dimanche 28 février 2016

Le Nœud Gordien, épisode 409 : Engrenages, 2e partie

Le réfectoire devint silencieux, en état d’alerte. Une adolescente encapuchonnée se leva, poings serrés, prête à bondir sur lui pour lui faire payer cette tromperie dont elle ignorait la nature. D’autres firent pareil à sa suite. Olson avait le doigt dans l’engrenage. À moins d’agir vite, il allait se faire tabasser et expulser manu militari. Au milieu de la zone radiesthésique, il ne pouvait pas compter sur son art pour se défendre; il décida donc d’abattre son jeu.
Sans dire un mot, sans formuler quelque argumentaire, il se contenta d’ouvrir son esprit aux deux autres.
Ma plus grande passion est d’améliorer le corps humain, accroitre ses capacités, repousser ses limites, découvrir son plein potentiel.
J’ai réussi à percer le mécanisme d’émission de phéromones chez l’humain. Je l’ai enrichi. Je suis capable d’en jouer.
Grâce à ces agents chimiques, mon associée et moi pouvons influencer, jusqu’à un certain degré, les réactions de ceux qui y sont sensibles – tous ne sont pas également affectés.
Oui, Timothée compte sans doute parmi eux, pensa-t-il en se remémorant son « Vous êtes beaux! »
Mon intention n’a jamais été de vous tromper. Mes phéromones font partie de moi, autant que votre lien télépathique fait partie de vous…
Timothée demanda : « Pourquoi n’avons-nous pas détecté de magie sur le pont? »
Olson tressaillit. Les Seize décourageaient depuis toujours l’emploi du terme magie, à la fois vulgaire et révélateur de la nature de leur entreprise. Et lui, il l’utilisait devant tout le monde…
Il s’agit d’une altération de la biochimie de mon corps, et non d’un procédé actif. Sur le coup, je n’y avais même pas pensé. Puis, à voix haute : « Je n’ai jamais eu pour objectif de vous tromper.
— Pourquoi, alors, vouloir nous le cacher?
— Afin d’éviter ce qui est en train de se produire à l’instant : que vous y voyiez un indice de mauvaise volonté, alors que ce n’est pas le cas. » Son plaidoyer fut suivi d’un lourd silence.
« Il dit vrai », annonça Aizalyasni. La tension retomba d’un cran, mais l’attitude de ceux qui l’entouraient lui faisait comprendre qu’il avait intérêt à montrer patte blanche, sans quoi il aurait affaire à eux.
« Tassez les meubles », dit Tim pour finir de changer le sujet. « C’est l’heure. »
Tout le monde se mit au travail avec l’harmonie de la tâche maintes fois répétée. Aizalyasni ferma les yeux un instant; un bruit retentit. Un son pur, cristallin, qu’Olson n’entendit pas avec ses oreilles, mais avec son esprit. D’autres individus se mirent à arriver par petites grappes.
Les cloches de l’église avaient sonné, les fidèles se rendaient à l’office.
« Les oraisons ont lieu deux fois par jour », expliqua Timothée pendant qu’Olson regardait la masse bigarrée entrer dans la pièce. « Tu verras qu’il n’y a rien pour menacer vos secrets, simplement une série de mouvements que nous accomplissons à l’unisson. »
Il s’apprêtait à souligner que discuter publiquement de l’existence de tels secrets dans une salle bondée n’était pas exactement un indice de discrétion, mais Timothée l’interrompit. « Ne t’en fais pas : personne ne nous entend. Tu vois? » En effet… Distrait par ses observations, Olson n’avait pas remarqué que les lèvres de Timothée ne bougeaient pas.
Donc, l’oraison, ces mouvements… Quel rôle jouent-ils?
« Ils font du bien à tout le monde. »
