dimanche 25 octobre 2015

Le Nœud Gordien, épisode 393 : Liaison, 3e partie

Karl Tobin sortit de la chambre, mais la fille ne se trouvait ni dans le couloir aux portes, ni dans l’espèce de cafétéria. C’était physiquement impossible qu’elle ait couru si vite, et pourtant elle n’était nulle part. Les gens alentour mangeaient, riaient, flânaient comme si rien n’était; rien ne laissait croire que quiconque ait vu une jeune femme paniquée traverser la pièce en coup de vent. Interloqué, il continua jusqu’à la porte interdite, tenté d’aller voir si elle ne se trouvait pas derrière…
Une conversation animée avait lieu en haut des marches. Il reconnut la voix de Mike… Et celle de la fille. Il monta les rejoindre. Un petit attroupement s’était formé autour d’eux. Il y avait Timothée, Djo et une femme avec une face de meth head
« Nini, tu es certaine? Tu ne vois rien d’autre? »
La fille – Nini – et Tim étaient tournés dans la même direction, comme s’ils regardaient non pas les murs du Terminus, mais quelque chose au-delà, plus loin au nord-ouest.
« Ils sont trois. Il a mal », ajouta-t-elle en frottant son abdomen. « La pluie… Ils sont dehors. C’est flou… Une voiture… Noire.
— Quel modèle? », demanda Mike.
Les deux haussèrent les épaules en même temps. « Nous ne connaissons rien en voitures… »
L’idée que quelqu’un ne puisse pas répondre à une question aussi élémentaire semblait absurde aux yeux de Karl. Il allait demander qu’on la lui décrive, mais Tim et la fille ployèrent en gémissant, en proie à une douleur venue de nulle part. Nini était blanche comme un drap; Tim, sur le point de défaillir, dut s’appuyer sur l’épaule de son voisin pour rester debout. La femme au visage ravagé brisa le silence pour exprimer sa crainte du pire : « Est-ce qu’il est mort? »
Tim et Nini firent non de la tête. « Il est KO », dit l’un.
« Nous avons perdu contact », dit l’autre.
« Ça ne doit pas être un hasard », dit la droguée, comme si elle pensait à voix haute. Sa dentition trouée rendait sa voix chuintante. Elle pointa Karl. « Lui, il arrive et paf! Martin se fait attaquer juste au moment où… »
Karl allait lui dire où elle pouvait s’enfoncer ses soupçons quand Timothée dit : « Non. Gigi, tu regrettes de ne pas avoir été avec Martin, de ne pas avoir pu faire quelque chose pour empêcher son enlèvement, mais lancer des accusations infondées ne nous mènera nulle part. »
Tiens toé, pensa Karl. Mike fit un mouvement subtil à l’intention de Djo, qui prit Gigi par le bras. Elle se laissa guider sans rouspéter.
« Nous savons que tu es avec nous », dit Tim à Karl. « Mais qu’en est-il des Maîtres qui t’ont ramené à la vie? Est-ce qu’ils peuvent s’en être pris à Martin? »
La question était pertinente. Peut-être qu’ils se servaient de lui comme d’un pion, en le maintenant dans le noir. « P’t’être bien que oui, p’t’être bien que non.
— Martin a été attaqué au moment le plus stratégique possible…
— Alors qu’il était loin de nous deux, en-dehors du cercle. 
— Bon », dit Mike. « Comment on fait pour le retrouver, maintenant? »
Tim et la fille gardèrent le silence un long moment. « C’est… difficile.
— Sans Martin, nous ne pensons pas de la même manière.
— Chacun de nous apporte quelque chose…
— Martin est bon pour décider.
— Depuis que Madame nous a quittés.
— Et sans son apport…
— Nous sommes diminués. 
— Ben, demandez-lui… », dit Karl.
« Notre connexion est coupée. Nous…
— Pas à Martin. À Madame. À Tricane. La poupée… 
— Ça ne fonctionnera pas.
— Elle n’a pas bougé depuis…
— …qu’elle s’est animée devant toi.
— Nous avons déjà essayé…
— …sans succès.
— Ouais », dit Karl. « Eh ben, si elle bouge seulement pour moi, ça tombe bien : je suis ici. Autant en profiter, hein? »
Les autres ne semblaient pas convaincus.

