dimanche 15 novembre 2015

Le Nœud Gordien, épisode 396 : Fraternité, 2e partie

Alexandre se pointa avec une dizaine de minutes de retard. Il courait sous la pluie, tête basse, le capuchon remonté. Il fit un signe à Édouard dès qu’il l’aperçut à son entrée dans le restaurant. Il avait choisi un box en coin, avec une banquette pour deux des côtés de la table – idéal pour les conversations discrètes.
« Hey!
— Hey. »
Édouard était en alerte, à la recherche de quelque chose qui soit capable de justifier l’inquiétude qu’il avait pressentie. Un détail attira son attention, mais Alexandre prit la parole avant qu’il ne puisse le mentionner. « As-tu eu des nouvelles de la Fondation? », demanda-t-il en se glissant sur la banquette capitonnée.  
— Non… Hey, Alex, as-tu eu un lift pour venir ici?
— Un lift? » La question semblait venir de nulle part, mais elle l’embarrassa clairement.
« Un taxi, peut-être?
— Pourquoi tu demandes ça? », dit-il avec un rire nerveux.
« Ton manteau n’est pas tout mouillé… Vu que tu n’as pas de voiture, je me demandais… »
Une serveuse arriva, toute pimpante. « Allô! », dit-elle à Alexandre. « Est-ce que je vous sers quelque chose? 
— Je vais prendre un café.
— Quelque chose à manger?
— Ouais. Euh… Des gaufres? Avec du sirop.
— De la crème fouettée avec ça?
— Je ne peux pas dire non! »
Elle lui fit un sourire adorable en remplissant sa tasse, puis elle continua sa tournée. Alexandre huma son café. « Comment ça se fait que je n’étais jamais venu dans ce resto avant que tu me le fasses connaître?
— Bien essayé…
— Quoi?
— Tu esquives mes questions... Alex, qu’est-ce qui se passe? »
Son neveu soupira et frotta ses paumes contre le coin de table en un geste à moitié nerveux, à moitié distrait. Il semblait chercher ses mots. Après un long moment, il fit une grimace en haussant les épaules. Il prit son téléphone et tapa un court message, trois ou quatre caractères.
« Alex… Dis quelque chose… »
À défaut de répondre à sa demande, il tourna la tête vers la vitrine. Interloqué, Édouard suivit son regard. Une silhouette familière trottait sous la pluie, arrivant par le même chemin qu’Alex quelques minutes auparavant…
Oh non.
Il se leva comme s’il avait reçu un coup de fouet.
De vieilles blessures furent ravivées en un clin d’œil, et avec elles toutes ces douleurs enfouies dans la poussière du temps, mais jamais guéries…
Philippe, son frère, entra dans le restaurant, les lunettes embuées, le front dégoulinant.
« Alex… », dit Édouard d’un ton geignard dans lequel il reconnaissait l’adolescent qu’il n’était plus depuis longtemps. « Pourquoi? » Tristesse, colère, sentiment de trahison, de vulnérabilité… Il débordait d’émotions, toutes désagréables.
« Assis-toi », dit Philippe. « Il est temps qu’on se parle. »
Si une sortie s’était trouvée derrière lui, Édouard aurait battu en retraite. Mais le box qu’il avait lui-même choisi l’acculait au pied du mur. Le visage déformé par une moue désabusée, il se laissa tomber sur son siège.

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