dimanche 22 septembre 2013

Le Noeud Gordien, épisode 288 : Ménages, 7e partie

« Djo? Djo! Qu’est-ce qui se passe? C’est quoi l’urgence? » Pendant que Mike Tobin s’efforçait de communiquer avec son gars, Timothée et Martin s’empressaient d’enlever les chaînes qui bloquaient la porte du Terminus. Le cliquetis des chaînes couvrait cependant les réponses provenant de l’autre côté. Les gens du Terminus s’approchèrent de la porte, aussi inquiets que lui, et pas moins avides d’en apprendre davantage.
Djo était accompagné d’un homme qui participait occasionnellement aux oraisons. « James! », s’exclama Martin. « Qu’est-ce qui t’es arrivé? »
Le James en question semblait avoir passé un mauvais quart d’heure. Il était à bout de souffle, le visage rouge et couvert de sueur. Ses vêtements étaient maculés d’immondices encore humides; il puait autant que s’il arrivait tout droit des égouts. Sa main gauche saignait d’une éraflure assez profonde; il tenait contre sa poitrine un bidon à essence qu’il étreignait comme un enfant son toutou.
Tobin demanda : « T’as couru? T’as quelqu’un au cul? 
— Je sais pas », dit James entre deux inspirations haletantes. « Peut-être.
— Djo, va faire le tour de la place avec Rem. Venez m’avertir si vous voyez quelque chose d’anormal.
— Mais qu’est-ce qui s’est passé? », demanda Martin à nouveau.
À en juger par son expression, c’est à ce moment précis que James réalisa qu’il était scruté par quelques dizaines de personnes. Il bafouilla « Heu, Ok… Hum… », le visage encore plus rouge qu’à son arrivée.
« Crache le morceau », somma Tobin. « On n’a pas toute la soirée!
— Des gars. Quatre. Des mafiosos en voiture. Je les ai vus battre une gang de junkies. Ils ont failli m’attraper et faire pareil.
— Des mafiosos? Où ça? »
James pointa vers le nord-ouest. « Dans ce coin-là, juste un peu plus loin. Ils m’ont dit qu’ils sont ici pour faire un grand ménage… J’ai pensé qu’ils viendraient peut-être par ici ensuite. » Les réactions furent vives dans le Terminus. Beaucoup des fidèles de Madame squattaient dans les environs.
Timothée demanda : « C’est qui, eux autres?
— Je ne sais pas », répondit James.
— Est-ce qu’ils sont armés?
— Y’en a un avec un bat de baseball. Les autres, y…
Évidemment qu’ils sont armés », coupa Tobin. « C’est pas parce qu’ils ne les ont pas sortis qu’ils n’ont pas de guns. »
— Heu, moi, il faut que j’y aille. », dit James. « Ma femme m’attend…
— Si tu veux y aller, tu peux partir », dit Tobin. « Mais je ne serais pas surpris que tes quatre gars ne soient pas les seuls dans le coin. »
James avala difficilement. « Je pense que je vais rester encore un peu.
— En attendant, va te laver », proposa Martin. « Tu n’as qu’à prendre l’eau dans le baril des toilettes. »
De son côté, Tobin inspira profondément. « Bon. Qu’est-ce qu’on fait avec ça? », demanda-t-il à Tim.  
— Pour commencer, il faut consulter Madame. Vous autres », dit-il en s’adressant aux fidèles, « attendez ici. »  
Comme toujours lorsqu’elle se trouvait au Terminus, Madame était assise en tailleur dans la salle voisine. Elle demeurait là, les yeux fermés, perdue dans sa tête. Il lui arrivait même de dormir dans cette position; Mike n’aurait pas été capable de distinguer sommeil et méditation si elle ne ronflait pas de temps à autre… Ils avaient pour consigne de ne la déranger qu’en cas de force majeure. Tobin était d’avis que la situation le justifiait.
« Madame? », chuchota Timothée. « Nous avons besoin d’aide. Le vent tourne. Le mauvais temps s’en vient. Pas la pluie, pas l’ouragan, non, pas encore. Mais le mauvais temps, quand même. » Depuis le jour où une étincelle était apparue entre ses mains, Tim était devenu un peu bizzare… Une étrangeté qui ressemblait à celle de Tricane, au temps où elle tournait autour de son oncle Karl.
Elle ne réagit pas aux murmures de Tim. « Christ, Tricane », dit Tobin, « c’est pas le temps de dormir… Allô? » Il avança la main pour la secouer un peu. Juste avant qu’il ne la touche, sa peau se mit à picoter, comme si l’air autour d’elle était chargé d’électricité. Tricane ouvrit brusquement les yeux. « Les intrus s’approchent », dit-elle d’une voix calme.
« Qu’allez-vous faire? », demanda Timothée.
« Si j’agis, nous sommes tous perdus », répondit-elle. « Ce sera la catastrophe.
— Ben là! », s’exclama Tobin. « On ne va pas rester là à rien faire! 
Moi, je ne peux pas agir. Vous, vous pouvez. C’est à toi de choisir, Timothée. Tu as ma pleine confiance. » Elle se tourna vers Tobin. « Quoiqu’il arrive, coûte que coûte, vous ne devez pas tirer en premier. Compris? » Tobin hocha la tête, incertain. Tricane referma les paupières.
« Alright, Tim, c’est toi le boss. Qu’est-ce qu’on fait avec ça? 
— Laisse ton arme ici et viens avec moi », répondit-il du tac au tac. Il attendit que Tobin dépose son pistolet avant de retourner vers l’entrée.
Mike attendit qu’il sorte de la pièce. Il reprit son arme et la fourra la poche droite de son manteau avant d’aller rejoindre Tim. 

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