on ait fini avec le niaisage! Ça nous prend de l’action!
— Paraît qu’on va faire un move dans la Petite Méditerranée dans pas long…
— Ça veut dire qu’ils vont avoir besoin de nous autres, ça… Bonne chose. Bonne chose. »
Bass prit la dernière cigarette de son paquet. Il alla le jeter dans le feu. Pendant une seconde vite passée, les flammes gagnèrent en intensité. Il demeura quelques instants devait le foyer à voir les flammes bleuir et verdir en consumant l’encre et le carton glacé. « Qu’est-ce qu’on fait à soir? Ça te tentes-tu de sortir?
— On va aller au Den. Tu devrais voir la nouvelle barmaid… Elle est juste… incroyable. Pis c’est clair qu’elle me veut...
— Est-ce qu’elle le sait? », dit Bass en retournant à son poste. De retour à la fenêtre, il figea : une camionnette avait eu le temps d’arriver à la hauteur du repère, la porte coulissante grande ouverte. La surprise retarda d’une seconde le cri d’alarme; deux gars tout en noir eurent le temps de balancer des cocktails Molotov sur la façade. Le bruit de verre brisé fut immédiatement suivi de coups de feu provenant du rez-de-chaussée. La fourgonnette accéléra et tourna le coin.
Jay et Bass échangèrent un regard avant de dégainer et d’enlever le cran de sûreté sur leurs armes. Ils déboulèrent presque les escaliers jusqu’en bas.
Marcus aboyait ses ordres à gauche et à droite pour coordonner l’évacuation. C’était un gangster de carrière au gabarit solide, à la frontière de l’obésité, qui portait des lunettes à grosses montures et une barbichette mal entretenue.
« Toi et toi, vous sortez en premier par la ruelle… Tirez sur tout ce qui bouge. Vous deux, restez autour de moi. Toi, appelle Johnny, dis-lui qu’on a de la visite… »
En voyant Jay et Bass descendre, il leur dit : « Vous deux, vous couvrez l’arrière! Sortez après moi et suivez-nous. »
Les flammes avaient gagné toute la façade ouest; il ne leur restait plus que la ruelle. Marcus ne se faisait pas d’illusion : on cherchait à les enfumer. « On va se faire tirer dessus, soyez prêts! Dans trois, deux, un… »
Les deux hommes d’avant-garde sortirent; ils n’avaient pas fait trois pas que déjà, les balles sifflaient autour d’eux. Ils plongèrent à couvert. « Ils sont au sud! Au moins trois! »
Marcus et son escorte s’apprêtèrent à se lancer. Il portait un gros sac de sport – une quantité appréciable de drogue mais surtout les recettes de la journée en espèces.
« C’est à nous! Couvrez-nous dans trois, deux, un… »
Les hommes d’avant-garde se mirent à faire feu ici et là, non pas dans l’idée de toucher leurs assaillants, mais plutôt de les faire baisser la tête pendant que Marcus se mettait à l’abri, suivi de près par Jay et Bass. L’un des hommes d’avant-garde fut touché par une balle au torse; il s’effondra sans un cri.
Arrivés à la première intersection, les fuyards découvrirent qu’on les avait pris en tenaille – comme Marcus l’avait craint. Huit Sons of a Gun les y attendaient, pistolets mitrailleurs pointés. Résister signifiait une mort certaine. Marcus fit signe aux autres de ne pas tirer en laissant tomber son précieux sac. Ils baissèrent leurs armes. Les coups de feu avaient cessé derrière eux; l’homme qu’ils avaient laissé derrière s’était-il rendu aussi? Était-il mort?
« À genoux, mains sur la tête! » dit le plus imposant des attaquants. Bass reconnut le motard qui s’était présenté chez lui le jour où Nini avait été blessée. Toute pensée rationnelle disparut instantanément de sa tête.
Il avait toujours aimé Aizalyasni, malgré qu’elle eût choisi Jay. Il n’avait jamais rien dit lorsqu’il les entendait baiser dans la chambre d’à-côté ou lorsqu’il avait commencé à la pimper.  Jay était son frère, Jay s’était toujours occupé de lui. Quelle autre option s’offrait à Bass sinon faire un homme de lui et ravaler ses sentiments déplacés?
Puis on avait tiré sur elle. C’était Jay qui avait tenu le gun qui avait déclenché les hostilités, mais c’était Bass qui avait ouvert la porte. Il n’avait jamais cessé de se sentir coupable de cet incident pour le moins fâcheux.
Le mélange explosif d’adrénaline et de rhum fit disparaître toute la périphérie de son champ de vision. Dans le monde de Bass, il n’y avait plus que lui et le gros sale qui avait presque tué Nini, et encore seulement parce qu’il avait raté Jay. Le souffle court, le sang battant à ses tempes, il agit comme un automate ou un possédé, étranger à lui-même. Il mit la main sur l’arme d’appoint qu’il avait cachée au creux de ses reins. D’un mouvement vif et fluide, il la pointa sur l’homme haï sans penser un instant aux conséquences de son geste.
Un coup de feu retentit avant même qu’il n’ait pu appuyer sur la gâchette. La colère fut remplacée par la pire douleur qu’il avait connue alors que sa main et l’arme qu’il tenait étaient pulvérisées par la balle.
Le coup provenait d’un type qui n’avait rien d’un motard; il portait une chemise à carreaux et des lunettes d’un style dépassé depuis vingt ans.
Jésus Crisse siffla son admiration pendant que Bass se tordait de douleur. « Nice shot!
— Je visais la tête », répondit Katzko en haussant les épaules. 