Cette réponse n’en était pas une. Loin du Centre-Sud, Timothée était plus loquace… Était-ce la présence d’Aizalyasni, du Cercle, des fidèles qui changeait la donne? Timothée perçut sans doute son interrogation – comme tout le reste –, mais il décida de ne pas y répondre.
« On va commencer. Tu peux participer, si tu veux… »
When in Rome, do as the Romans do, se dit Olson en acquiesçant. Peut-être que ceux qui s’étaient braqués contre lui accepteraient mieux sa présence après l’avoir vu participer au rituel.
Tim alla se positionner au centre de la pièce; Olson choisit un coin discret où il pourrait bien voir… Aizalyasni frappa trois fois dans ses mains : le signal était donné.
Le début de l’oraison rappelait les premiers exercices respiratoires qu’on enseignait aux initiés. Olson mima les gestes sans difficulté; il dut toutefois s’ébrouer à quelques reprises.
Au premier abord, les mouvements de la deuxième séquence semblaient être un patchwork d’exercices yogiques à rabais, excisés de toute substance… Mais de fil en aiguille, Olson comprit ce qui se cachait derrière l’oraison.
Ce que les Maîtres traçaient à l’encre sur du papier, ou à la craie sur le sol, les fidèles le dessinaient dans l’air, grâce à leurs gestes.
Pour ses yeux entraînés, c’était une évidence; mais est-ce que les fidèles comprenaient ce qu’ils faisaient? Est-ce qu’on pouvait parler d’une réelle brèche des cinq principes?
La question la plus préoccupante, toutefois, était : à quoi peut servir ce procédé, répété deux fois par jour, par des dizaines de participants, dans la zone radiesthésique?  
À sa connaissance, il était impossible pour un civil de réaliser un procédé. Était-ce différent s’ils se coordonnaient en nombre suffisant? Impossible de le savoir sans recourir à l’acuité. Et impossible de retourner au quartier général sans en avoir le cœur net. Olson décida de prendre un risque calculé : il cessa de résister à l’état second.
Il était convaincu de pouvoir gérer l’énergie radiesthésique s’il se limitait à quelques instants, mais dès la première seconde, il découvrit avec qu’il avait sous-estimé l’intensité monstrueuse de l’énergie ambiante. Il se sentit submergé par un raz-de-marée capable de l’emporter et le dissoudre dans son immensité.
Aussi sonné que s’il avait reçu un coup de bélier, il s’efforça de fermer les vannes avant qu’il ne soit trop tard. Il parvint à conserver son identité de justesse, en grande partie grâce à l’assise solide que lui avait conféré la réalisation du Grand Œuvre.
C’est en reprenant conscience qu’il réalisa qu’il l’avait perdue. Les gens du Terminus étaient massés autour de lui avec une variété d’expressions où l’inquiétude prédominait. Les murmures se turent lorsqu’il tenta de se relever.
« Est-ce que ça va? », demanda un quidam.
« Oui, oui », répondit-il machinalement. Après un instant, l’oraison reprit.
Olson pour sa part préféra rester à l’écart. L’épisode avait été court mais brutal; il n’était pas certain de s’en être ressorti indemne. Son corps ne portait aucune trace, mais…
En s’y attardant, il eut l’impression que quelque chose en lui s’était cassé, une pièce maintenant distincte du reste… Comme si un rouage s’était détaché. Il n’aurait pas été surpris, en bougeant la tête, d’entendre l’engrenage cliqueter dans son crâne.
Il aurait dû être inquiet… Mais une partie de lui – cette nouvelle pièce mobile? – lui soufflait que c’était peut-être pour le mieux…