dimanche 18 octobre 2015

Le Nœud Gordien, épisode 392 : Fait

Le silence s’étira, entrecoupé de reniflements. Chanelle tenait une boule de papiers mouchoirs dans sa main qui suffisaient à peine à éponger ce qui coulait de son nez et ses yeux.
« Des fois, c’est juste… trop », reprit la femme devant l’assemblée des anonymes. « C’est comme si, t’sais, le plaisir n’existait plus? Alors j’évite la tentation, j’évite les fêtes, j’évite tout le monde qui pourrait me redonner envie de consommer… » Elle éclata en sanglots. « J’évite tout… Tout ce qui pourrait me donner envie d’avoir du plaisir! »
Certains membres de l’assistance étaient mal à l’aise face à cette effusion, mais Martin laissa les larmes couler. Il devinait que le temps d’intervenir n’était pas tout-à-fait venu…
Le local était trop à l’est pour toucher au cercle qu’il avait ouvert en suivant les instructions de Madame. La distance était assez grande pour resserrer les frontières de son esprit, assez pour que les pensées des autres cessent s’immiscent dans les siennes. Toutefois, même séparé de la trinité, il demeurait hypersensible aux émotions des gens sans aucune aide surnaturelle. Il avait développé une compréhension accrue d’autrui au fil des semaines, entouré de gens qu’il pouvait lire comme autant de livres ouverts. De plus, l’esprit de Timothée, fils de psy, lui avait fourni tout un bagage théorique qui lui permettait de nommer ce qu’il intuitionnait…
« La consommation ne donne pas vraiment du plaisir », dit-il lorsqu’une accalmie survint dans la tempête d’émotions. « La consommation ne fait que donner l’impression d’avoir du plaisir. Mais au fond, elle distrait de ce qu’elle est en train de nous coûter. »
Chanelle acquiesça. « C’est pour ça que c’est important pour moi de venir vous en parler. Je ne peux pas dire que ce soit les meilleurs partys en ville… » Elle fit un sourire triste; l’assistance ricana poliment. « Mais ça aide. Ça aide vraiment de savoir… Que je ne suis pas toute seule. »
Elle se releva; on l’applaudit selon l’usage. En suivant Chanelle du regard alors qu’elle allait se rasseoir, Martin nota qu’un nouveau venu s’était joint au groupe. Il s’était assis en arrière, les bras croisés, la mine patibulaire.
Martin donna la parole au participant suivant. Raul prit place en avant et se lança dans un témoignage empreint de fierté. L’attention de Martin fut partagée le discours de Raul et la présence inquiétante derrière lui.
Après quelques minutes, il entendit le frottement d’une chaise contre le plancher. Un coup d’œil en arrière lui apprit que le nouveau venu s’était levé; il se dirigeait maintenant vers la sortie. Martin fut soulagé : il avait craint avoir affaire à un fauteur de trouble. Mais il s’agissait sans doute d’un autre indécis, tenté de reprendre sa vie en main, mais pas encore prêt à le faire.
Raul finit son témoignage. Il reprit sa place accompagné des habituels applaudissements.
« Ça va être tout pour ce soir. », dit Martin. « On se revoit la semaine prochaine, même heure, même place! »
L’assemblée redevint un essaim d’individus. La plupart quittèrent tout de suite; certains papotèrent quelques minutes avant de s’en aller à leur tour. Certains habitués, toujours les mêmes, aidèrent Martin à empiler les chaises pliantes dans le placard à rangement. Ceux-ci se séparèrent les victuailles restantes avant de sortir, laissant boucler le local tout seul. Ce dernier entreprit d’aller vider la cafetière, déjà un peu refroidie, dans l’évier de la salle de bain.
Lorsqu’il revint dans le local, l’inconnu l’attendait. Il n’était pas seul : deux autres hommes sortis du même moule l’accompagnaient. « Martin Martel? » Il ne répondit pas. « Tu vas venir avec nous. »
Son sang glaça dans ses veines. Loin de Tim et Aizalyasni, hors des cercles magiques, il se sentait si démuni… Il ne lui restait plus qu’une chose à faire. Il prit une profonde inspiration et se concentra.
« Bouge pas! », somma l’homme. Martin ne se faisait pas d’illusion : il était peut-être déjà mort. Il n’avait donc rien à perdre à tenter quelque chose, n’importe quoi. Il se sentit connecter avec l’énergie des cercles, malgré leur distance. Il leva les paumes; les hommes se précipitèrent sur lui. Pendant un instant, sa connexion s’étendit jusqu’au Terminus… Jusqu’à Tim et Aizalyasni. Celle-ci ne dura qu’un instant à peine : l’un des hommes l’électrocuta au taser. Son corps cessa de lui obéir, en proie à une douleur atroce. Le choc se répéta deux, trois, quatre fois… À ce stade, Martin n’était plus qu’à moitié conscient, englouti par la souffrance. Les hommes le hissèrent debout et le traînèrent vers la sortie.
Il lui fallut plusieurs minutes avant d’être capable de formuler une idée à peu près cohérente.
Je suis fait, pensa-t-il alors qu’on le jetait sans ménagement dans le coffre d’une voiture.
Martin fut électrocuté de nouveau, à répétition, jusqu’à ce qu’il perde conscience.

