dimanche 2 mars 2014

Le Noeud Gordien, épisode 309 : Dans le trou, 1re partie

Mike Tobin se réveilla dans le Terminus, le dos meurtri d’avoir dormi sur une surface si raide. Il frotta ses yeux, son visage, ses cheveux, et alla rejoindre ceux qui montaient la garde autour du trou où Tricane avait disparu. Aizalyasni était assise au bord de l’ouverture, les pieds dans le vide, son pistolet déposé à sa droite. À sa gauche, une tasse à moitié vide refroidissait.
« Hey », dit Tobin.
« Salut, Mike. As-tu bien dormi? 
— Comme un bébé », dit-il en allant s’asseoir à sa gauche. Aizalyasni déplaça sa tasse. Lorsqu’elle était revenue au Terminus, peu après l’attaque de la veille, elle était paniquée, incohérente… Elle avait marmonné des insanités jusqu’à ce que Martin lui en serve une rasade. Sa première gorgée l’avait calmée. Elle avait ensuite expliqué qu’on avait tenté de l’enlever. Elle avait toutefois refusé d’en dire davantage, préoccupée seulement par Madame et par les couleurs qu’elle avait vues de l’autre côté de la rivière Nikos.
« Je suis ici depuis que Martin est allé se coucher », dit-elle. « Rien n’a bougé.
— Je me demande si c’était une bonne idée de juste… attendre.
— Tu as pris la bonne décision », dit Aizalyasni. « Ce n’est pas normal, ce trou. Mieux vaut être prudents. »
Tobin regarda le chemin pavé et les murs blancs en contrebas. « Ouais. C’est certain que ce n’est pas le sous-sol. »
Aizalyasni grimaça. « Je ne suis même pas certain que ça mène quelque part.
— Hein?
— Je ne sais pas comment l’expliquer… Je perçois des choses… Des choses que je ne comprends pas. » Après une pause, elle ajouta : « Si Madame était là, elle pourrait m’expliquer…
— Ça va pas ben », répondit Tobin. Il creusa ses souvenirs à la recherche de quelqu’un d’autre vers qui se tourner… Quelqu’un qui serait capable de les conseiller pour élucider cette situation incompréhensible. Si seulement Karl avait été plus ouvert quant à ses fréquentations secrètes… Mike était absolument certain que ses rencontres n’impliquaient pas que Tricane… Il aurait suffi qu’il en connaisse une autre personne dans le secret, et…
« J’ai trouvé! », dit Mike en bondissant sur ses pieds. Aizalyasni sursauta.
« Trouvé quoi?
— Quelqu’un qui pourrait nous aider… Je dois passer par chez moi, ne faites rien avant que je sois revenu! »
Il retourna au Centre, là où sa voiture était garée, et mit le cap sur son duplex de la banlieue nord.
Il passait peu de temps chez lui, surtout depuis qu’il veillait sur Tricane et le Terminus. Son duplex n’était pour lui qu’une station de passage. Il n’y allait que pour se laver, pour dormir ou pour baiser. Ses stores demeuraient fermés en permanence, et son réfrigérateur n’avait à peu près jamais contenu que des canettes de bière et une bouteille de ketchup.
C’est néanmoins là qu’il gardait ses affaires… et, il espérait, l’objet qu’il était venu chercher. Il ne restait qu’à le trouver…
Il ne le trouva pas là où il empilait sa paperasse, à côté de son vieil ordinateur, ni dans la boîte où il jetait les documents qui lui apparaissaient inutiles, mais dont il ne voulait pas se débarrasser. Il crut un instant qu’il avait dû le perdre, ou le balancer aux poubelles… Mais il demeurait convaincu qu’il ne l’avait pas jeté. Il balaya son logis du regard, les mains sur les hanches… Son regard se posa sur l’étagère où les rares livres qu’il possédait étaient empilés. Le souvenir revint comme un déclic : là!
Il ouvrit le Guide de l’auto de l’année précédente. Sous la page de garde se trouvait le signet plastifié que l’ex-femme de Karl avait fait produire pour ses funérailles. L’image présentait un oncle beaucoup plus jeune, à peine plus vieux que Mitch aujourd’hui; il souriait à la caméra en portant son garçon à bout de bras. C’est sous le signet qu’il trouva ce qu’il était venu chercher. Une carte d’affaire toute sobre, qui n’affichait qu’un numéro de téléphone et un nom. Ce n’était pas grand-chose… Mais c’était mieux que rien.
Il composa le numéro. Il tomba sur un message enregistré. « Bonjour! C’est Félicia. Laissez-moi un message, je vous rappelle dès que possible. »
Comment résumer ce qu’il avait à dire? Bonjour, nous nous sommes rencontrés une fois, tu cherchais Tricane. Là, c’est moi qui l’ai perdue. Peux-tu m’aider? Il jugea préférable d’attendre de pouvoir parler en personne à miss Lytvyn. Il raccrocha avant le bip.
Faute de mieux, il décida de passer quelques heures en ville, pendant lesquelles il espérait réussir à la contacter. Pendant ce temps, il pouvait profiter des bienfaits de la civilisation : une douche chaude, des vêtements propres… Puis, un bon burger et une pinte de bière. Il espérait seulement qu’aucune nouvelle catastrophe n’allait frapper le Terminus en son absence.

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