Édouard fit
comme « Aleksi » lui avait demandé : il trempa ses lèvres à
nouveau dans le liquide divin. Un nouveau frisson vint fouetter sa peau. Il
ressentait une profonde empathie pour le jeune homme sur le lit, comme s’il
l’avait toujours connu. Il se sentait si bien!
« Je m’appelle Eleftherios Avramopoulos.
— Enchanté
Eleftherios, moi c’est Édouard. » L’échange avait un je-ne-sais quoi
d’absurde qui transforma le petit rire doux en fou rire. Une fois calmé,
Édouard poursuivit : « Donc, Gordon?
— Gordon,
c’est Gordon » répondit l’autre d’un ton enjoué. « C’est mon ancien
étudiant.
— Ton étudiant?
— Oui, mon étudiant.
— Je ne
comprends pas.
— Il faut
commencer par le commencement…
— Oui, c’est
la meilleure place où commencer… Une chose à la fois…
— Des fois,
une chose à la fois, c’est trop! »
Les deux se
fixèrent un instant avec un air interloqué. Puis ils explosèrent de rire.
Édouard
retrouva le calme le premier. « Le commencement?
— Ah, oui. Hmmm,
par où commencer.
— Si vous
vous connaissez déjà, pourquoi toute cette mascarade avec Alexandre et la
photo?
— Ah, ça, ça
n’était pas à propos de Gordon et moi. C’était pour voir si Alexandre avait ce
qu’il faut.
— Ce qu’il
faut pour…?
— Pour
retenir mon intérêt, disons.
— Mais Gordon
a bien inventé l’Orgasmik?
— À peu près
aucun doute là-dessus.
— Mais dans
quel but?
— Quoi, dans
quel but? Est-ce que l’argent ne suffit pas?
— En théorie,
oui, mais… Il y a quelque chose de louche là-dedans. Philippe est très, très
avare. Il n’aurait pas embarqué sans une grosse part du gâteau. Il faut donc
que Gordon ait été prêt à lui laisser cette part… »
Eleftherios
avait les yeux grands ouverts; apparemment, la logique d’Édouard
l’impressionnait. « Continue…
— Semble-t-il
que les choses ont changé, mais lorsque l’Orgasmik a été écoulée dans La Cité
pour la première fois, c’était par d’autres canaux que le crime organisé, ce
qui est étonnant considérant la place qu’avait le clan Lytvyn…
— Pas mal du
tout! Pas mal du tout!
— Donc… Quel
est son vrai but?
— Mon
opinion, c’est qu’il veut démocratiser l’usage des drogues illégales.
— Heu…
— Mais
j’imagine que le but de ta battue d’aujourd’hui, c’était d’abord de savoir
comment il a fait pour que tu te perdes en chemin à chaque fois que tu
approchais son bureau.
— OUI! Merci!
Enfin! Alors?
— Je ne sais
pas.
— Comment, tu
ne sais pas? Tu viens de me dire que c’était ton étudiant!
— Écoute, ça
fait un bon moment qu’il a gradué; même à l’époque, c’était mon meilleur élève.
Nous innovons tous dans le domaine particulier dans lequel nous œuvrons, mais
Gordon est très créatif… C’est une adaptation d’un truc assez simple…
Tiens : lorsque Hoshmand fait connaître sa présence, il te surprend
toujours, hein? Tu ne l’avais pas vu venir?
— Cent pour
cent des cas.
— C’est le
même genre de truc. On peut cacher des gens, mais aussi des lieux et des
choses… Ce que je ne saisis pas, c’est comment il a pu en faire un dispositif
sélectif qui ne requiert pas sa présence.
— Au juste…
— Quoi donc?
— Dans quel
domaine œuvrez-vous, Gordon, Hoshmand et toi? Et qui d’autre?
— Tu sais
Édouard, je t’aime bien. Je pourrais te le dire, mais…
— Mais quoi?
— Je devrai te tuer après! »
Édouard était
beaucoup trop confus pour dire s’il blaguait ou s’il était sérieux. Aleksi /
Eleftherios l’avait dit avec le même sourire qui ne les avait pas quittés… mais aussi avec un pétillement étrange dans
ses yeux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire