Un mouvement de Félicia ramena
Édouard à la conscience : il s’était laissé flotter jusqu’au bout de l’assoupissement.
Ce premier mouvement était somme toute restreint, un frémissement à peine. Il
fut suivi d’un autre, plus affirmé, qui déclarait sans équivoque la fin du
moment magique.
Félicia s’assit sur le rebord du
matelas gonflable et entreprit de se rhabiller.
Édouard, pour sa part, peinait encore
à trouver quoi dire. Il sentait bien que quelque chose avait changé dans son
rapport à la jeune femme, quelque chose qui les avait rapprochés de manière
inédite. D’un autre côté, la soudaineté du tout suggérait quelque chose plus
superficiel que profond… Édouard découvrait que pour lui, une relation axée sur
le sexe et le sexe seulement ne lui apparaîtrait pas souhaitable. Peut-être que
son silence était une tentative de maintenir un instant de plus l’illusion que
leurs ébats avaient été une affaire de connexion plutôt qu’un petit moment de
plaisir détaché de tout le reste…
Félicia confirma ses craintes à
travers les premières paroles qu’elle prononça, à la fois banales et
utilitaires.
« Faudrait pas que ça se
sache », dit-elle sans se retourner.
— Ouais, j’imagine.
— Avramopoulos peut vraiment
être mesquin. Particulièrement envers les femmes. Particulièrement envers ceux
qui ont quitté son clan. Particulièrement envers ceux qui ne pensent pas comme
lui.
— C’est particulièrement
déplaisant », dit Édouard en référant d’abord à l’attitude du Maître, mais
surtout aux émotions troubles que la désinvolture de Félicia lui suscitait.
Édouard s’extirpa du lit pour se
rhabiller à son tour, feignant le même détachement. Il se demandait bien
comment les Casanova de ce monde pouvaient vivre ce genre de malaise à chaque
nouvelle aventure. L’excitation, le sentiment de connexion, la satisfaction
sexuelle… Tout cela était bien entendu exquis, et désirable en théorie, mais… Compte
tenu du prix à payer, est-ce que tout cela en valait encore la chandelle?
En remontant ses pantalons, Édouard
jeta un regard oblique à Félicia. Elle examinait une alerte qu’elle venait de
recevoir sur son téléphone. Il soupira.
« Je vais retourner à ma
cuisine. Il faut encore que j’apprenne comment faire fonctionner cette foutue
machine à café. »
Il fit un premier pas vers le
corridor avant que Félicia, distraite par le rectangle lumineux, ne réagisse.
« Attends un petit peu,
toi… »
Elle se leva à son tour, le
chemisier à moitié boutonné. Son sourire espiègle revient illuminer son visage.
Elle agrippa Édouard par la ceinture et l’attira jusqu’à elle pour l’embrasser
avec la même fougue que plus tôt. Une nouvelle vague de désir monta en lui,
effaçant toutes les pensées pénibles avec lesquelles il avait jonglé.
L’embrassade prolongée les laissa
tous deux pantelants. Apaisé par cet épilogue inattendu, Édouard toucha la joue
de Félicia, lui fit un clin d’œil et tourna les talons.
Félicia en profita pour lui balancer
une claque sonore sur une fesse. Il se retourna vers elle, feignant l’outrage
mais réellement surpris, pour la voir battre innocemment des cils avec un air
des plus angéliques.
Il continua son chemin en pensant
qu’il n’avait jamais connu personne comme elle. En fait, il n’avait jamais même
pensé que pareille fille pouvait exister.
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