dimanche 30 août 2009

Le Noeud Gordien épisode 85

Épisode 85 : Préretraite

Szasz tournait en rond comme il le faisait souvent ces jours-ci.

Il était tout habité d’un stress que le cognac ne détendait pas, d’une fatigue que le sommeil ne diminuait en rien, d’une rage à tout casser – mais dans ce cas précis, tout casser ne l’avait pas soulagé non plus. Ce soir, il s’était mis à tripoter l’une de ses filles mais ça n’était pas d’elles dont il avait envie non plus. Il les avait renvoyées sans trouver davantage le calme dans la solitude.

De temps à autres, il prenait son téléphone pour examiner la liste de ses contacts… Des partenaires « d’affaires », des subalternes, des filles ayant pour seule substance celle dont elles remplissaient leur bikini… Il n’avait pas de famille dans La Cité et plus vraiment d’ami non plus depuis la mort de Lytvyn – le fait qu’il classait le vieil homme comme ami dans ses souvenirs en disait long sur la vacuité de son univers social.

À chaque fois qu’il revoyait son répertoire téléphonique, il s’arrêtait sur le nom de Marianne Stams. Elle n’était pas une amie à proprement parler; même si elle travaillait pour lui occasionnellement, ça n’était pas l’essence de leurs rapports non plus… Bref, elle était sa propre catégorie à elle seule. Sans trop savoir pourquoi, il composa son numéro.

Alors que la connexion s’installait, il entendit un bruissement derrière lui. Il fit volte-face pour voir Jean Smith dans son salon, apparemment sorti de nulle part.

« Allô? », dit Marianne à l’autre bout du fil. Szasz raccrocha.

« Tu sais pourquoi je suis ici? », dit Smith.

Szasz ouvrit la bouche, mais Smith l’interrompit en lui décrochant un coup de poing au visage. Lorsque Smith posait des questions, c’était qu’il connaissait déjà la réponse.

Szasz fut projeté par terre. Ses lunettes tombèrent un peu plus loin, une branche tordue.

Malgré la violence et la soudaineté de son geste, Jean Smith conservait son air imperturbable.

« Est-ce que tu comprends seulement ce que ton geste implique? »

Cette fois-ci, Szasz ne jugea pas bon de répondre.

« Si moi je l’ai su, combien de temps avant que les Sons of a Gun l’apprennent?

— Qu’ils l’apprennent, je m’en sacre. C’est personnel.

— Imbécile! Personne avec un siège au Conseil Central ne peut se permettre d’agir à titre personnel! Quoi, un motard fait bobo à la petite fifille de mon oncle Will et tout d’un coup, tu perds tout ton jugement? »

Il restait justement assez de jugement à Szasz pour qu’il choisisse encore de garder le silence.

« Tu as un problème avec un autre clan avec lequel on est en bons termes, tu viens me voir, je vais voir leur chef, on arrange ça de façon civilisée. » Smith laissa le silence s’alourdir pendant quelques instants. « Je te jure que si Goudron vient me demander ta tête, il va l’avoir ».

Le regard surpris de Szasz croisa celui, acéré, de Smith. Il réalisait finalement que la relative impunité dont il avait joui sous le vieil homme était chose du passé. Il baissa la tête.

« Si la situation dans La Cité n’était pas aussi tendue, tu serais déjà mort. J’espère que je suis parfaitement clair : tu marches droit jusqu’à ce que la poussière retombe, tu assures l’intérim le temps que celui qui te remplacera prenne tes affaires en main, puis tu disparais. Et tu peux me croire lorsque je te promets que si tu ne le fais pas, moi je te ferai disparaître. On se comprend?

Lorsque Szasz releva la tête, Smith était reparti, aussi discrètement qu’il était arrivé.

Aucun des dispositifs de sécurité de Szasz n’avait capté la moindre trace de son passage.

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