dimanche 21 février 2016

Le Nœud Gordien, épisode 408 : Engrenages, 1re partie

Dans le cadre de leurs négociations, Olson et Timothée avaient convenu que le Maître irait visiter le Terminus, afin de s’assurer que les activités qui s’y tenaient respectaient les cinq principes auxquels ils avaient accepté de se soumettre.
Karl Tobin devait lui servir de guide; Olson le rejoignit à la frontière du Centre-Sud. Les deux hommes s’y engagèrent à pied, côte à côte, sans que l’un ou l’autre ne ressente le besoin de lier une conversation.
Traverser le boulevard St-Martin, c’était quasiment sortir de La Cité pour entrer dans une sorte de far-West urbain où vivait – il aurait été plus correct de dire survivait – cette race qui choisissait l’indigence plutôt que de lutter bec et ongles pour améliorer son sort. Partout, la faim, le froid, la saleté, la violence… Au fond, qu’il s’agisse des masses entassées dans les bidonvilles de Caracas ou l’éclopé solitaire tendant l’écuelle à la sortie du métro, la misère était partout pareille.
Daniel Olson connaissait bien les discours de sociologues qui soulignaient comment certaines forces maintenaient les démunis dans la dèche et les empêchaient de se hisser vers quelque chose de mieux. Il était toutefois convaincu que ce point de vue escamotait une évidence : c’était à l’individu que revenait la responsabilité première de son sort, bon ou mauvais. Si celui-ci n’était pas l’unique cause de sa situation, il était nécessairement coupable de son maintien.
À mesure qu’ils cheminèrent dans les méandres du quartier abandonné, Olson observa une évolution dans la composition de la faune locale. Les gens qui erraient à la frontière étaient les plus crasseux, les plus trash, ceux chez qui on devinait une agressivité larvée qui ne demandait qu’à devenir violente. Plus loin, leur nombre diminuait de plus en plus, jusqu’à donner aux environs un air de ville fantôme au silence inquiétant. Après ce no man’s land toutefois, ils se mirent à apercevoir des résidents d’une autre trempe. Leurs vêtements étaient propres, leurs regards amicaux plutôt qu’éteints ou menaçants… Beaucoup semblaient même bien nourris. Olson comprit qu’ils arriveraient bientôt au Terminus. L’anathème – et les Trois après elle – avaient créé un véritable îlot d’humanité au milieu d’un océan de merde.
Le bâtiment comme tel était plutôt délabré; une section du toit était noircie de suie; des impacts de balle criblaient les alentours de la porte principale. Deux hommes montaient la garde. Le premier était assez costaud; il avait le regard vague et les yeux rougis des fumeurs d’herbe. L’autre était on ne peut plus différent : un adolescent asiatique malingre, qui tenait un pistolet d’une main qu’Olson devinait moite – il ajustait sans cesse sa prise, comme si l’arme était un poisson gluant capable de lui échapper à tout moment. Il scruta Olson de haut en bas, les yeux écarquillés, en proie à un attrait manifeste. Lorsqu’il lui sourit en le dépassant, le garçon sursauta, comme s’il n’avait jamais imaginé qu’Olson ait pu remarquer son émoi.
Ils entrèrent dans grande pièce déserte qui puait la moisissure et la transpiration. « C’est par ici », dit Tobin en le guidant à l’arrière, vers un escalier qui détonnait avec le reste de la bâtisse, avec son marbre et ses dorures.
Ils aboutirent dans une sorte de cafétéria fourmillant d’activité. Une bonne odeur de café et de pain grillé embaumait l’air. Une dizaine d’hommes et de femmes de tout âge s’y trouvaient. Plusieurs têtes se retournèrent à son entrée. Olson balaya la salle du regard avec un sourire bienveillant.
« Je vais chercher Tim », dit Tobin.
« Pas besoin : nous sommes là », dit une voix derrière eux.
Olson se retourna. Timothée se tenait dans l’embrasure de la porte. Il n’était pas seul : une jeune femme à la beauté remarquable était avec lui.
« Merci pour le compliment », dit-elle avec un sourire. « Je suis Aizalyasni. Enchantée de te rencontrer en personne… »
En personne. Elle alludait au fait qu’elle avait assisté, à travers Timothée, à leurs rencontres précédentes.
Plus important, le compliment lui rappelait qu’au cœur de la zone radiesthésique, ils pouvaient lire son esprit comme un livre ouvert. Olson veilla à museler ses pensées, surtout celles à propos de…
Shit.
« Tu nous as trompés!? », s’exclama la jeune femme.
« Et tu continues à le faire! », ajouta Timothée.
Olson déglutit. Venait-il de mettre en péril leur trêve encore précaire, par une simple pensée maladroite? 