dimanche 11 octobre 2015

Le Nœud Gordien, épisode 391 : Liaison, 2e partie

Une fois entrée, la fille désigna le fauteuil et invita Karl à s’y asseoir d’un geste amical. Elle choisit pour sa part l’une des chaises.
« Est-ce que vous écoutez ce qui se passe dans la tête de tout le monde, tout le temps?
— Non, non. Nous cessons éventuellement de porter attention aux pensées familières, par habituation.
— Donc, moi, le p’tit nouveau, j’ai eu votre attention.
— Si on veut.
— Ça doit être fucking bizarre, recevoir tout ça…
— Lorsque nous sommes tous les trois ensemble, c’est intense. Là, c’est plus… distant? En tout cas, on s’habitue. Le grand choc pour moi, ça a été de découvrir à quel point les gens sont différents. Pas seulement dans ce qu’ils ont en tête… Leur manière de penser. De voir le monde. De vivre. À commencer par Timothée et Martin. » Elle sourit. « Il n’y a rien pour ouvrir son esprit comme se rendre perméable à celui des autres! 
— Là, est-ce que tu sais à quoi je pense?
— Oui.
— Ça veut dire que tu sais déjà la question que je veux te poser.
— Oui. Et je sais que tu veux m’en poser une autre, afin de voir si tu peux nous déjouer. »
Damn. « Qu’est-ce qu’il y a derrière la porte en bas de l’escalier?
— Un potentiel infini, mais des risques proportionnels. 
— C’est pas une réponse, ça », grogna Tobin.
La fille fit un mouvement et Tobin se sentit tomber en chute libre. Il n’eut pas le temps de paniquer avant de heurter le plancher. Son fauteuil s’était volatilisé.  
« La réalité est malléable en-dessous du Terminus. Assez pour que nous puissions créer ou détruire à volonté. Assez pour distordre l’espace. Peut-être le temps. »
Tobin se redressa en maugréant. La magie pratiquée par Tricane était lente, longue à donner des résultats… Il n’avait jamais rien vu de si soudain. La fille fit un autre mouvement et le fauteuil réapparut. Tobin tira plutôt l’autre chaise. « Il n’était pas si confortable de toute manière. »
La fille sourit. « C’est moi qui ai fait les chambres. Inconsciemment, j’ai recréé celles de l’hôtel où je travaillais. Fascinant, n’est-ce pas? » Elle dut percevoir que Tobin n’était pas très impressionné, parce qu’elle ajouta en ricanant : « En tout cas, la partie de nous qui est Timothée est fascinée. 
— Donc… Potentiel infini, risques infinis…
— S’il est possible d’altérer la réalité du simple fait de le vouloir, il est facile d’imaginer des effets inattendus, peut-être même la concrétisation involontaire de pulsions inconscientes… »
Tout cela devenait un peu trop philosophique pour Tobin. « Bon. C’est ben beau tout ça, mais ça ne me dit pas ce que je veux vraiment savoir…
— Pourquoi nous avons dit que tu étais incomplet.
— Ouais.
— Tu le sais déjà, Karl. »
Il remua sur sa chaise. « Heu, non. » Elle inclina la tête et le scruta sans rien dire. Voulait-elle lui laisser le temps de comprendre? « Me semble que si je le savais… Ben… Je le saurais! 
— Combien de tes amis d’enfance peux-tu me nommer, Karl? Et les employés de ta quincaillerie? Ou les gens qui te devaient de l’argent, au moment de ta mort? »
Karl frissonna en réalisant qu’il ne pouvait nommer aucun ami d’enfance. En ce qui a trait à ses employés, il ne se rappelait que de Jean-Paul – et encore, aurait-il pu le nommer s’il ne l’avait pas croisé devant l’école de son fils? Pas moins alarmant, en tant que shylock, il avait toujours une idée claire de qui lui avait emprunté quoi, quand l’argent devait lui être retourné, avec quels intérêts… Il tenait à jour un calepin avec toutes ces informations, mais celui-ci servait davantage comme référence pour ses hommes, qui pouvaient noter les transactions faites en l’absence du boss…
« Pourquoi est-ce que je ne m’en suis pas rendu compte avant? »
La fille haussa les épaules. « C’est facile, savoir ce qu’on sait. Mais comment savoir ce qu’on ne sait pas? »
Karl ouvrit la bouche pour rétorquer, mais l’expression affable de la fille se décomposa pour être remplacée par la panique. « Oh non. Martin! » Ses yeux écarquillés voyaient quelque chose qui ne se trouvait pas dans la pièce…
Elle sorti à toute vitesse, laissant derrière Tobin et ses questions.