dimanche 1 août 2010

Le Noeud Gordien, épisode 131 : Territoires, 1re partie

Partout dans le monde, la vie dans la rue est reconnue pour sa dureté. Elle était doublement dure pour les villes qui, comme La Cité, devaient aussi composer avec la rudesse de l’hiver. Le blizzard avait soufflé pendant presque trois jours avant de s’éteindre. Le proverbial calme après la tempête s’était avéré glacial; l’absence de vent conférait au décor un air d’immobilité, comme si tout retenait son souffle en attendant la fonte.
Garnotte entra dans La détente comme une bouffée de froidure. Il était petit et trapu; sa barbe était couverte de frimas, vestiges cristallisés de sa respiration. Il portait couches sur couches de vêtements chauds mais son visage n’était pas moins tout rouge. En cette journée sibérienne, c’était son tour d’être vigie pour les Sons of a Gun. « Il y a encore des ti-clins qui font leur show dans la rue… ».
Les ti-clins en question étaient des membres des Rottens, l’un des gangs les plus actifs dans la guerre contre les motards. Après la mort de Lev Lytvyn – et en raison de l’approche moins monopolistique de son successeur – les gangs étaient apparus comme les champignons après la pluie. Les groupes criminels des villes avoisinantes avaient implanté des cellules dans La Cité; plusieurs « entrepreneurs » locaux s’étaient aussi lancés en affaire afin de gagner leur part du gâteau  – par la force au besoin.
Il était communément admis que les Rottens se distinguaient des autres gangs de rue : ils étaient plus organisés, mieux armés que la plupart. Surtout, ils recrutaient agressivement les jeunes de La Cité; à ce rythme, ils deviendraient sous peu l’un des poids lourds du monde interlope.
Leur show était quant à lui une parade en voiture sur l’avenue De L’Irlande en arborant fièrement leurs couleurs, rouge sur fond noir. C’était une incursion en règle au cœur du territoire des Sons of a Gun, une provocation explicite.
Lorsque les Rottens repassèrent, ils étaient attendus : six motards les attendaient sur ce qui avait été la terrasse du bar. Ils entendirent la voiture longtemps avant de la voir : les vibrations de la musique que ses passagers écoutaient à tue-tête les annonçaient à des mètres à la ronde. Lorsqu’ils arrivèrent à la hauteur de La détente, les motards ouvrirent leurs vestes pour leur montrer des revolvers, des carabines, mais surtout deux pistolets mitrailleurs et même un fusil d’assaut que tenait le gigantesque Jésus Crisse dans son long manteau de cuir.
Le show était fini : les Rottens accélérèrent immédiatement. Les motards s’amusèrent de les voir déraper sur l’asphalte mal déneigée. Ils tournèrent à gauche sur la 23e rue Est et retournèrent à toute vitesse vers leur territoire.
« On rentre? » demanda un motard en soufflant dans ses mains.
« Ouais », dit Garnotte. « Je vais finir mon temps dehors. Restez prêts au cas où. »
D’un ton grave, Jésus dit : « Va falloir leur montrer c’est quoi un territoire… 
— « Okay. On appelle Goudron. On va voir ».  
Le chef débarqua à La détente quelques minutes plus tard.
« Pas une semaine sans qu’ils viennent nous niaiser chez nous », résuma Jésus. S’ils ne faisaient rien, leur réputation s’en trouvaient diminuée, mais une fusillade devant leur local équivalait à inviter la police chez eux. Tous les Sons of a gun comprenaient le caractère délicat de leur situation.
« Là, c’est à notre tour », répondit Goudron. « Mais ils vont voir que nous autres, on ne niaise pas. Cette semaine, les gars ont trouvé une de leurs places… À les voir entrer et sortir, c’est probablement là qu’ils gardent leur coke pour tout le quartier.
— Je l’ai vue leur place », répondit un des gars. « C’est une vraie forteresse! 
— Pas de problème. Si c’est dur d’entrer, on va les faire sortir… Appelez Katzko. Il ne voudra pas manquer ça… Il faut que ça se fasse tout de suite! Allez! On bouge! »