dimanche 14 février 2016

Le Nœud Gordien, épisode 407 : Comité d’accueil

Ils revisitèrent le lendemain le site de la conflagration, afin de vérifier si la disparition de Harré n’était que temporaire. La crainte de Gordon s’avéra : l’impression n’était pas revenue.
De retour à la voiture, il s’emmura dans un silence contrarié. Félicia n’insista pas pour engager un dialogue : elle ordonna au conducteur de les ramener à leur hôtel.
Voici ce qu’il faut que tu saches : pour me revoir, tu devras faire l’impensable, et qu’on fasse pour toi deux fois l’impossible. Mes deux cadeaux te montreront le chemin …
Les paroles de Harré jouaient en boucle dans l’esprit de Gordon… Pour me revoir, avait-il dit… Avait-il raté sa chance de retrouver Harré, et avec lui, le chemin du paradis perdu? Félicia revenait avait proposé l’hypothèse que Harré ait en quelque sorte possédé Gordon. Il fallait admettre qu’il considérait cette possibilité moins dérangeante que l’autre – que Harré soit disparu pour de bon.
Sans le spectre de Harré, plus rien ne les retenaient à Zurich. Il restait des billets pour La Cité le jour même, un vol direct qui partait à minuit dix. Lytvyn s’occupa de toutes les formalités.
La première classe de leur avion offrait ces places confortables aux allures de fauteuils, avec assez de dégagement pour étirer les jambes et dormir dans un relatif confort. Félicia roupillait avant même que l’avion ait atteint sa vitesse de croisière, laissant Gordon seul avec ses pensées.
Le brouhaha du service des repas la réveilla quelques heures plus tard. Elle s’étira en baillant avant de se déchausser pour masser la plante de ses pieds. Gordon lui-même commençait à avoir des fourmis dans les jambes.
« Toi, tu ne dors jamais, hein? » Elle bailla de nouveau.
Gordon fit non de la tête.
« C’est peut-être une bonne chose, quand on y pense. Le, hum, passager d’Alice Gauss prenait le volant seulement lorsqu’elle dormait. Et Hill, lui, n’a pas pu le faire avant d’y être… invité. » Elle mima du bout du doigt le tracé du symbole par lequel Hill avait pris le contrôle d’Édouard.
« Tu penses vraiment que c’est la même chose pour moi? Que j’ai… un passager clandestin?
— Pourquoi est-ce si difficile pour toi d’admettre cette possibilité?
— Nous savons que Harré est disparu, mais nous n’avons pas le moindre indice qui supporte ton idée… » En fait, Gordon ne demandait qu’à être convaincu. Échaudé par leur échec apparent, il lui était difficile de se permettre d’espérer à nouveau.
« Dès notre retour, je vais faire sortir Harré comme je l’ai fait avec Hill.
— Ce sera une parfaite occasion de vérifier ton hypothèse », dit Gordon.
« Tu vas bien voir que j’ai raison. Encore une fois. »
Il choisit de prendre son effronterie avec le sourire. « On verra bien. »
La conversation était close. Félicia tourna la tête vers le hublot, le ciel et les nuages. Gordon, de son côté, se laissa tenter à jongler avec les et si… Et si le fantôme de Harré se trouvait bel et bien en lui? Pourquoi se contenter de discuter avec lui? Et s’il trouvait plutôt un moyen d’absorber le savoir et la puissance de Harré, tout en demeurant en selle?
Félicia se rendormit après le repas. Elle n’ouvrit les yeux à nouveau qu’au moment de l’annonce de leur atterrissage imminent.
Même s’il n’avait plus besoin de dormir, Gordon demeurait affecté par cette fatigue toute particulière qui découle des longs vols. Il ne fut pas fâché de toucher terre.
« Il ne pleut pas », remarqua Félicia une fois l’appareil immobilisé. « Sais-tu ce qui s’est passé?
— Non », répondit-il. La pluie torrentielle avait été un effet secondaire du grand rituel qui diffusait le trop-plein d’énergie radiesthésique de La Cité. L’implication était manifeste : soit le rituel avait été altéré, soit on l’avait laissé se dissiper. Il allait devoir tirer cela au clair...
Leur section de l’avion fut la première à sortir. En passant la porte, Gordon tombèrent nez à nez avec un comité d’accueil inattendu. Claude Sutton était campé devant lui, flanqué de quatre agents de police et – horreur! – accompagné d’un petit groupe de journalistes et de photographes.
« Gordon Abraham, vous êtes en état d’arrestation pour production et trafic de substances illégales... » Sutton continua à énumérer ses infractions et ses droits pendant qu’un agent lui passait les menottes sous les yeux d’une Félicia médusée.