dimanche 4 octobre 2015

Le Nœud Gordien, épisode 390 : Liaison, 1re partie

La poignée de main de Mitch était joviale, mais Karl Tobin devinait qu’il n’avait pas fini de se convaincre que cet homme était bien son oncle ressuscité. Pendant qu’ils marchaient vers le Terminus, Mitch lui lançait des regards à la dérobée, peut-être à la recherche d’un signe, une confirmation supplémentaire. Il ne lui en tint pas rigueur. À sa place, il n’aurait pas agi différemment. 
« Je vais te faire faire le tour de la place », dit Mitch en entrant dans le bâtiment. Tiens, ici, dans la grande pièce, avant, les gens dormaient par terre. Maintenant, on a des chaises…
— Wow, quand même! Le gros luxe! Et toi, tu dors par terre ou sur une chaise?
— Ris si tu veux », répondit Mitch avec un sourire mystérieux. « Tu vas peut-être être surpris… »
Ils passèrent dans la pièce adjacente, qui ne présentait rien de plus spectaculaire. Mais la salle suivante… Un large escalier descendant au sous-sol, un escalier de riche qui ne semblait pas du tout à sa place dans ce bâtiment décrépit…
« C’est quelque chose, hein? Tu ne croiras jamais comment il est arrivé là…
Arrivé là? Quoi, quelqu’un se promenait avec un escalier, puis il l’a laissé tomber ici?
— C’est presque ça… C’est tout nouveau…. Viens, tu n’as rien vu encore. »
Il le suivit jusqu’en bas. Mitch pointa une porte. « Première chose : il ne faut jamais que tu ailles par là.
— Ah ouais? Pourquoi?
— C’est dangereux », répondit-il comme si c’était là tout ce que Karl avait besoin de savoir.
« Dangereux comment?
— Dangereux tout court.
— Bref, tu ne sais pas pourquoi. » Karl le toisa pendant un moment, jusqu’à ce que Mitch se détourne. Et c’est confirmé. La curiosité de Karl était piquée…
Mitch le conduisit ensuite dans une vaste pièce, une sorte de salle commune qui baignait dans une odeur de friture. Une femme entre deux âges faisait cuire des œufs dans une grande poêle; une file de gens, assiettes à la main, attendaient leur tour d’être servis. Ceux qui l’avaient déjà été mangeaient assis à des grandes tables. La bonne humeur régnait sur les lieux; les gens semblaient propres, confortables, rassasiés. On aurait davantage cru un club social de la banlieue nord que le sous-sol d’une bâtisse abandonnée au fond du Centre-Sud.
« Woh, minute », dit Karl. « Vous avez l’électricité?
— Non, même pas 
— Ben là », répondit-il en pointant la cuisinière. « C’est quoi ça, d’abord?
— Ça, c’est de la magie. De la même manière, demande-moi pas comment, mais on a l’eau courante. »
