dimanche 1 octobre 2017

Le Nœud Gordien, Épisode 490 : La magie révélée, 4e partie

Édouard se doutait que les Maîtres allaient vite réagir… Il ne s’était toutefois pas attendu à ce que ce soit avant même la fin de l’émission. « Je vais le prendre », dit-il à Maude.
Il décrocha le téléphone. Sa main tremblait légèrement. Le déclic du transfert d’appel se fit entendre.
« Intéressant, ton petit projet… » C’était bien la voix de Gordon. « À propos : j’ai ton oiseau… 
— Si jamais tu lui fais du mal… 
— Fais ce que je te dis, et il ne lui arrivera rien de fâcheux, répondit Gordon.
— Qu’est-ce que tu veux? 
— Tu veux révéler la magie? Je vais t’aider, parole d’honneur. Je veux accéder au plateau de tournage. Je veux m’adresser à la caméra. Surtout, n’alerte personne. Si je détecte la moindre faille dans ta coopération, je tords le cou de ton animal. Puis, ce sera le tour de tes petites filles. Compris? » La gorge serrée, le souffle court… Même s’il avait su quoi dire, Édouard n’aurait pas pu l’articuler. Gordon interpréta son silence comme une réponse positive. « Bien. J’arrive… »
Édouard raccrocha, abasourdi. Il a menacé mes filles. Cela ne ressemblait en rien au Gordon qu’il avait cru connaître – même tenant compte de la détérioration de leur relation. N’alerte personne : je le saurai. Il y avait de quoi être perplexe. Gordon disposait-il d’un informateur dans son entourage? Le cas échéant, pourquoi n’était-il pas intervenu avant?
« Édouard, deux minutes, dit Maude.
— Bonne nouvelle, répondit Édouard en feignant l’enthousiasme, Ozzy a été retrouvé… Le type est en route, peux-tu t’assurer qu’on le laisse passer?
— Oh! Super! Tu peux y aller, je m’occupe de tout! »
Il entra en scène la mort dans l’âme, les tripes nouées. Le tonnerre d’applaudissement qui l’accueillit parut irréel. Il força un sourire, fit la bise à Jasmine et prit place dans le panel, tiraillé entre l’impératif de suivre le script comme si de rien n’était, et la tentation de lancer l’alerte. Lorsque Jasmine posa sa première question, il détecta la présence d’Ozzy à l’entrée du complexe Les Muses… Et, il le savait maintenant, Gordon avec lui.
« Édouard?
— Pardon, j’ai été distrait un instant. C’est un moment chargé d’émotion, pour moi, de pouvoir enfin vous parler de mon expérience.
— Et nous, nous voulons tout savoir! » Des applaudissements et quelques cris d’encouragement s’élevèrent de la salle. « D’abord, comment as-tu rencontré ta corneille?
— Je l’ai recueillie alors qu’elle était encore toute petite. Je me promenais dans la forêt; elle avait une aile blessée. Je l’ai ramenée avec moi.
— À quel moment as-tu découvert votre lien particulier?
— Pour être honnête, j’ai l’impression que nous avions une connexion avant même que je la trouve. J’ai ressenti une sorte d’appel… C’est en le suivant que je me suis rendu jusqu’à elle.
— Oui, M. Stenbeck?, dit Jasmine après qu’il ait levé le doigt comme un écolier.
— Je veux rappeler, une fois de plus, que cet appel, ces intuitions, ce n’est pas ce qui a été testé par la Fondation.
— Ouais, coupa Fillion, agressif. T’es sceptique. On a compris. » La saillie fit rire une partie du public.
« C’est quand même ainsi que ça s’est passé », rétorqua Édouard.
Jasmine toucha son oreillette. « On m’annonce d’ailleurs l’arrivée de la star du jour. Mesdames et messieurs, une bonne main d’applaudissement pour Ozzy! »
Un technicien de plateau s’avança sur scène. Il tenait une grande cage à bout de bras, un micro sur trépied dans l’autre main. Ozzy crailla en battant des ailes dès qu’il aperçut Édouard.
Un plateau de télévision est toujours une machine réglée au quart de tour, particulièrement durant une émission en direct. L’apparition soudaine de Gordon, débraillé, le visage troué, marchant à la suite du technicien vers le centre du plateau, créa un effet de surprise totale. « Micro », dit le nouveau venu en pointant le centre de la scène. Le technicien y déposa la cage et le trépied, activa le micro et laissa la place à Gordon.
Jasmine, incertaine quant à comment réagir, chercha le regard de Nico, puis d’Édouard, qui se demandait lui-même quoi faire. Une évidence prit le dessus : si Gordon était arrêté, il ne serait plus un danger pour quiconque. Il s’exclama : « Cet homme est recherché par la police de La Cité! Il a menacé de tuer ma famille pour accéder au plateau! »
Trois gardes de sécurité convergeaient déjà vers la scène pour intervenir, mais Gordon leur fit signe de s’arrêter. « Stop. Laissez-moi vous expliquer. Sans interruption. » Deux des trois s’arrêtèrent net; le troisième, interloqué, voulut continuer, mais il fut retenu par les autres. S’agissait-il d’hommes à la solde de Gordon?
« Vous voulez des preuves incontestables de l’existence de la magie, n’est-ce pas? Je vais vous en offrir une, bien meilleure que cette vulgaire corneille. Écoutez-moi bien… »

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