Avramopoulos s’emmerdait
un peu.
Il avait proposé d’accompagner
Derek Virkkunen, qui était toujours à la recherche d’un nouveau site pour son
futur projet artistique qui devait prendre la forme d’une installation urbaine.
Il valait mieux s’éloigner du Centre-Sud, dangereux de diverses façons…
Ses prospections l’avaient
amené dans le même quartier où Avramopoulos avait aménagé ses catacombes. Derek
était complètement absorbé par une rangée d’entrepôts de taille modeste.
Avramopoulos n’avait aucune idée de ce qui se passait dans la tête de l’artiste,
mais il ne doutait pas de sa capacité à transformer cet endroit des plus
ordinaires en quelque chose de merveilleux.
Un son électronique vint
déranger la contemplation de Derek. Avramopoulos soupira. Comme il détestait
ces appareils! Plus personne ne semblait capable de passer une minute sans
jeter un coup d’œil à son téléphone. Pas même Derek…
« Urgence au QG.
Il va falloir continuer une autre fois…
— En route, alors »,
répondit Avramopoulos, content de passer à autre chose. « J’espère que ce
ne sera pas pour rien… »
La nouvelle tomba
comme une tonne de briques, de la bouche de la jeune Lytvyn. « Gordon a
été arrêté à l’aéroport, à notre arrivée. Des reporters étaient sur place. Il
est possible que son image circule déjà…
— Sous quel prétexte? »,
demanda Van Haecht.
« Trafic et
production de drogues », répondit Latour. Un ange passa; tout le monde
était abasourdi. Sauf Avramopoulos, bien entendu. Deux ans auparavant, avant même
qu’il ne déclare sa présence dans La Cité, il avait espionné les faits et geste
de Gordon avec beaucoup d’attention… Enfin, pas directement : c’était Hoshmand
qui avait découvert le petit hobby de Gordon. À ce jour, toutefois, Avramopoulos
n’avait pas encore réussi à comprendre en
vue de quoi. Ce n’était certainement pas pour arrondir ses fins de mois qu’il
avait mis l’Orgasmik en circulation…
Gordon, Gordon… Dans quoi es-tu allé te fourrer, par ta maladresse?
« Qu’est-ce qui
te fait sourire comme cela? » Il fallut un instant à Avramopoulos pour
comprendre que c’était à lui que la
blondasse s’adressait.
« Qu’est-ce que c’est
que cette question? Je sourirai quand je voudrai!
— Qui sourit face au
malheur des autres?
— Oh, je ne doute pas
que tu rirais bien si c’était moi qui étais à sa place… »
Lytvyn signifia son
incrédulité avec une mimique brusque, dramatique, exaspérée. « Tout le
monde ici a été surpris d’apprendre les chefs accusations. Tout le monde… Sauf
toi. »
Avramopoulos ricana
devant cette connerie. Il n’aurait jamais dû permettre à Polkinghorne de lui
enseigner quoi que ce soit. Son rire figea toutefois lorsqu’il remarqua que les
autres s’étaient tournés vers lui, les sourcils froncés, le regard aiguisé…
« Quoi? Vous ne la prenez pas au sérieux, tout de même? »
Le silence fut éloquent.
« C’est vrai que
tu as réagi étrangement », dit Mandeville d’une voix incertaine.
Ces damnées pétasses.
Elles faisaient front commun, ou quoi? Avramopoulos sentit l’indignation
gronder en lui. « Eh bien, si j’avais eu quelque chose à me reprocher, ne
croyez-vous pas que j’aurais été capable de cacher mon jeu? » Il se maudit
dès que les paroles eurent quitté ses lèvres. Si j’étais coupable, je ferais mieux n’était pas la meilleure
défense.
« Allez mon vieux », dit Latour,
« dis-nous que ce n’est pas toi qui est derrière cette histoire, et nous
allons te croire…
— Je ne devrais pas avoir besoin de vous le dire! »,
explosa-t-il. Il se leva si énergiquement que sa chaise tomba à la renverse. « Et
vous laissez cette impertinente m’insulter devant tout le monde? La belle
affaire! J’exige qu’on me respecte! »
Son coup de colère avait balayé le concile d’un vent de malaise. Tant mieux. Il
n’avait pas terminé…
« Ceux qui vous
ont précédé auraient honte de vous voir… Vous pensez reconstruire l’école de
Munich simplement parce que vous logez au même endroit? Laissez-moi vous le
dire, une fois pour toutes : vous n’arrivez pas à la cheville des gens du
Collège, ou des Seize d’antan. Vous croyez que le Grand Œuvre fait de vous des
grands hommes? La vérité, c’est que vous êtes tous des êtres mesquins. Méprisables. Il
est temps que je vous montre ce dont est capable un Maître. Un vrai. » Il
fit signe à Derek et à Polkinghorne. « Allons-y. »
L’artiste lui emboîta
le pas, mais l’autre resta de marbre. Les bras croisés, les lèvres pincées, il
regardait droit devant lui. Il ajoute l’insulte
à l’injure, après tout ce que j’ai fait pour lui. J’en ai fini avec lui. C’est
un sot et un ingrat, rien de plus.
Il marcha vers
l’ascenseur avec une lenteur solennelle. La rage ne bouillait plus en lui; elle
avait été remplacée par quelque chose de glacial, d’implacable. Il était temps
de laisser derrière ces minables et leurs enfantillages : il avait cette
histoire d’accusations et de journalistes à régler. À propos…
« Où est Gauss?
— Je ne l’ai pas vu au
QG depuis quelques jours », répondit Derek.
« Trouve-le. Je
vais avoir besoin de lui… »
Bonjour,
RépondreSupprimerDu temps, des mots, et l'histoire passe.
Comme des bouteilles à la mer, celles-ci partent et s'échouent au gré des marrées.
Une vague m'apporte ce poste, et je l'en remercie pour ce bon moment.
Cordialement