Plusieurs portes ouvertes autour de la grande salle laissaient paraître des dortoirs par l’entrebâillement; Mitch se rendit plutôt devant l’une des rares qui étaient closes. Il sortit un trousseau de ses poches et libéra une clé de son anneau. Il fit jouer la clé dans la serrure et révéla un couloir avec six portes de chaque côté, et une autre au bout; celle-là était la seule à ne pas porter de numéro. Mitch déposa la clé dans la main de Karl. « Ma chambre est là, c’est la numéro trois. Tu peux prendre la huit pendant que tu es avec nous. » 
Karl s’esclaffa, un rire sans humour. « T’es le premier à te soucier de où je loge. Ça fait changement.
— Oh, ce n’est pas grand-chose », dit Mitch pendant que Karl ouvrait la porte de sa chambre. « Mais c’est déjà ça. »
En effet… La pièce offrait l’essentiel : un lit, un bureau, une commode, un sofa, une petite table avec deux chaises… On aurait pu trouver ce genre de chambre dans n’importe quel hôtel de La Cité.
« Bon », dit Mitch sur un ton qui annonçait la fin de la conversation, « je te laisse t’installer. Moi, il faut que je retourne à la porte.
— C’est toi le bouncer?
— Ouais, si on veut. On s’est fait attaquer plusieurs fois. Des mafieux, des pyromanes. Même un sniper, une fois. Sérieusement », ajouta-t-il devant l’incrédulité de Karl. « Mais au jour le jour, c’est surtout pour qu’on s’assure que les faux fidèles qui ont été barrés ne viennent pas nous achaler. »
Évidemment, avec à leur tête trois personnes capables de lire les pensées des gens, il devait être facile de distinguer les vrais fidèles des profiteurs. « Mais toi, Mitch…
— Mike. S’il te plaît…
— Toi, qu’est-ce tu gagnes là-dedans?
— Si je suis ici, c’est parce que quelqu’un m’a conseillé de faire confiance à Tricane, même quand ça semblait absurde.
— Ah. Ouais. Tu sais, ce quelqu’un-là ne savait pas toujours de quoi il parle. »
Mitch… Mike ricana. « J’ai quand même embarqué. Elle payait bien. Et elle m’a montré la magie. Pas que j’aie réussi à faire quoi que ce soit avec ça, remarque…
— Et maintenant qu’elle n’est plus là?
— Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais… C’est du monde correct, ici. Et ils ont besoin de nous autres, sinon leur vie de merde serait encore pire. »
Karl ne savait pas quoi répondre. Il se contenta de grogner. Mike lui donna une tape amicale sur l’épaule et le laissa seul dans sa chambre.
Karl était au Terminus pour servir de liaison avec les Maîtres qui l’avaient ramené à la vie, mais pour l’instant, il voulait plus que tout autre chose une réponse à la question qui le taraudait depuis son premier passage au Terminus…
Incomplet? Moi?
Il posa son sac sur le lit. Il n’avait pas l’intention de végéter dans sa chambre. La prochaine étape serait de mettre le grappin sur l’un des trois leaders pour lui tirer les vers du nez.
Tobin sursauta en sortant : la petite Asiatique l’attendait devant sa porte.
« Tu voulais nous voir », dit-elle. C’était une affirmation, pas une question. « Je peux entrer? »
Tobin s’écarta pour laisser passer le petit bout de femme.