dimanche 7 février 2016

Le Nœud Gordien, épisode 406 : Conflagration

Il fallut un moment à Gordon pour se remettre du choc qui l’avait hébété. La bouteille d’eau que Félicia lui tendit l’aida beaucoup; le cylindre de plastique dans sa main lui permit de se raccrocher à quelque chose, même si ce quelque chose n’était, lui, arrimé à rien. Chaque gorgée tiède le ramena un peu plus à lui-même.
Pendant ce temps, Félicia gesticulait en parlant à toute vitesse. Gordon la regardait sans vraiment l’écouter, comme si elle n’était qu’une émission de télévision au fond d’une salle d’attente.
Il comprit enfin l’affolement de Félicia lorsque son esprit saisit ce qu’elle lui avait dit une minute plus tôt. Harré n’est plus là.
Il essaya de se lever, mais son corps était plein de courbatures, comme s’il était resté gisant depuis des jours. Félicia l’aida à se hisser debout; il s’appuya sur elle comme un vieillard sur sa canne, reconnaissant de sentir sa présence contre lui, mais piqué d’apparaître si affaibli devant elle.
« Qu’est-ce qui s’est passé? », demanda-t-il d’une voix rauque.
Elle le scruta comme s’il était tombé sur la tête – à tout prendre, elle avait peut-être raison. «  Je viens de te le dire!
— Mes oreilles bourdonnaient… Je n’ai pas pu comprendre.
— Lorsque tu es arrivé au centre du cercle, il y a eu une conflagration… », dit-elle, plus fort que nécessaire : chaque mot fit résonner son crâne comme une cloche.
« Était-ce du feu de Saint-Elme? »
Elle fit non de la tête. « L’impression de Harré est devenue toute lumineuse, puis elle est disparue. Au même moment, il y a eu une onde de choc… Je l’ai ressentie jusqu’en-dehors du cercle. Ça m’a fait l’effet d’une grosse bourrasque, silencieuse mais intense. J’ai été poussée sur quelques pas, mais toi, tu as été carrément projeté par terre.
— Est-ce que… Est-ce que je me suis cogné la tête? », Ce qui restait de sable dans sa bouche laissait croire que oui. Et cette migraine… À tout le moins, ses pensées commençaient à reprendre leur cours normal.
« Peut-être », admit-elle. « Mais le sol est en terre meuble. Tu n’as pas à t’inquiéter pour une commotion cérébrale… »
Commotion ou pas, il se sentait faible, capable de retomber au moindre coup de vent. « Ce qui m’inquiète, c’est surtout Harré… Tu es certaine qu’il est disparu? »
Félicia fit un geste des exaspéré. « Oui, je suis certaine! Vas-tu finir par me faire confiance? »
Son impatience irrita Gordon. « Calme-toi, veux-tu? 
Je suis très calme!
— Nous devons comprendre ce qui s’est produit », dit Gordon, réfléchissant à voix haute. « Je vois deux possibilités : soit l’impression de Harré s’est dissipée… Soit elle s’est animée. Mise en mouvement… »
Félicia le scruta un instant, les bras croisés comme une enfant boudeuse. « Tu oublies la plus évidente », ajouta-t-elle d’un ton sec.
Gordon passa en revue les possibles, mais rien d’autre ne lui vint en tête. « Laquelle?
— La même chose que Batakovic et la petite Alice. La même chose que Hill avec Édouard. Moi, je pense que Harré s’est peut-être invité chez toi. La bonne nouvelle, c’est que si c’est le cas, au moins, tu es en contrôle. Pour le moment.
Gordon se sentit presque défaillir. « Non, ce n’est pas possible…
—Désolée, Gordon. Nous ne pouvons pas prendre ce risque.
— Tu as raison. Nous devons tirer cela au clair. Une fois cette théorie invalidée, nous pourrons nous concentrer sur les autres… »
Toujours les bras croisés, l’expression sévère, Félicia dit : « Je savais tellement que c’était une mauvaise idée… »
Il fallait l’admettre : cette fois, elle avait raison.