dimanche 16 février 2014

Le Noeud Gordien, épisode 307 : Toute la vérité, 2e partie

Geneviève écouta avec une fascination croissante le récit des derniers dix-huit mois d’Édouard, pendant que son… familier voletait ici et là dans le petit appartement.
Édouard raconta comment il avait déduit l’absence de certains de ses souvenirs, comment il avait passé des semaines en filature – pendant qu’il était lui-même surveillé par un mystérieux M. Hoshmand –, comment un bluff parfaitement exécuté lui avait permis de se faire accepter par l’une des gros bonnets de la cabale qu’il voulait infiltrer… Il raconta ces moments improbables avec tant de précision et d’aplomb que Geneviève cessa assez vite de douter pour reporter son jugement à plus tard.
Les épisodes continuèrent de s’enchaîner : son initiation dans un souterrain maquillé en catacombes, sa séquestration qui avait tant inquiété Geneviève, puis l’enchantement – faute d’un meilleur terme – qu’on lui avait jeté, le contraignant au désir charnel… Cet enchantement qui avait donné lieu à leurs retrouvailles torrides et au tout premier orgasme non chimique de Geneviève.
Elle fut piquée de découvrir que c’était un désir irrésistible qui l’avait poussé dans ses bras, mais elle ne dit rien. Édouard bafouilla lorsqu’il décrivit la fin de l’enchantement, pour enchaîner en disant qu’il avait demandé lui-même d’être assujetti à une nouvelle compulsion, celle-ci l’obligeant à étudier la magie comme un forcené.
Elle découvrit par la suite la véritable raison de son hospitalisation… Selon lui, il s’agissait d’une sorte d’overdose de magie. Il s’était trouvé dans une zone où les énergies mystiques étaient si concentrées qu’elles devenaient dangereuses… Il laissa tomber au passage que c’était par ailleurs la raison de l’explosion qui défrayait la manchette. Mais le plus surprenant restait à venir…
Geneviève avait déjà appris de son amie Marianne qu’elle avait vendu leur maison sur la rue Hill à la fille du pire criminel que La Cité ait connu… Édouard lui apprit qu’elle était également sorcière. Geneviève avait ressenti une animosité envers elle à la fois intense et instinctive; son sentiment lui apparaissait désormais justifié. Elle incarnait plus que quiconque l’expression face à fesser dedans.
« C’est elle qui m’a appris la cause du mal d’Alice. »
Cette Félicia avait bel et bien tenté de lui parler, elle s’était toujours butée contre une porte fermée. Geneviève entendit cette révélation la gorge serrée, la main sur la bouche, les larmes aux yeux. Aurait-elle pu aider Alice, lui éviter tous ces mois de malaise?
« C’est elle qui l’a guérie », ajouta Édouard.
Geneviève arriva à une conclusion aussi ferme qu’irrationnelle. C’est de sa faute à elle. Elle l’a guérie parce qu’elle la rendue malade.
Édouard enchaîna avec la suite des choses. « Bref, c’est pour cela que je suis venu te voir ce soir. Si je révèle qu’une poignée d’individus gardent secrète l’existence de la magie depuis des siècles, je ne peux pas prévoir comment ils vont réagir… Il y aura peut-être des représailles. »
Geneviève ne l’écoutait plus à moitié. Elle bouillait de l’intérieur. « Pourquoi ne pas m’en avoir parlé avant?
— Le fait est que… tu sais comment j’ai tendance à être absorbé par mes dossiers. Celui-là me prend tout ce que j’ai depuis plus d’un an. C’est comme si la bonne occasion ne s’était jamais présentée.
— C’est ça, hein… Tu ne me dis jamais rien. Mais ça ne t’empêche pas de me sauter dessus comme un chien en chaleur, par exemple!
— Geneviève…
— En plus, moi je me torturais depuis des mois pour comprendre ce qui ne va pas avec ma puce… Toi tu le savais, et tu me laissais imaginer le pire, à me demander qui a bien pu l’agresser pour qu’elle devienne comme ça… Tu ne penses pas que ça aurait été pertinent de me le dire? Je la conduis chez la psy à toutes les semaines comme une imbécile, je lui pose des questions sans cesse pour qu’elle s’ouvre et me dise pourquoi elle ne va pas… Et toi… Toi, tu le savais pendant tout ce temps!
— Moins fort! Tu vas réveiller les filles.
— Ah, et là, soudainement, tes filles sont importantes!
— Geneviève…
— Je dois me lever tôt, demain. Il est presque deux heures du matin. Va-t-en, s’il te plaît. »
Édouard la fixa sans rien dire pendant un moment, puis il se leva, piteux. Il prit son manteau et alla enfiler ses bottes pendant qu’elle le fusillait du regard. Sa corneille alla se poser sur son épaule lorsqu’il franchit le seuil.
Elle cracha : « Je ne veux plus te voir »… Après qu’elle eut claqué la porte.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire