Alexandre se tourna
sur le côté sans ouvrir les yeux. Il rêvait un instant auparavant; il avait
envie de rêver encore. Il tira les couvertures jusqu’à son menton.
« T’es réveillé »,
dit une voix féminine provenant de l’autre moitié du lit, l’ancrant du coup au
monde de l’éveil. Il ouvrit les yeux. Il était à peine midi; il avait besoin de
dormir encore.
« À
moitié », concéda-t-il. « Toi, ça fait longtemps?...
— Une heure ou deux.
Je ne travaille pas de nuit, moi… »
Il allait lui rappeler
qu’elle ne travaillait pas du tout,
mais son envie de répliquer disparut lorsqu’il se tourna vers elle.
À peu près toutes les
filles qu’Alexandre avait connues se plaignaient de leur apparence au lever.
Sabrina devait être comme les autres, mais dans son cas, ç’aurait été un
mensonge. Il est vrai que ses cheveux, qu’elle lissait avec minutie, avaient
été ébouriffés par l’oreiller, d’autant plus qu’ils s’étaient endormis en
sueur, après une baise du tonnerre. Même ses cheveux en bataille semblaient
avoir été posés là par un styliste soucieux du détail. Son corps parfait
n’était caché que par une petite culotte. Une toute petite culotte…
Alexandre allait lui
dire quelque chose, mais il n’aurait pas pu s’en souvenir si sa vie en dépendait.
« Quoi? »,
dit-elle sans lever les yeux du téléphone qu’elle tenait à la main.
« Rien »,
dit-il en s’avançant pour l’embrasser dans le cou. Elle eut un mouvement de
recul. Alexandre ne comprendrait jamais les femmes… Elle était tellement chatte
hier, tellement intense qu’elle semblait vouloir l’avaler tout rond… Et là? Un
vent glacial. Il devinait la suite…
« Est-ce que tu
embrasses toutes les filles dans le cou? » Bingo.
Sans dire un mot,
Alexandre battit en retraite… Hors du lit. Il passa à la cuisine et entama la
préparation du café. Il ne s’était pas beaucoup éloigné – son appartement était
minuscule –, mais c’était déjà quelque chose.
Après un moment de
silence lourd, Sabrina vint le rejoindre. Elle avait enfilé sa camisole. Tant
mieux : ce n’aurait pas été chose facile de jouer l’indifférence avec
pareille poitrine sous les yeux. Il fit comme s’il ne l’avait pas remarquée.
« Écoute... Je
m’excuse. » Il maintint le silence, apparemment absorbé par la mesure de
la quantité exacte de café à mettre dans la machine. « Tu vas encore me
dire que tu as été clair dès le départ… C’est juste que… » Elle se mit à mordiller
le bout de son pouce, incapable de finir sa phrase. Le geste était craquant. La
fille était craquante de A à Z.
Elle inspira et exhala
profondément. « J’ai passé une super soirée, hier. »
— Moi aussi », répondit-il
en toute sincérité.
« Je devrais
apprendre à profiter de ce que j’ai, plutôt que me morfondre sur ce que je n’ai
pas… »
Il l’approcha et posa
une main sur son épaule, l’autre sur sa joue. « Sab… Toi et moi, on vit
quelque chose de spécial… » Un sourire apparut sur ses jolies lèvres. Elle
le serra dans ses bras. Il sentit le désir monter.
« Je sais que je
ne devrais pas… Mais je m’attache…
— Tu peux
t’attacher… », répondit Alexandre. Elle échappa un rire plein de dérision.
« Quoi?
— M’attacher? Avec un
gars qui saute dans le lit d’une fille après l’autre?
— Sab… Tu le sais que
ce n’est pas comme ça que…
— Est-ce que tu
couches avec Maélie aussi? J’ai bien vu comment elle te regarde…
— Je ne raconte pas à
personne ce que nous vivions, toi et moi, alors…
— Je sais! Je sais! Et c’est pratique : comme
ça, tu ne me dis pas ce que tu vis avec elle…
— Sab. Je n’ai jamais
couché avec Maélie. » La jeune femme le scruta un instant, à la recherche
d’un indice pour décider s’il bluffait ou non. Il disait la vérité… Le sexe
oral, ce n’est pas vraiment coucher
avec quelqu’un, n’est-ce pas? Sabrina avait posé la question au bon moment. Au
rythme où allaient les affaires avec Maélie, d’ici quelques jours, la réponse
aurait été différente… Et encore heureux qu’elle ne l’aie pas interrogé sur ses
rapports avec Laurence. Sabrina la trouvait sans doute moins jolie, donc moins
menaçante… Grave erreur. Une fois échauffée, cette fille était une vraie bombe
au lit.
Sabrina se détendit,
lui fit un sourire et l’étreignit à nouveau. « Si tu as envie, je serais
prête pour ma méditation dirigée. Ça me fait tellement de bien… Je sens qu’on
connecte, toi et moi…
— Plus tard, d’accord?
Je manque encore un peu de sommeil », répondit Alexandre. « Moi,
c’est toi qui me fait du bien. » Il l’embrassa longuement; leur
respiration s’accéléra, infusée par la passion. Il tira la camisole au-dessus
de sa tête, révélant à nouveau ses seins si bandants. « Je te veux
tellement, Sab… »
Elle s’éloigna de
quelques centimètres pour mieux regarder son visage. « Moi aussi »,
dit-elle, toute frémissante de désir. Son ton recelait une certaine tension…
Déception? Frustration? Elle me veut… mais
pour elle seule.
S’il avait su les
bénéfices qu’il en tirerait, il se serait mis à enseigner la magie bien avant… Quoique
jongler trois relations simultanées était loin de la sinécure qu’il avait
espérée. Chacune voulait être sa préférée, ou mieux encore la seule… Tandis que
lui ne rêvait que d’être avec elles en
même temps.
Pas toujours facile,
la vie de gourou…