dimanche 4 novembre 2012

Le Noeud Gordien, épisode 245 : Accès, 2e partie

« Mais… Je suis venue de loin pour voir la salle des archives!
— Ça m’est égal », répondit Latour en croisant les bras.
« Mais pourquoi? »
Il haussa les épaules. « C’est ma prérogative. J’ignore qui vous êtes; vos alliés sont probablement mes ennemis, à tout le moins mes rivaux, ce qui fait de vous mon ennemie ou ma rivale.
— C’est ridicule! Pourquoi serais-je votre rivale si nous ne nous connaissons pas?
— Il n’y a aucun doute : je ne vous connais pas. Mais l’inverse n’est pas nécessairement vrai. »
Félicia échappa un soupir. « Qu’est-ce que je dois faire? Retourner à La Cité et revenir avec des lettres de référence? »
Le regard de Latour s’illumina. « Vous êtes de La Cité?
— Oui. C’est là que j’ai grandi. 
— Comment va la Joute? »
Flûte. Elle avait espéré que son intérêt soit à propos de la ville elle-même – Félicia aurait pu lui en parler longtemps. Au chapitre de la Joute, elle ne savait en revanche presque rien – même des choses aussi élémentaires que les règles ou les enjeux des engagements lui apparaissaient toujours flous. Et personne, pas même Polkinghorne, ne voulait répondre à ses questions.
Elle offrit néanmoins le peu qu’elle savait. « Gordon et Avramopoulos ont joué les derniers tours avec un seul lieutenant…
— Vraiment! Et pourquoi donc?
— L’un d’eux manquait à l’appel. Puis les choses sont devenues un peu plus compliquées…
— Comment donc? »
Félicia lui fit un sourire sirupeux. « Je suis réticente à vous en parler… Vous êtes peut-être un rival, un ennemi… »
Latour soupira à son tour. « Qui s’occupe de votre enseignement?
— Loren Polkinghorne.
— C’est sur sa recommandation que Kuhn vous a reçue. 
— Oui, en gros. » Dans les faits, c’était lui qui avait demandé à la voir.
— Vous pourriez faire pire. M. Polkinghorne est un praticien talentueux. Je suis surpris que M. Avramopoulos ait accepté…
— Accepté, c’est vite dit… En fait, il préfère n’avoir rien à voir avec moi. Je ne serais pas surprise d’apprendre que Polkinghorne lui ait offert une faveur simplement pour me prendre sous son aile. Vous savez… » Elle fit un geste qui soulignait l’évidence : je suis une femme. Puis une expression qui ajoutait : on ne pourrait pas discuter en-dedans?
« J’imagine qu’il n’est pas trop risqué de faire entrer une jeune initiée…
— Ah non! Je suis une adepte confirmée! » Ça n’est qu’une fois les paroles lancées qu’elle comprit qu’elle venait de se tirer dans le pied. Tu l’avais, espèce de tarte!
 « Une adepte? À votre âge?
— J’ai reçu mon bâton cet été, de Kuhn lui-même. » Trop tard pour reculer, autant foncer.
« Deux faveurs pour une trêve », dit Latour.
 « Vraiment? C’est pas un peu exagéré? »
Latour haussa les épaules.
« Pour deux faveurs, je veux un libre accès au bunker.
— Hé! Oh! Un instant! Ça n’est pas deux faveurs contre une faveur et une trêve!
— Visiter un sous-sol n’est pas exactement une grosse faveur… Non? »
Latour réfléchit un instant. « Libre accès, à condition que je sois dans la maison au moment de votre visite.
— Marché conclu! » Il serra la main qu’elle lui tendit.
« On peut entrer, maintenant? »
Latour s’écarta pour la laisser passer. 

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