L’oraison se termina
avec une ronde d’applaudissements et quelques accolades. Tout le monde souriait
comme s’ils avaient réalisé quelque chose de grand… Mais qu’avaient-ils
accompli, au juste? Olson n’avait pas réussi à percer la fonction derrière ces
mouvements – à supposer qu’il y en ait bien une.
« C’est quelque
chose, hein? », lui dit la femme la plus proche en poussant une mèche de
cheveux gras derrière son oreille en souriant. Le mouvement était coquet, le sourire
beaucoup moins : les dents qui lui restaient tiraient sur le brun.
« Définitivement »,
répondit Olson. « Mais je me demandais… À quoi tout cela sert-il? »
La femme figea,
perplexe. « Je… Je ne sais pas. C’est l’fun de se sentir comme ça, tous
ensemble. Comme la messe, mais sans la partie plate. Penses-tu le refaire avec
nous dans le futur? »
Les manières de la
femme criaient tu es beau, je te veux, au
moins te voir si je ne peux pas te toucher. Bref, business as usual pour Olson. Il lui décocha un clin d’œil qui la fit rougir
avant d’aller rejoindre Timothée. Le cliquetis dans sa tête résonna à chacun de
ses pas. Il commençait à se demander si l’étrange sensation allait finir par
passer.
« Pas ici »,
dit le jeune homme avant même qu’Olson ait ouvert la bouche. Ils laissèrent les
fidèles derrière et se rendirent dans autre section du sous-sol, une chambre
simple mais confortable, aussi nette et rangée qu’à l’hôtel.
Aizalyasni les rejoignit
un instant plus tard. L’oraison avait transformé leur attitude : les deux
étaient habités d’une énergie qu’ils contenaient avec difficulté, une fébrilité
qui se manifestait dans leurs mouvements, dans leur posture, surtout dans leur
regard. Leurs yeux écarquillés ne clignaient plus… Une caractéristique que les
récits historiques prêtaient également à Romuald Harré. Devait-il s’en
inquiéter?
Les deux se
redressèrent, l’intérêt piqué. « Qui est ce Harré?
— Un meurtrier »,
dit Olson, en donnant à sa réponse un ton de point final. Il ne voulait pas
leur communiquer d’autres informations, mais comment leur bloquer l’accès?
Il suffisait peut-être
de créer une interférence. Il se mit à chantonner en boucle une comptine dans
sa tête…
Row, row, row the boat, gently down the stream… Merrily, merrily,
merrily, merrily,
life is but a dream.
life is but a dream.
Timothée et Aizalyasni
n’insistèrent pas. Ils demandèrent plutôt : « Et quel est ton verdict…
— À propos de nos
oraisons? »
Ils attendaient sa
réponse, au bout de leurs chaises : la comptine fonctionnait donc. Il
cessa son manège pour leur permettre de voir sa réponse par eux-mêmes, qu’ils
comprennent la complexité de la situation sans qu’il ait à l’expliquer.
« Oh », dirent
Timothée et Aizalyasni, un peu déçus. Ils avaient espéré qu’Olson confirme que
leur rituel était compatible avec les cinq principes qu’ils avaient accepté de
respecter… mais lui-même n’en était pas certain. Il fallait admettre que
personne ne semblait comprendre le message gestuel qui était répété
quotidiennement… Si des secrets occultes étaient impliqués dans cette séquence,
ils étaient au moins aussi bien dissimulés que dans la salle des archives de Tanger…
D’un autre côté, les oraisons étaient bien plus accessibles que le bunker de Kuhn
ne l’avait jamais été. Olson allait devoir consulter ses pairs avant de rendre
sa décision.
« Maintenant que
ce premier dossier est réglé, penchons-nous sur la prochaine étape… Retrouver
Martin. Dites-moi tout ce que vous savez qui serait susceptible de m’aider… Et
j’aurai besoin d’un objet qui lui appartient. Quelque chose de précieux à ses
yeux… »
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