Mike Tobin se réveilla dans le
Terminus, le dos meurtri d’avoir dormi sur une surface si raide. Il frotta ses
yeux, son visage, ses cheveux, et alla rejoindre ceux qui montaient la garde
autour du trou où Tricane avait disparu. Aizalyasni était assise au bord de
l’ouverture, les pieds dans le vide, son pistolet déposé à sa droite. À sa
gauche, une tasse à moitié vide refroidissait.
« Hey », dit Tobin.
« Salut, Mike. As-tu bien
dormi?
— Comme un bébé », dit-il en
allant s’asseoir à sa gauche. Aizalyasni déplaça sa tasse. Lorsqu’elle était
revenue au Terminus, peu après l’attaque de la veille, elle était paniquée,
incohérente… Elle avait marmonné des insanités jusqu’à ce que Martin lui en
serve une rasade. Sa première gorgée l’avait calmée. Elle avait ensuite
expliqué qu’on avait tenté de l’enlever. Elle avait toutefois refusé d’en dire
davantage, préoccupée seulement par Madame et par les couleurs qu’elle avait
vues de l’autre côté de la rivière Nikos.
« Je suis ici depuis que Martin
est allé se coucher », dit-elle. « Rien n’a bougé.
— Je me demande si c’était une bonne
idée de juste… attendre.
— Tu as pris la bonne
décision », dit Aizalyasni. « Ce n’est pas normal, ce trou. Mieux
vaut être prudents. »
Tobin regarda le chemin pavé et les
murs blancs en contrebas. « Ouais. C’est certain que ce n’est pas le
sous-sol. »
Aizalyasni grimaça. « Je ne
suis même pas certain que ça mène quelque part.
— Hein?
— Je ne sais pas comment
l’expliquer… Je perçois des choses… Des choses que je ne comprends pas. »
Après une pause, elle ajouta : « Si Madame était là, elle pourrait
m’expliquer…
— Ça va pas ben », répondit
Tobin. Il creusa ses souvenirs à la recherche de quelqu’un d’autre vers qui se
tourner… Quelqu’un qui serait capable de les conseiller pour élucider cette
situation incompréhensible. Si seulement Karl avait été plus ouvert quant à ses
fréquentations secrètes… Mike était absolument certain que ses rencontres n’impliquaient
pas que Tricane… Il aurait suffi qu’il en connaisse une autre personne dans le
secret, et…
« J’ai trouvé! », dit Mike
en bondissant sur ses pieds. Aizalyasni sursauta.
« Trouvé quoi?
— Quelqu’un qui pourrait nous aider…
Je dois passer par chez moi, ne faites rien avant que je sois revenu! »
Il retourna au Centre, là où sa
voiture était garée, et mit le cap sur son duplex de la banlieue nord.
Il passait peu de temps chez lui,
surtout depuis qu’il veillait sur Tricane et le Terminus. Son duplex n’était
pour lui qu’une station de passage. Il n’y allait que pour se laver, pour dormir
ou pour baiser. Ses stores demeuraient fermés en permanence, et son
réfrigérateur n’avait à peu près jamais contenu que des canettes de bière et
une bouteille de ketchup.
C’est néanmoins là qu’il gardait ses
affaires… et, il espérait, l’objet qu’il était venu chercher. Il ne restait qu’à
le trouver…
Il ne le trouva pas là où il
empilait sa paperasse, à côté de son vieil ordinateur, ni dans la boîte où il
jetait les documents qui lui apparaissaient inutiles, mais dont il ne voulait
pas se débarrasser. Il crut un instant qu’il avait dû le perdre, ou le balancer
aux poubelles… Mais il demeurait convaincu qu’il ne l’avait pas jeté. Il balaya
son logis du regard, les mains sur les hanches… Son regard se posa sur l’étagère
où les rares livres qu’il possédait étaient empilés. Le souvenir revint comme
un déclic : là!
Il ouvrit le Guide de l’auto de l’année
précédente. Sous la page de garde se trouvait le signet plastifié que
l’ex-femme de Karl avait fait produire pour ses funérailles. L’image présentait
un oncle beaucoup plus jeune, à peine plus vieux que Mitch aujourd’hui; il
souriait à la caméra en portant son garçon à bout de bras. C’est sous le signet
qu’il trouva ce qu’il était venu chercher. Une carte d’affaire toute sobre, qui
n’affichait qu’un numéro de téléphone et un nom. Ce n’était pas grand-chose…
Mais c’était mieux que rien.
Il composa le numéro. Il tomba sur
un message enregistré. « Bonjour! C’est Félicia. Laissez-moi un message,
je vous rappelle dès que possible. »
Comment résumer ce qu’il avait à
dire? Bonjour, nous nous sommes
rencontrés une fois, tu cherchais Tricane. Là, c’est moi qui l’ai perdue.
Peux-tu m’aider? Il jugea préférable d’attendre de pouvoir parler en
personne à miss Lytvyn. Il raccrocha avant le bip.
Faute de mieux, il décida de passer
quelques heures en ville, pendant lesquelles il espérait réussir à la contacter.
Pendant ce temps, il pouvait profiter des bienfaits de la civilisation :
une douche chaude, des vêtements propres… Puis, un bon burger et une pinte de
bière. Il espérait seulement qu’aucune nouvelle catastrophe n’allait frapper le
Terminus en son absence.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire