Félicia n’avait jamais rencontré
Daniel Olson, mais elle avait presque l’impression de le connaître déjà.
Polkinghorne entretenait un sérieux béguin pour le Maître. Durant son séjour en
Europe, il l’avait détaillé sous toutes ses coutures en termes des plus
élogieux.
Lorsqu’elle l’aperçut dans le salon
privé du Den, Félicia découvrit qu’il n’avait exagéré en rien.
Olson se prélassait au beau milieu
d’un divan trois places. Il portait un t-shirt moulant comme une seconde peau
mettant en valeur ses épaules puissantes et ses abdominaux ciselés. Son visage
incarnait un certain idéal de beauté, avec ses traits fins et réguliers. Tout
son être rayonnait d’assurance. Elle l’approcha en essayant de lui offrir son
meilleur sourire.
Dès qu’il remarqua son arrivée, il
comprit qui elle était. Il se leva pour l’accueillir avec une bise trop
familière sur chacune de ses joues. Il se rassit ensuite en l’invitant à faire
pareil. Il occupait toujours le milieu, laissant à Félicia le tiers plutôt que
la moitié des coussins, forçant un rapprochement qui n’avait rien de
désagréable… Ce n’est pas le genre de
Maître auquel je suis habitué, pensa Félicia.
« Je suis enchanté de faire ta
connaissance », dit-il. « J’ai tant entendu parler de toi…
— Et moi, pareillement. Si je peux
me permettre : pourquoi nous rencontrer ici?
— Il paraît que c’est la meilleure
boîte en ville.
— Je voulais dire : pourquoi
risquer la zone radiesthésique?
— Je ne veux surtout pas la fuir ou
m’accommoder d’elle. Je veux m’imprégner de son énergie particulière. Je veux
la connaître. Je veux la mater. Je veux la conquérir. Et toi?
— Quoi, moi?
— Que ferais-tu pour régler le
problème de la zone?
— Je n’y ai pas réfléchi…
— Eh bien, vas-y. »
Félicia se redressa sur son siège.
Il la testait… Pendant qu’elle se creusait la tête, Olson fit un mouvement en
direction du bar. Félicia ne vit pas précisément ce qu’il fit, ou à qui il se
destinait.
« La nature des Cercles est de
rendre instables les procédés, par un trop-plein d’énergie », dit-elle
après quelques secondes. « Il suffirait peut-être d’intégrer des
sous-procédés capables de diffuser ce trop-plein…
— Et d’ainsi épargner le procédé
principal. Une sorte de soupape.
— Oui, en quelque sorte. »
Olson réfléchit à son tour, puis
hocha la tête. Il semblait satisfait. « La question que je me pose, alors…
Pourquoi personne ne l’a encore essayé?
— J’ai entendu dire que Hoshmand…
Vous connaissez Hoshmand?
— Oui, bien sûr. Et tu peux me
tutoyer. De toute façon, en anglais, nous ne sommes habitués à n’avoir qu’un
degré de politesse.
— Entendu. Donc, Hoshmand était
habile pour gérer l’énergie radiesthésique… Personne ne sait comment il s’y
prenait. Pour ma part, je ne crois pas qu’il ne s’agissait que d’une question
de prudence ou de minutie. Je suis certaine qu’il avait trouvé un truc. Et la
piste des sous-procédés est la meilleure que j’ai trouvée à ce jour.
— Dommage que Hoshmand nous ait
quittés.
— Oui. Très dommage, en
effet. »
La mention de Hoshmand vint remuer
son chagrin pour celui qui l’accompagnait au moment de son décès. Un ange
passa.
« J’ai entendu dire que c’était
ta faute si les impressions avaient cessé leur répétition constante des gestes
du moment de leur mort…
— J’ignore si c’est ma faute, mais
je venais de créer un dispositif… innovateur au moment où cela s’est
produit. » La cloche de verre un
point zéro.
— C’est quand même toi qu’elles
regardent… Il doit y avoir un lien.
— J’imagine.
— Lorsque j’ai appris tout cela,
j’ai tout de suite pensé : si les actions des impressions peuvent changer,
c’est un indice qu’elles sont plus que de simples enregistrements
spirituels. »
Félicia scruta Olson. Elle en était
venue aux mêmes conclusions.
« Apprécies-tu travailler avec
Gordon?
— J’ai été choyée dans mon parcours
jusqu’à présent », dit-elle en pensant surtout à Espinosa.
Olson fit la moue, comme s’il
s’était attendu à une autre réponse. « Les vieux Maîtres peuvent être très
obtus par moment… »
Félicia échappa un ricanement. Elle
n’avait jamais encore entendu quiconque utiliser le terme obtus à cette fin… Cette expression peu commune dans la bouche d’un
homme dont le français n’était pas la langue première avait quelque chose de
charmant. Le fait qu’elle ait souvent pensé la même chose ne gâchait rien.
« Je ne partage pas leur vision
de la relation entre le Maître et l’initié. En tout cas, si tu veux étudier
avec nous, tu es la bienvenue.
— Nous? »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire